28 mars 2008

Vous avez dit bizarre ?

De temps en temps, comme Beavis & Butt-Head face à Milli Vanilli, je me retrouve la mâchoire pendante devant un clip qui défie tout commentaire.
Et ça m'est arrivé l'autre soir, en zappant, devant le "Love Songs (They Kill Me)" de Cinema Bizarre. Dont voici la version longue.

Comme quoi, il n'y a pas que Tokio Hotel, en Allemagne, pour s'être approprié le visual kei. Preuve de goût ultime, nos jeunes marchands de mélasse épris de mangas (et de Nippons ayant détourné le look - mais pas la musique, hélas - des New York Dolls, via le Japan des débuts) vont même jusqu'à reprendre le "Spaceman" de Babylon Zoo. Là, c'est presque trop, dans le genre mise en abyme et überkitsch mêlés, mais bon.

Sans que ce soit vraiment la même chose, ça m'a rappelé le fameux (in english, infamous) d'Animo, scie eighties bien de chez nous. Mon goût pervers pour les groupes nazes mais lookés, sans doute. Et là, on était servis, entre le chanteur façon Alex d'Orange Mécanique égaré au Rose Bonbon, ou le guitariste à mullet et Ray-Ban aviateur miroirs.

J'avoue que «Les gigolos pressés qui se lèchent les bras» et autres «pingouins en papier mâché» me réjouissent toujours.

Comme j'ai de la suite dans les idées, je me suis demandé ce qu'était devenu le chanteur. Et, comme souvent, l'Interwebs m'a donné la réponse : Alain Magallon peint. Et plutôt pas mal, si on aime le pop-hyperréalisto-lyrico-queer, comme en atteste la partie galerie de son site.

Mais après tout, ses œuvres, c'est encore l'artiste qui en parle le mieux. Et comme c'est en anglais only, je laisse ce bon vieux Babel Fish assurer la traduction : «En tant qu'artiste, je me vois comme souple, expérimentant avec différentes techniques et modèles changeant d'abstrait à figuratif, grafism au hyperrealism. (...) Mon but est de créer une dualité ou le déséquilibre entre la pose "congelée" neoclassic théâtrale du modèle et de son association aux couleurs et la nature graphique du fond. (...) J'estime que mon travail est tout à fait organique et fluide en nature.»

21 mars 2008

Requiem pour un tofu



Evidemment, c'est sur Facebook même qu'une bonne âme m'a envoyé ce clip aussi réjouissant que circonstancié.

Donc, non, je ne suis pas le seul à m'être rapidement lassé du plus hype (j'adore comme le français s'approprie des mots anglo-saxons en les vidant de leur sens, par pure ignorance) des réseaux sociaux.

Pourquoi ? That is the question. Avec son corollaire. A quoi sert vraiment Facebook, si on n'en a pas un usage réellement utilitaire (trouver des plans fêtes et/ou cul, faire de la com professionnelle, ce genre) ?

A faire circuler des trucs plus ou moins drôles de façon plus efficace qu'en envoyant des mails.

L'EUROPE VUE PAR LES FRANÇAIS



Mais aussi à faire de vous, de façon généralement involontaire, un agent de spam - qui n'a jamais appuyé par erreur sur le lien "forward to all" en voulant juste avoir le résultat d'un quiz à la con ?

Les quiz et autres applications diverses (Vampires, Pirates, amis à vendre, coups à boire virtuels, et j'en passe quelques centaines, au bas mot) sont d'ailleurs ce qui distingue Facebook de, par exemple, MySpace ou Live Journal. A la fois sa force (on n'a rien trouver de mieux pour perdre son temps sur le Net) et son talon d'Achille (être sans cesse relancé pour ajouter l'application Adoptez un alien, ça use). Bref, on finit par développer ses défenses face à tout ce ludisme viral (quand il ne s'agit pas tout simplement de ces bonnes vieilles chaînes, où l'on prédit malheur à ceux qui les brisent et bonheur aux autres).

