28 février 2008

Nostalgie, quand tu nous tiens









J’avais toutes les motivations pour aller voir Jens Lekman hier, au Nouveau Casino : un troisième album qui figure parmi mes favoris de 2007, le souvenir d’un après-midi délicieux au Parc de la Villette, au début de l’été dernier, la promesse de retrouver des amis dans le public et de passer une excellente soirée.

Et puis j’ai finalement jeté sur mon dévolu sur André Williams à la Maroquinerie, pour la pire des raisons : après la disparition récente de son vieux complice Ike Turner, je me suis dit que c’était peut-être la dernière occasion de voir le pervers pépère de la soul, réinventé en Black Godfather rap-high energy rock il y a une bonne décennie par Mick Collins, après une longue traversée du désert. Après tout, Jens est jeune, j’aurai de multiples occasions de le revoir, et surtout, Mr. Rhythm a retrouvé pour cette tournée européenne son meilleur sparring-partner scénique, à savoir Brian Waters.

Ceux qui ont eu la chance de voir André en première partie du Blues Explosion s’en souviennent encore : c’était lui, le teigneux guitariste/chanteur des Countdowns, qui l’accompagnaient. Et c’est désormais lui qui mène The Flash Express, trio peut-être encore plus énervé que les Countdowns, où l’on retrouve aussi le premier batteur de son ancien groupe. Groove d’airain funky, riffs à la Wilko, solos vicieux torturés à la wha-wha façon Ron Asheton et vocaux hystériques (parfois éructés directement dans le humbucker de la Telecaster Deluxe de Brian), la formule fait mouche, et ne peut que réjouir, entre autres, les nostalgiques du MC5.

Et c’est également à The Flash Express (épaulé par un second guitariste pas très nécessaire) que revient la tâche d’accompagner André. A 72 ans, Mr Rhythm soigne toujours sa mise, copurchic dans son uniforme bleu nuit et écarlate, façon soldat de la guerre de Sécession, et son feutre de marlou. Mais on ne peut pas dire qu’il tienne la grande forme. Le souffle n’est plus là, la diction pâteuse, il trébuche à plusieurs reprises sur des câbles, se trompe de micro, titube pour aller s’asseoir sur les marches des escaliers des loges, entre deux couplets. Dans un état plus qu’avancé. Ce qui n’empêche pas une partie du public d’acclamer la légende, comme si de rien n’était. Les Flash Express ont beau faire plus que tenir la baraque, rallongeant les intros ou les breaks instrumentaux quand le vieux néglige de revenir, le spectacle est assez pathétique. Le répertoire n’a pas évolué d’un iota en une décennie et, manifestement, André s’en fout, du moment qu’il a de quoi se lubrifier le gosier. Ses vieux démons ont repris le dessus. Définitivement, on peut le craindre. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était.

Page myspace du Flash Express
Leur site
Page myspace d’André Williams

Photo Andre Williams ©Stanislav Milojkovic/Popbooks

26 février 2008

Si loin, si proche

Il n’y a pas que les esgourdes, dans la vie. Mais aussi les yeux, entre autres. Et si vous avez envie d’écarquiller les mirettes de bonheur, il y a de pires lieux, jusqu’au 30 mars, que le dernier étage de la Maison européenne de la Photographie. Plus précisément du côté de l’expo Shoji Ueda, une ligne subtile.

Qui ça ? Moi non plus, je ne connaissais pas Shoji Ueda avant d’apercevoir une ou deux photos annonçant l’expo. Ce Japonais, qui a vécu de 1913 à 2000, ne figure pas dans la liste des grands maîtres reconnus de la photo. Mais je l’y rajouterai bien.

