19 juillet 2007

Gentryfication

Ne serait-ce que grâce à sa très réussie adaptation française par Joe Dassin (“La Marie-Jeanne”), “Ode To Billie Joe”, depuis quarante ans tout juste, est rentrée dans l’inconscient collectif. Et il faut bien reconnaître que cette chanson de suicide ourlé de secret (avortement ?), d’autant plus bouleversante qu’elle échappe à tout pathos, a quelque peu éclipsé Bobbie Gentry, son auteur et interprète.

Il aura fallu que Philippe “I wanna be be your blog” Dumez décide de se séparer de la moitié de sa collection de vinyles pour que l’arbre cesse enfin de cacher la forêt, en ce qui me concerne. Pour deux euros, qu’est-ce que je risquais ? Rien, sinon de découvrir qu’à la fin des années 60, la native de Chickasaw County, Mississippi, n’était rien moins que la plus remarquable chanteuse de soul sudiste blanche, capable sans se forcer d’en remontrer à Dusty Springfield, autrement plus célébrée.

Si, à l’écoute de “Mississippi Delta” or “Okolona River Bottom Band”, on en vient à se demander si, tant qu’elle y était, elle n’aurait pas inventé le swamp-rock, la réponse est oui. Tony Joe White, le roi du genre, ne manque jamais une occasion de rappeler que “Ode To Billie Joe” lui a montré la voie à suivre : écrire sur ce qu’il connaissait, d’où “Polk Salad Annie” et autre “Rainy Night In Georgia”.

Et même si la suite de sa carrière se révèlera moins passionnante (des duos pépères avec Glen Campbell, ce genre), pendant un temps, Miss Gentry tutoya la perfection. Accommodée aux plus goûteuses épices du Sud. Inutile d’attendre qu’elle fasse son entrée dans un prochain tome du Dictionnaire snob du rock. Il y a bien une compile qui vous attend dans un vide-grenier près de chez vous.

Ode To Bobbie Gentry: A Tribute

18 juillet 2007

J’ai pris Kimya Dawson dans mes bras

Et je sais que ça n'a rien d'extraordinaire. A ceci près que vous en connaissez beaucoup, vous, des chanteurs que tout le monde serre dans ses bras après un concert, histoire de dire "merci, je t'aime" ?

J'ai vu Kimya jeudi dernier au point Ephémère. Et il me suffit d'y repenser pour avoir le sourire. Si vous ne voyez pas trop qui est Kimya, sachez qu'elle était la moitié féminine des Moldy Peaches, déguisée en gros lapin blanc. Après qu'elle ait "divorcé" d'Adam Green, Kimya a appris à jouer de la guitare - et elle ne casse quasiment jamais de corde. Mais ça lui est arrivé quelques jours avant qu'elle ne joue à Paris, et elle nous a raconté que ça lui avait appris qu'on était censé changer les cordes d'une guitare de temps à autre, et que c'était sacrément bath de jouer sur une guitare qui a des cordes neuves.

Ce qui indique que Kimya n'est peut-être pas la plus technique des musiciennes. Mais qu'est-ce qu'on en a à cirer? Kimya a plein d'amis musiciens. Ce soir-là, David Herman Düne l'a accompagnée. Cela faisait deux ans qu'ils n'avaient pas joué ensemble, et la dernière fois, elle lui avait raconté qu'elle était enceinte.

De toute façon, sa guitare n'est là que comme point d'appui à ses chansons. Des chansons très personnelles, mais jamais nombrilistes. Pleines d'angoisse et de de mélancolie. Mais aussi de joie et d'espoir, car Kimya réussit (presque) toujours à garder une pointe (ou plus) d'humour. Des chansons d'une simplicité lumineuse, qui peuvent vous faire rire et vous briser le coeur d'un même mouvement.

Kimya nous a demandé si certains étaient déjà là la fois précédente où elle était passée dans cette même salle. Elle s'était sentie un peu gênée quand un type qu'elle ne connaissait quasiment pas était monté sur scène pour lui masser les épaules. Et elle nous a dit que le type en question, qui ouvrait la soirée sous le nom d'Angelo Spencer, était maintenant son mari et le père de Panda, leur bébé.

Quand une petite rouquine de deux ans (une amie) est venue se planter à côté d'elle, Kimya, morte de rire, a eu du mal à finir sa chanson. Elle nous a expliqué qu'elle avait récemment enregistré un EP de chansons pour bébés, "Alphabutt" (un CD-R malheureusement épuisé pour l'instant). Ce qui lui donne une bonne excuse pour se laisser aller à sa veine la plus scato (évidente dans la réjouissante interview donnée à Scene Missing Magazine).

Avant de descendre de scène, Kimya demandé au public de former un cercle. En précisant qu'elle ne plaisantait pas. Effectivement : au milieu de la salle, Kimya a pris deux personnes par la main, qui en ont pris deux autres, et la chaîne humaine grandissante s'est mise à tourner sur elle-même pour former une spirale amicale.


Je sais que ça fait plutôt crétin, mais sur le coup, c'était tout naturel. C'est que Kimya fait des miracles. Plus que des fans, Kimya a des amis. Et tout le monde sait qu'en plus d'être une artiste touchante, elle est votre amie.

Kimya Dawson vous donne l'impression de sortir de ses concerts meilleur qu'on était en y entrant. Et peut-être même d'avoir envie de faire quelque chose pour justifier ce sentiment.

http://www.kimyadawson.com (avec des tonnes de trucs et de liens personnels)
http://www.krecs.com (que ferait-on sans Calvin Johnson ?)

Photo : ©Steffan Búrønsson
Plus de photos de concert
Kimya sur apopalthing