Mais finalement, tout cela est secondaire. L'essence de Facebook, c'est de transformer la planète en lycée virtuel. Où il s'agit de paraître cool. En affichant ses goûts, ses activités (forcément passionnantes), son état d'esprit du moment, en une phrase bien sentie, ou les groupes idiots auxquels on appartient (je ne suis pas particulièrement fier d'avoir lancé "qu'attend la France pour célébrer Festivus" ou d'avoir adhéré au "pour que Busty couche avec Pete Doherty").

Un beau jour, le charme s'est rompu. J'ai réalisé que je ne jetais que rarement un coup d'œil sur les pages de mes amis, et que la réciproque était forcément vraie. Et je me suis senti vaguement pathétique. De dépit, j'ai occis mon FluffFriend (un tofu à qui j'avais pourtant offert un intérieur design). Sans aller jusqu'à me désinscrire.

Et je suis retourné au monde réel. C'est que j'ai plein de chose à y faire. Ecrire ce blog. Ou jouer à Guitar Hero sur ma console Wii. C'est vrai, quoi, un karaoké maison où l'on cartonne avec une guitare en plastique sur des morceaux qui, pour la plupart, vous donneraient des éruptions de boutons et de violents vomissements si un petit plaisantin les chargeait dans votre iPod, ça a quand même une autre classe...

20 mars 2008

A bas la régression !



Putain, 40 ans, et il faut se fader la commémoration. On n'est même pas le 22 mars que, déjà, les anciens combattants de mai 68 se répandent partout, à nous expliquer comment c'était cool, qu'ils se sont bien amusés, et qu'on leur doit tout.

Je n'irais pas aussi loin que Sarkozy sur les retombées des événements (complexes et demandant un inventaire raisonné et dépassionné, ce qui n'est pas le sujet ici). Mais pour ce qui est des soixante-huitards, anti-autoritaires devenus les nouveaux mandarins, qui ne supportent pas d'être remis en question par quiconque est plus jeune qu'eux, la cause est entendue. Dans les poubelles de l'Histoire, les vieux !

Le jour où je commence à vous dire que j'avais 20 ans en 77 et que c'était formidable, les épingles à nourrice, les Ramones au Bataclan avec les Talking Heads en première partie, et tout et tout, un bon geste : une balle dans la tempe. Merci d'avance...

19 mars 2008

Le Clem Burke No Wave* (*© Thurston Moore)

Rechercher une photo potable de Bob Bert sur l'Interwebs (voir Sleeping with the TV On) a piqué ma curiosité. C'est que les portraits du batteur ne courent pas les autoroutes de l'information. Mais cette quête m'a permis de remplir les blancs dans un CV déjà pas précisément maigre. Et donné envie de braquer les projecteurs, pour une fois, sur ce héros de l'ombre. Qu'on aurait bien tort de prendre pour le Peter Best (vous savez, le batteur originel des Beatles, évincé à l'aube de leur gloire) de sa génération.

Bob Bert, donc, est surtout (mé)connu pour avoir été le deuxième tambour majeur de Sonic Youth, juste après Richard Edson (dont on garde le souvenir dans le Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch, en compagnie de John Lurie), de 83 à 85. Brièvement évincé (pour l'essentiel de l'enregistrement de Confusion Is Sex, pas de chance) au profit de Jim Sclavunos (ex-Teenage Jesus & The Jerks, futur Cramps intérimaire, Bad Seeds, etc.), il est vite rappelé et tourne, tourne et tourne encore. Et tient les baguettes sur Bad Moon Rising. Qui contient notamment le décoiffant "Death Valley 69", évocation de la Manson family, sur lequel intervient Lydia Lunch.