Car l’air de rien, celui-ci, qui se définissait humblement comme un amateur, possédait un vrai univers. Défini par un décor privilégié, celui des dunes de sables de Tottori, près de chez lui, au vaste ciel et à l’horizon infini ouvrant sur la mer. Décor où se sont épanouis son don pour les mises en scène légèrement surréalistes, l’observation du temps et des saisons, des gens – sa famille ou des inconnus. Décor qui ne peut évoquer de faire penser aux films de Takeshi Kitano. Décor surtout où s’épanouissent à la fois un sens de la composition, du cadre et de la lumière saisissants, et qu’il est rarissime de trouver porter à un tel degré chez un même photographe.

Ne vous fiez pas aux piteuses reproductions en basse définition de cette page, ce sont bien les tirages originaux d’époque, réunis dans cette lumineuse rétrospective, qu’il faut aller voir. De la pure poésie visuelle, alliant le meilleur de l’Orient et de l’Occident.

Et comme un bonheur n’arive jamais seul, l’excellent galerie Camera Obscura (près la la Fondation Cartier) présente jusqu’au 28 mars une double expo croisée – que je n’ai pas encore vue - d’Ueda et de Jacques-Henri Lartigue, sa référence privilégiée…



Maison européenne de la photographie
Galerie Camera Obscura
Shoji Ueda Museum Of Photography, avec une petite sélection de ses œuvres
Shoji Ueda Office (biographie, bibliographie)

20 février 2008

Les héros sont fatigants


Live With Me

Sur le papier, c’était une bonne idée. Deux figures du rock alternatif des années 90, Greg Dulli (Afghan Whigs, Twilight Singers) et Mark Lanegan (Screaming Trees, Queens Of The Stone Age), qui se retrouvent sur un label cool (Sub Pop) où ils ont eu leurs habitudes, sans que ce soit une idée de manager, mais bien l’aboutissement de contributions mutuelles ces dernières années… Un nom ironique, en clin d’œil à de “mauvaises habitudes” autodestructrices (dope, dope et dope) amplement documentées par les protagonistes eux-mêmes… Et Dulli qui définit ces Frangins du Caniveau comme des Everly Brothers sataniques…

En fan de la belle voix de cendres et de graviers de Mark Lanegan, j’ai acheté ma place pour le concert du 19 à la Maroquinerie les yeux fermés. Et puis, j’ai eu l’occasion de jeter une oreille sur Saturnalia, leur album (sortie le 4 mars), et j’ai éprouvé quelques doutes. En me disant qu’ils seraient vite balayés sur scène…

Enfin, vite… Pour commencer, les “légendes” nous font poireauter une heure et demi, comme ça, sans première partie. Fatigue ? Pas vraiment, puisqu’il ne s’agit que du deuxième concert de la tournée (après quelques shows informels, à l’automne 2005). Quoi qu’il en soit, l’indulgence qu’on était prêt à accorder à un groupe aussi jeune s’évapore quelque peu. Surtout que les doutes nés de l’album se confirment aussitôt : les Gutter Twins ont un fameux problème d’identité, qui n’a rien à voir avec d’éventuelles approximations de mise au point (le backing band gentiment bourrin, qui joue aussi sur Saturnalia, assure, comme on dit). Quoi de commun entre les faux airs de Bono de Greg Dulli et ses aspirations assorties à taper dans un rock pour stades trop cossu pour être honnête, son côté plein de lui-même et autosatisfait, et le jansénisme bluesy d’un Mark Lanegan constipé, agrippé à son pied de micro comme un naufragé à une bouée, et qui semble consterné d’être là ? Rien. Ce qui donne un concert pour le moins inégal, qui ne parvient jamais à instaurer la moindre dynamique, et singulièrement dénué de la moindre étincelle. En fait de contraste stimulant entre Dulli et Lanegan, il y a une réelle incompatibilité musicale, qui pouvait être dissimulée lors de leurs précédentes collaborations, lorsque l’un des deux menait clairement la barque. D’ailleurs, même si près de la moitié des titres de l’album a été cosignée, chacun porte assez clairement la marque de l’un ou de l’autre. A l’exception de “The Body”, interprété à deux voix de bout en bout. Mais, hier, pas du tout, mais alors carrément pas, en harmonie, seuls les recalés de la Nouvelle Star étant en mesure de chanter plus atrocement faux – et Dieu sait pourtant si je peux apprécier des chanteurs qui ont une ralation toute personnelle avec la justesse, comme Stephen Malkmus.