Sonic Youth - Death Valley 69

Dans la vidéo, Bob Bert fait partie des victimes mutilées... comme son successeur Steve Shelley. En effet, lorsque Richard Kern shoote le clip, Bob, lassé des nuits sur la route à dormir sur des moquettes qui sentent la pisse de chat ou dans la camionnette (et dans une situation financière désastreuse), a déjà quitté Sonic Youth. Tout en restant en excellents termes avec eux.

Un choix pas très judicieux, puisque c'est justement à ce moment-là que son ex-groupe sort de l'anonymat.

Détail amusant, c'est parce que Thurston Moore, pour rigoler, déclare dans une interview que Bob a quitté SY pour monter son projet, Bewitched, avec Susanne Stasic, leur vendeuse de t-shirts, que Bob décide de le prendre au mot. Donnant ainsi naissance à un projet à temps partiel qui durera près d'une décennie, en touchant à tous les genres.

C'est que Bob Bert fait partie de ces activistes curieux qui ont toujours plusieurs fers au feu.

Et en parlant de feu, sa formation suivante s'y connaît, pour ce qui est de pratiquer la politique de la terre brûlée. Formé dans l'Etat du Rhode Island par deux étudiants en sémiologie en rupture de ban, Jon Spencer et Julia Cafritz, Pussy Galore se relocalise dare-dare à Washington, DC. Mais le gang doit vite fait quitter la capitale fédérale après avoir vomi son dégoût pour la très puritaine scène straight edge et son guru Ian MacKaye (Minor Threat, Fugazi). Et c'est en se relocalisant à New York, début 86, que le duo adopte Bob Bert comme batteur (plus, notamment, Neil Hagerty, futur Royal Trux), pour un lustre de garage-rock post-moderniste, bancal et noisy, assaisonné d'une saine dose de provoc. Au sein de Pussy Galore, qui déconstruit aussi bien l'intégralité de l'Exile On Main Street des Stones qu'Einstürzende Neubauten, Bob intègrera d'ailleurs dans son kit des plaques de métal et autres tuyaux.


Pussy Galore-Dick Johnson

Alors que le split de Pussy Galore, à la fin de la décennie, est précipité par des prises de bec entre Jon Spencer et Julia Cafritz, Bob Bert réussit encore une fois à ne se brouiller avec personne. Un signe qu'en plus d'être un sacré musicien, il est aussi un mec bien - vous pouvez insérer ici un parallèle avec Dave Grohl, si cela vous fait plaisir. Bob joue donc au sein des abrasifs Action Swingers avec Julia Cafritz (fameux pour leur chanson "Courtney Love"), en 91-92, tout en donnant un coup de main à l'occasion à Boss Hog, le groupe formé par Jon Spencer et Cristina Martinez (un temps membre de Pussy Galore, puis des Honeymoon Killers - pas les Belges - avec Jerry Teel).

Jerry Teel, justement, va ensuite se révéler un fidèle compagnon de route pour Bob, qui le rejoint au sein des Chrome Cranks, respectables pourvoyeurs de garage-rock bien graisseux, de 94 à 96. Après avoir participé à un retour des Action Swingers, en 1997, Bob retrouve Jerry Teel dans ce qui ressemble à un supergroupe d'obédience plutôt roots-country, les Knoxville Girls, qui durent jusque vers 2001. Outre le duo figurent dans le line-up Kid Congo Powers (Gun Club, Cramps, Bad Seeds, Congo Norvell, etc.) et Jack Martin (Congo Norvell, et sujet d'une chanson de Speedball Baby), excusez du peu. Mais, comme chacun sait, les supergroupes (même à tendance plutôt underground) ne connaissent que rarement le succès. Si les Knoxville Girls font exception à la règle, c'est uniquement sur le plan artistique, parce que pour le reste...

Pas grave. Si Bob Bert joue, c'est avant tout pour le plaisir de jouer. En tâchant de gagner à peu près sa vie, si possible, mais en aucun cas pour faire fortune. Comme en atteste la suite de de son parcours, plus obscure, mais pas nécessairement moins intéressante.

Depuis quelques années, Bob est ainsi membre d'Int'l Shades, combo psyché-atmosphérique qui peut faire penser à Can, avec Mark C (Live Skull, Spoiler) à la guitare et au chant, Tim Foljahn (Two Dollar Guitar, et collaborateur de Thurston Moore, Townes Van Zandt, Jad Fair, des Boredoms ou de Cat Power) à la basse et au chant, et Alexa Wilding aux synthés et au chant.

Il tient aussi les baguettes des Size Queens, où l'on remarque pas mal de suspects bien connus de nos services : Ron Ward au chant (Speedball Baby), Jack Martin à la guitare, Sean Maffuci à la guitare et à la basse (Kid Congo & The Pink Monkey Birds), et l'étonnant clarinettiste free Patrick Holmes. En 2006, ceux-ci se transforment en Five Dollar Priest, après que Martin et Maffuci soient respectivement remplacés par Norman Westberg, le guitariste des Swans, et son compère au sein des Heroine Sheiks, George Porfiris.


Five Dollar Priest-Decatur Street

Quelque part entre The Fall et le Père Ubu des débuts, Five Dollar Priest s'apprête à sortir un album sur l'excellent label basque Bang! Records, et participera au festival des Nuits Sonores à Lyon, le 9 mai prochain. A la même affiche que Tata Wasser, Mary Weiss (Shangri-Las), les Subsonics, Demon’s Claws et... Heavy Trash, le duo formé par Matt-Verta Ray (Speedball Baby) et Jon Spencer. Que l'on retrouve tous deux, avec Bob et toute la bande (Kid Congo, Jerry Teel, Cristina Martinez, Jack Martin, etc.) sur l'album The End Of The Earth de Rob K, sorti en 2004 chez Orange Recordings.

Comme quoi, décidément, le rock new-yorkais trashy-noisy-rootsy-expérimental est une grande famille.

Et qui pouvait être mieux qualifié pour en tenir l'album que Bob Bert ? Personne ! Pendant plusieurs années, son fanzine annuel, BB Gun, a précisément rempli cette mission, plein de précieuses interviews loin de la routine promo, de photos rares et intimistes et autres goodies.
S'il semble en stand-by, son site Web, lui, demeure accessible, et mérite plus qu'un détour. Outre un rapide survol sonore de la trajectoire de Bob, on y trouve aussi des photos rares, des messages téléphoniques de Jon Spencer ou Yoshimi (Boredoms, et muse des Flaming Lips), des extraits d'interviews où James Chance raconte ses confrontations physiques avec le public, ou encore les meilleures farces de Steve Albini (si, si).

Et même un témoignage de Richard Hell où il se confie à Bob Bert sur sa collaboration avec Tom Verlaine, dès les Neon Boys, histoire de boucler la boucle...

Excellente interview de Bob Bert sur le site de New York Night Train

Photo : Skeleton Boy (visitez donc son album Flicker, superbes galeries live des Beasts Of Bourbon, Workdogs, Lubricated Goats, Radio Birdman, Cramps, Suicide, Blues Explosion, et autres grands prêtres de l'électricité)

17 mars 2008

Sleeping with the TV on


Television - Foxhole

Nerd rock le jour, nerd rock toujours. Même en dormant. Tenez, pas plus tard que l'autre nuit, j'ai fait ce rêve.

J'y apprenais la sortie d'inédits en concert de Cream datant de 1969. Ce dont je me fiche plutôt, même si c'est avec ce trio (et Blind Faith) que Clapton a pu vaguement justifier une réputation totalement largement usurpée (les parties de wha-wha de "White Room" et "In The Presence Of The Lord" déchirent, même si ça me coûte de l'admettre). Non, ce qui m'excitait, c'est qu'en complément de ce live, il y avait quelques titres inconnus de Television , cuvée 69 également. Avec Bob Bert à la batterie !