Le pire est encore à venir, cependant, avec le mielleux “Front Street” qui clôt le show (comme le disque), emmené par un Greg Dulli qui se fout la honte avec une gestuelle emphatique de mauvais crooner pour lounge de Las Vegas.

Dans le genre “dur d’être une figure alterno vieillissante”, c’est sans doute ce que j’ai vu (et entendu) de pire depuis un certain concert solo de Billy Corgan à La Cigale. Et une énième vérification que, dans un contexte de supergroupe, les talents ne s’additionnent pas, mais se neutralisent.


Saturnalia (Sub Pop/Pias)

Idle Hands” (mp3)

Tout l’album en streaming ici
Leur Monespace

15 février 2008

Kimya à tout prix

C’est tout moi, ça ! Pas plus tard que juste en dessous (si vous scrollez), j’exprimais mes doutes sur le potentiel commercial de Coming Soon, sans réaliser qu’au même moment ils étaient n°1 dans les charts américains des albums. Les vrais, pas les alternatifs…

Et par quel miracle ? Celui de la B.O. de Juno (que je n’ai pas encore vu), petit film indé propulsé phénomène du moment outre-Atlantique, et qui a même réussi son démarrage en France (près de 200 000 entrées sur une combinaison modeste d’écrans). Je n’ai pas encore vu le film, histoire d’ado en cloque apparemment sympathique et pas stupide, nominée 4 fois aux Oscars (mais pas pour sa B.O.), où l’on retrouve pas mal de têtes croisées dans des séries télé chéries (Jason Bateman et Michael Cera, pères et fils dans l’hilarant Arrested Development, Allison Janney, la chargée de presse de The West Wing, ou J.K. Simmons, l’horrible leader du clan nazillon dans Oz).

On le sait, de plus en plus souvent, c’est grâce à Hollywood (version grand ou petit écran) que des musiciens que l’on croyait voués à l’underground (par choix, tempérament ou incurie des majors, plus promptes à pointer le téléchargement que leur frilosité ou leur incapacité chronique à reconnaître les vrais talents) se retrouvent à toucher le public mainstream (ou à payer leur loyer, comme Mr E. de Eels, avec la franchise Shrek et autres blockbusters). Ça peut ne durer qu’un moment, avant qu’ils ne redeviennent cultes et retrouvent leurs fans de toujours (Jonathan Richman, chœur antique de Mary à tout prix), ou faire un vrai tremplin (The Shins, via Garden State).

Et là, pour la B.O. de Juno, c’est Kimya Dawson qui a tiré le gros lot. Pas loin de la moitié du disque pour elle, toute seule (surtout), ou au sein des Moldy Peaches ou d’Antsy Pants. À savoir le groupe d’occasion qu’elle avait formé il y a deux ans à Annecy (d’où le nom calembourbeux) avec Coming Soon (sans Alex), son désormais époux Angelo Spencer (papa de leur petite Panda), et quelques autres amis…

Inutile de dire qu’une telle nouvelle me remplit d’allégresse (ce n’est pas par hasard si ce blog a été inauguré par le compte-rendu de son dernier concert parisien). Kimya superstar ? C’est trop drôle et évident à la fois. De quoi croire que parfois, la vertu est récompensée, qu’il y a une justice dans ce bas monde. Après tout, il est difficile de faire plus simple, direct et touchant que Kimya. Il ne lui manquait guère que d’être entendue (littéralement) pour pouvoir atteindre tout le monde, le facteur, les emo kids, les golden boys, vous qui me lisez, j’espère – à condition, c’est vrai, d’être anglophone.