Et là, c'est le genre de truc qui me fait frétiller. Le pistolet sur la tempe, on ne me fera pas démordre que Marquee Moon reste le plus grand album de 1977 (un des millésimes historiques du rock), d'autant qu'il n'a pas pris la moindre ride. Et je garde un souvenir émerveillé du concert de juin de cette année-là à l'Olympia, même pas terni par le remplacement de Blondie par Teléphone en première partie (il suffirait de patienter quelques semaines pour découvrir Blondie et les Boys à Paris). A la sortie, j'étais prêt à jurer, avec le sens de la réserve qui me caractérise quand je m'enthousiasme, que parmi les dix meilleurs guitaristes de l'histoire du rock, Tom Verlaine était bien huit d'entre eux, et Richard Lloyd le neuvième.

Sauf que... Jusque dans mon rêve, je n'ai pas pu m'empêcher de pinailler. De réaliser qu'en 69, Richard Myers (bientôt Hell) et Tom Miller (Verlaine, pour vous, moi et Patti Smith), âgés d'à peine vingt ans, étaient encore loin d'avoir monté les Neon Boys. Et que ce bon Bob Bert n'avait jamais, au grand jamais, joué avec Television. Avec Sonic Youth, avant Steve Shelley, oui. Qu'il tapait sur des plaques de tôle au sein de Pussy Galore. Qu'il était peut-être bien passé par les Gibson Brothers (pas ceux du tube disco naze "Cuba", non) - non, en fait ; je ne suis pas infaillible dans mes rêves, ce sont Jon Spencer et Cristina Martinez, en rupture de Pussy Galore, qui ont brièvement rejoint les roots rockers new-yorkais. Et que mon homme Bob avait peut-être fricoté du côté des Chrome Cranks (effectivement).

Et voilà comment je détruis mes rêves dans l'œuf. Et me retrouve à me demander si, quand même, il est bien raisonnable d'être aussi nerd. Même la nuit...

(A suivre)

13 mars 2008

SXSW REM

Juste un petit lien en passant pour signaler que le concert donné hier soir par R.E.M. au SXSW (les Transmusicales d'Austin, Texas) est disponible en streaming sur le site de NPR (National Public Radio, hôte de l'excellent Monitor Mix de Carrie Brownstein) . Et qu'il donne quelque substance au buzz qui affirme que le nouvel album à venir des Athéniens prouverait, pour la première fois, qu'ils n'ont pas eu entièrement tort de ne pas profiter du départ de Bill Berry pour mettre la clé sous la porte en laissant leurs fans sur des regrets (et un bon souvenir).

12 mars 2008

Kills Thrills


Il y a des groupes qui ont tellement tout bon qu'ils devraient être des premiers de la classe qu'on déteste. Et puis, non, ils nous mettent dans leur poche. Des exemples ? Sonic Youth. Ou, pour ce qui nous occupe ici, The Kills.

Alison "VV" Mosshart ne se contente pas de chanter comme une PJ Harvey nymphomane, elle est également sexy comme l'incarnation décoiffée du fruit défendu. Et son compère Jamie "Hotel" Hince est un tel fan du Velvet Underground qu'il ressemble à la fois à Lou Reed ET John Cale. Et leur alchimie particulière génère tant de vibrations hautement sexuelles qu'on ne pouvait que les imaginer amants. Jusqu'à ce que la presse people nous informe, l'an passé, que Jamie avait supplanté Pete Doherty dans le cœur de Kate Moss (je n'ai jamais compris ce qu'elle pouvait trouver au Pierrot toxique).

Evidemment, on aurait préféré des nouvelles musicales, No Wow, leur deuxième album, commençant quand même à dater. Mais il fallait encore encore un peu de patience. Récompensée par ce Midnight Boom tout frais pondu.

Moins bluesy/garage que Keep On Your Mean Side, moins minimaliste/grinçant que No Wow, Midnight Boom se la joue volontiers glam et catchy, avec des beats plus dansants, des chansons quasi pop (à quelques abrasives exceptions près) et un refus bienvenu du superflu (12 morceaux en moins de 34 minutes). Même si le son n'a rien à voir, les Kills retrouvent ici quelque chose de la capacité d'excitation superficielle et immédiate du T. Rex de la grande époque, celle qui s'adresse au cerveau reptilien en court-circuitant le cortex. Mmmmm...

Le plus marquant, pourtant, restent les deux ballades qui encadrent la "deuxième face" (j'ai du mal à ne pas considérer Midnight Boom comme un 33 tours qui se serait égaré sur CD - j'attends l'édition vinyle de pied ferme). "Black Balloon" retrouve quelque chose de l'innocence de l'enfance, tout en enfilant magistralement les gimmicks (claquements de mains, percus discrètes, petit riff de guitare insidieux qui arrive sur le tard, note de piano tenue, pont en apesanteur), du grand art. Et "Goodnight Bad Morning" est la chanson que Lou Reed aurait dû écrire pour Nico si elle avait renoué avec le Velvet en 1969.

Un garçon, une fille et une boîte à rythmes, ça fait décidément un tas de possibilités.

Tout l'album en streaming, titre par titre
Leur site officiel
Leur Monespace
(Domino/Pias)

11 mars 2008

Le vieux fusible

C'est plus fort que moi, la simple évocation de l'idole disparue me replonge dans une rage aussi enfantine qu'irraisonnée.

Et là, avec la commémoration des 30 ans de sa "mort tragique", on en bouffe, du Cloclo. Qu'il ait été odieux dans sa vie privée ne regarde que ceux qui ont accepté de jouer au paillasson pour lui. Non, je lui en veux parce qu'il n'a pas cessé, pendant près de 25 ans (et ça n'a pas vraiment arrêté après 78), de me polluer les oreilles et de squatter les émissions de variétés avariées de mon enfance et mon adolescence.

Je sais que certains révisionnistes diront qu'il a popularisé le répertoire Motown en France, ou qu'il était un vrai perfectionniste sur scène. La belle affaire ! Tous les yéyés ont pillé sans vergogne le répertoire international, et le talent ne se mesure pas nécessairement à la précision (ou alors, être un virtuose sur Guitar Hero vaut mieux que de jouer vraiment de la guitare sans grande technique, mais avec un style personnel) et aux litres de sueur versés.

Ce qui m'énerve le plus, c'est encore qu'il se soit trouvé une vingtaine de chanteurs pour se prêter à l'opération CD hommage officiel Claude François, Autrement dit ourdie par Universal - en bonne major, la filiale de Vivendi nous avait déjà fait le coup avec d'autres vaches à lait, style Brel ou Brassens.

Et là, j'ai envie de rejoindre Sarkozy et autres prétendus réacs en hurlant contre la dérive du "tout se vaut". Désolé, mais, non, les œuvrettes du foutriquet hystérique, contrairement aux chansons de Brassens ou Brel, ne valent pas tripette. Mêmes revisitées, avec un sérieux désarmant, par – la délation est parfois un devoir – Jeanne Cherhal, Adanowsky, Jeremie Kisling, Vincent Baguian, Alexis HK, Aldebert, AS Dragon, Adrienne Pauly, Dominique Fidanza, Alain Chamfort, Elodie Frégé, Brisa Roché, Seb Martel, La Grande Sophie, Axelle Renoir, Clarika, Elisa Tovati et Elli Medeiros.

Beaucoup de ces chansons sont même franchement nauséabondes. De la pire eau de vaisselle, du Piaf au masculin, geignard, baignant dans l'apitoiement sur soi et la lâcheté des sentiments érigée en ligne de conduite (écoutez un peu "Dis-lui pour moi", pour voir).