Je ne suis pas certain que ce succès de masse soit appelé à durer. Mais que la plus adorable des plantereuses antifolksingeuses black tatouées (une catégorie peu représentée) puisse un jour faire la nique aux bimbos R&B et à la variété tiroir-caisse, ça se savoure.

http://www.myspace.com/antsypantskids
http://www.myspace.com/kimyadawson
http://www.kimyadawson.com

Juno B.O.F. (Rhino/Warner)

12 février 2008

A la bourre



C’est nul de mettre quatre jours avant de parler d’un concert. Surtout quand il s’agit de quidam(e)s connus collectivement sous le nom de Coming Soon. Mais comme dit le vieil adage, mieux vaut tard que jamais.

Et puis, qu’est-ce que quatre jours quand on a tout l’avenir devant soi ? Bien sûr. Parce que, ça a été suffisamment souligné partout, Coming Soon est un groupe très jeune d’âge (14 à 26 ans). Encore qu’expérimenté. Si, si. Car ces cinq-là (devenus 7 en cours de route, avec l’adjonction de Caroline Van Pelt et Mary Salomé, multi-instrumentistes et choristes) existent depuis au moins deux ans, et avaient déjà avant (et ont toujours) une foule de projets parallèles, solos ou en sous-ensembles.

Le plus frappant, en les découvrant vendredi dernier à la Maroquinerie, c’est justement leur maturité. Ouvrir le show sur une reprise (réussie) du “Small Town” de Messieurs Reed et Cale, ce n’est pas seulement une façon crâne de citer (et d’assumer) ses influences, c’est aussi et surtout s’approprier le contenu de la chanson (Pittsburgh/Annecy, même combat, l’issue est l’ailleurs).

Les influences, donc, sont aussi multiples que variées, de l’antifolk (refus de l’afféterie) à Leonard Cohen, des Kinks à Beat Happening et une foultitude d’autres. Mais ce qui compte, surtout, c’est l’aplomb avec lequel la bande a digéré tout cela, se forgeant une identité immédiatement reconnaissable où chacun a sa place – histoires de famille, d’amour et d’amitié mêlées. Dominés physiquement par le double mètre d’Howard Hughes, l’homme en noir au chapeau de cow-boy, gestuelle saccadée et voix profonde, les Coming Soon (un peu à l’instar de Blanche) ont l’air de sortir de photos sépia du Vieil Ouest (à moins que ce ne soit du Sud gothique), et se livrent à d’aussi incessantes que réjouissantes parties de ping-pong vocal, en alternance ou en harmonies immémoriales, qui n’exclut pas l’échangisme instrumental.

On sent encore l’équilibre un peu fragile, un doigt de crispation à l’occasion du côté d’Alex Banjo quand il marche sur son jack de guitare et la débranche, mais on est surtout bluffé par leur fraîcheur et leur enthousiasme. Sans parler des chansons aux textes évocateurs, dont les refrains n’ont pas fini de hanter ceux qui tombent dedans. De la rigolotte “Jack Nicholson Style”, avec son gimmick de guitare aigrelette, au candide “Big Boy”, chanté par Leo Bear Creek (14 ans), délaissant ses fûts pour un ukulélé, en passant par “Broken Heart”, perle kinksienne signée Alex. Mais les plus insidieuses sont encore celles, comme “Music From The Ceiling” ou “New Territories”, qui commencent en douceur pour mieux entraîner l’auditeur dans une mini-saga musicale à rebondissements.

Comme disent les Anglo-Saxons, que peut-on trouver à ne pas aimer ici ? Rien. C’est en tout cas ce qu’ont pensé les 400 spectateurs de la Maroquinerie, pas venus pour eux, mais qui leur ont réservé un accueil plus que chaleureux. Plus en tout cas qu’au blues-folk léché au quart du petit poil, mais quelque peu soporifique, de Michael J. Sheehy & The Hired Mourners, qui leur ont succédé. Et pas loin d’égaler celui qui a salué la performance échevelée et intense d’Okkervil River. Manque juste sans doute à ces derniers un peu plus de présence physique pour passer à l’échelon supérieur – les musiciens, très concentrés, avec leurs barbes bien taillées, font plus penser à un congrès de vendeurs de Bibles qu’à des rock-stars, et Will Sheff commence à être un peu bouffi, avec, quand il porte ses lunettes, de faux airs du Lennon fatigué de 65. C’est sans doute injuste, mais c’est ainsi.

Un problème qui ne se pose pas pour Coming Soon… Graines de star ? J’aimerais que le miracle aille jusque là. Sans trop y croire. Le choix de l’anglais, un style musical pas franchement mainstream, le son garanti 100 % fait main, mais pas franchement radio friendly… sans parler de mon enthousiasme. Tout est là pour leur prédire un joli succès critique, mais guère plus. D’autant qu’ils ne peuvent pas tourner de façon trop suivie, deux d’entre eux étant encore au lycée ou au collège. Il leur a même fallu une autorisation de la Ddass pour pouvoir jouer, le 11 avril prochain, lors de la soirée organisée par leur label, Kitchen, à la Flèche d’Or. Parisiens, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

11 février 2008

Workingman’s Blues



La vie est mal faite, parfois. Entre un week-end bien plein (chic) et une journée de travail intense, je n’ai pas encore le temps de revenir sur le concert d’Okkervil River et Coming Soon. Tant pis. Même si c’est du réchauffé, je vais avoir du mal à me retenir – demain, si tout va bien. Vu ma nature obessionnelle, je n’a pas fini de ronger l’os Coming Soon, pelin de moelle, et toutes ses esquilles…

Photo : Fred Mortagne

8 février 2008

Coming (very very) Soon


Pour paraphraser Luz, j’aime pas le rock français. Ou plutôt, le rock en français. La langue d’ici se prête mal au binaire, je n’ai que faire des imitations délayées et toujours trop verbeuses de ce qui peut marcher chez les Anglo-Saxons, mixées la voix en avant, et j’y peux rien, mais des patronymes comme Thomas Boulard ne me font pas rêver. Et je préfère ne rien dire, par pure charité et pour ne pas m’énerver, de la vaguelette garage fantasmée par certains critiques atteints sur le tard du complexe Salut les Copains.

Ce qui laisse, grosso modo, deux voies : celle de la pop dandy/déviante, défrichée en son temps par Gainsbourg (qui est mort trop tard, celui-là), et dont les meilleurs champions sont (ou furent) les Little Rabbits (dernière période, celle de La Grande musique) et Katerine (fou furieux ET génial) qui, il n’y a pas de hasard, se sont retrouvés sur la dernière tournée du Vendéen… Et celle du rock in English qui ignore superbement le particularisme français. De Little Bob aux Dogs il y a lurette aux actuels Groovers ou Dimi Dero et autres Holy Curse, qui tournent sans se poser de questions dans les clubs de Tokyo à Melbourne, en passant par Washington, DC, sans être le moins du monde prophètes en leur pays.

Et Coming Soon, dans tout ça, ça vient ? Beuh oui. Prenez une bande de sept jeunes (voire très jeunes, le benjamin n’a pas encore mué) copains (et copines) d’Annecy, Haute-Savoie, soit cinq songwriters-chanteurs et deux choristes. Avec un peu d’imagination et beaucoup de foi, notre clan des sept s’est mentalement transporté quelque part entre Olympia, patrie de K Records, et New York City, berceau de l’antifolk de leurs amis Kimya Dawson (avec qui ils ont enregistré sous le nom d’Antsy Pants), Jeffrey Lewis ou Adam Green. Et, rebaptisés de savoureux pseudos (Alex Banjo, Leo Bear Creek, Ben Lupus, Billy Jet Pilot, Howard Hughes), ils viennent de sortir un premier album, New Grids, que je sens bien parti pour figurer dans mon Top 10 de l’année (je sais, début février, c’est un peu ridicule). Une perle de folk-rock mise en boîte avec peu de moyens, mais beaucoup de cœur, d’idées, de modestie et de culot mélangés, et plus encore de chansons aussi touchantes que contrastées (ça sert d’être cinq à composer).