Oui, bon d'accord, et "Comme d'habitude" dans tout ça ? Well, digne du reste avec un texte de Gilles Thibaut beaucoup moins drôle qu'à son habitude – on parle quand même là de l'inénarrable auteur, rien que pour Johnny (qui s'y prête bien, il est vrai), de "Que je t'aime", "Ma gueule", et last but not least, du fabuleux Hamlet Hallyday (avec l'insurpassable "Je lis") –. Et sans rapport textuel aucun avec "My Way", Paul Anka ayant tout simplement écrit des paroles sur mesure pour Frank Sinatra, sans heureusement se soucier du point de départ.

Détail qui tue, "Comme d'habitude" est ici récité d'une voix blanche pour en accentuer le côté mélodramatique par Elli Medeiros. L'ancienne chanteuse des Stinky Toys. Qui partageaient l'affiche, en septembre 1976, du légendaire premier festival punk du 100 Club, avec, notamment Siouxsie & The Banshees (mais pas le même soir, je sais). Des Banshees dont le batteur, pour ce tout premier concert-performance, était un certain Sid Vicious. Interprète de la meilleure version rock de "My Way" (son unique fait d'arme musical, quand on y réfléchit).

En fait, le seul vrai hommage qui pourrait être rendu à Cloclo, ce serait un match de water-polo entre les piliers des Enfoirés et la troupe du Soldat rose. Si un câble à haute tension tombait dans la piscine, je ne porterais pas le deuil...

Claude François. Autrement dit (Mercury/Universal)

5 mars 2008

Le plaisir façon SM


On le sait depuis les débuts de Pavement, Stephen Malkmus est un esprit libre. Pas du genre à suivre les modes (même si ses premiers balbutiements contribuèrent à populariser le terme de lo-fi), juste à suivre son humeur.

Et si l'on en juge par Real Emotional Trash, son nouvel opus avec les Jicks, le sieur Stephen est d'humeur plutôt badine. L'enregistrement du disque a beau avoir été plutôt laborieux, comme il s'en est expliqué il y a quelques mois sur Pitchfork, rien ne transparaît dans les longues chevauchées de six-cordes qui illuminent le morceau-titre, “Baltimore” ou “Elmo Delmo”. Même s'il n'a pas oublié d'écrire des chansons (la délicieuse “Gardenia” ou la touchante “We Can't Help You”, qui bénéficient toutes deux de chœurs façon girl group innocent, de l'avantage de la mixité parfaite des Jicks...), même si on est ravi de retrouver cette voix si merveilleusement approximative (que l'on sentait contrainte dans la B.O de I'm Not There), l'essentiel est manifestement ailleurs.

Dans la joie de jouer ensemble, tout simplement, sans se poser de questions. De se lancer dans de longues jams psychédéliques, où il rappelle à qui l'ignorerait encore qu'avec les années, il est devenu l'égal d'un Tom Verlaine ou d'un John Cipollina (Quicksilver Messenger Service), pour l'inspiration mélodique et l'art de jouer avec les sons. Et pour ce qui est des impros nerveuses, les Jicks ont reçu un renfort précieux en la personne de Janet Weiss, l'ex-batteuse de Sleater-Kinney, et toujours membre de Quasi (qui a recruté Joanna Bolme, la bassiste des Jicks, la scène de Portland est une grande famille incestueuse*). Si Keith Moon avait eu une fille, ce ne pourrait être qu'elle, jamais en retard d'une relance ou d'un roulement pour relancer la machine.

Autant dire que la date du 4 juin est déjà marquée d'une pierre blanche, puisque toute la bande débarquera à la Maroquinerie. Et comme cet album est taillé sur mesure pour le live, on en salive d'avance...

*Pour la petite histoire, Quasi est le duo formé par Janet avec son ex-mari, Sam Coomes, qui jouait avec Elliott Smith au sein de Heatmiser. Et Joanna Bolme a été la petite amie d'Elliott Smith, que Quasi a fréquemment accompagné sur scène.







SMJcov.jpg Real Emotional Trash (Domino/Pias)

Le site de Stephen Malkmus








Photo : © David Torch