Pour le coup, je suis presque plus excité de les découvrir ce soir sur la scène de la Maroquinerie, où ils ouvrent la première soirée des Nuits de l’Alligator, que de revoir Okkervil River, en tête d’affiche cette fois… Ce qui, pour un fan du groupe de Will Sheff comme moi, en dit long.

New Grids (Kitchen/Pias)

http://www.myspace.com/starsoon

7 février 2008

La musique du Diable

Chic, The Mars Volta vient de sortir un nouveau long jeu, comme disaient nos amis Québécois – j’adore les clichés – dans les années septante, si chères à Omar (m’a tuer) et son pote dont je me fiche du nom, de toute façon. The Bedlam In Goliath, qu’il s’appelle. Mais non, pas le pote (ah, et puis John Frusciante est dorénavant intronisé vrai-faux membre à temps presque complet). Le disque, pardi ! En toute simplicité. Petite déception, si c’est encore un concept album, cette fois, il n’y pas de grande suite avec des titres en latin. Mais bon, on n’est pas volés quand même, avec des intitulés aussi abscons qu’“Aberinkula”, “Metatron”, “Askepios” ou “Ilyena” – que je ne chercherai pas à éclaircir, le thème, ici, c’est l’occulte…

Côté musique aussi, comme toujours, on en a pour son argent. Surtout si aime qu’il y ait beaucoup, beaucoup de notes, des rythmes impairs, des arrangements arbitraires et qui zont l’air vachement zexpérimentaux, tu ’ois, et tout ce bazar de zicos virtuoses qui passent beaucoup trop de temps à se tirer sur le manche.

J’ai l’air de me moquer, comme ça, mais non. A chaque fois que Mars Volta bouge une oreille, je me dis que c’est un groupe très utile. Salutaire, même. Qui, si la maladie d’Alzheimer commençait à me gagner, me rappellerait exactement pourquoi la déferlante punk est apparue si salutaire, en 1976-77. Et, en 2008, permet, en parfait repoussoir, de se rappeler quelles valeurs on tient pour essentielles dans le rock. Et ce qui n’est admissible sous aucun prétexte.

A commencer par la prétention, déguisée en ambition, histoire de faire prendre des vessies pour des lanternes aux gogos. Soit la vieille lune du prog-rock. De Yes à Rush, les Mars Volta n’en ratent pas une. Et King Crimson ? Oui, aussi. LE groupe de prog-rock (avec VdGG) qui méritait de ne pas en être un. Mais, manque de bol, Rodriguez-Sanchez (j’ai la flemme de chercher son nom exact) et les siens ont oublié de retenir au passage ce qui faisait la différence entre Fripp et les autres : la discipline (soit le nom originel du Crimson reformé, avec Adrian Belew, tiens donc) et une rigueur toute mathématique. Et aussi les vraies chansons, entre deux charges bartoko-stravinskiennes.

Une fois encore, donc, Mars Volta a le mérite de montrer – par l’absurde – que le rock est chose trop précieuse pour être laissé aux musiciens et autres virtuoses gratuits. S’il est un domaine où la technique a plus de risque d’être un handicap qu’une aide, c’est bien celui-ci. Neuf fois sur dix, la beauté fragile d’un disque vient de la capacité de son auteur à transcender ses limites, pour exprimer ses idées, sa sensibilité, sa personnalité… Soit tout le contraire de la branlette néo-prog-metal. Attention, ça rend sourd, comme chacun sait !

P.S. Je vous aurais bien mis un petit clip, mais nos grands modestes les ont interdits de blogs ! A vous d'aller sur youtube, ou sur leur site, si vous êtes vraiment maso...