30 août 2008

Fidèle au rendez-vous

Depuis le temps qu'on l'annonçait à Paris, pour décevoir à chaque fois, on n'y croyait plus. Mais cette fois, la star était bien au rendez-vous : le soleil. Contrairement à Amy Winehouse, surprise surprise, qui a annulé sa venue, comme l'an dernier. Mais deux heures seulement avant qu'elle soit censée monter sur scène, et alors même que ses musiciens étaient là et le sound-check du matin effectué. Même pas envie d'épiloguer en tirant sur l'ambulance. Ça ne fait que trop longtemps qu'Amy est passée des pages culture aux pages people des magazines.

Sauf pour les inconditionnels, pas de quoi plomber entièrement la journée, d'autres s'étant plus que largement chargés de compenser.

A commencer par Louis XIV. Dieu sait pourquoi, j'étais persuadé qu'ils jouaient une sorte de pop chichiteuse. Leur nom, sans doute. Singulièrement mal porté, puisque ces Ricains bien portants et poilus de partout, mais ne dédaignant pas le port du costume 3-pièces, sacrifient plutôt au culte très seventies d'un boogie rock sévèrement burné, avec dérapage à l'occasion sur une sorte de power ballad en montagnes russes. Pissent peut-être pas très loin, les gars, mais dru et droit, et pas derrière les portes, comme à Versailles.

Plein de bonne volonté, je suis prêt à réserver le meilleur accueil à la blue-eyed soul de Jamie Lidell. Bizarrement, celui-ci juge prudent d'envoyer en éclaireurs son batteur et son claviers qui, manifestement ravi d'avoir acheté un nouveau synthé, se met en tête d'en essayer tous les sons, comme s'il était dans un magasin de musique à Pigalle. Au bout de dix minutes, découragé, je laisse tomber. Enfin, Jamie, quoi ? Tu es dans un putain de festival, avec un public qui n'est pas spécialement le tien à conquérir. Alors, les plans branlette, tu les gardes pour tes concerts à toi. Ou le jour où tu passeras en vedette sur la grande scène - et là, les gogos pourront s'extasier, 'tain, vachement audacieux... Mais c'est pas demain la veille, si tu continues comme ça.

Des qui ne font pas dans les préliminaires qui s'éternisent, en revanche, c'est le JSBX. Ou Jon Spencer Blues Explosion, si vous n'êtes pas intimes. Malgré trois ans de « hiatus indéfini » (sic), la complicité télépathique entre Jon Spencer (guitare japonaise écaillée trouvée dans une poubelle, voix d'Elvis en prêcheur fou éructant les « baybeuh » et autres « Ladies and gentlemen, the Blues Explosion », chemise bleu pétrole et pantalon en vinyle noir), Judah Bauer (Telecaster blonde, noire ou sunburst, plans de guitare vicieux qui sentent bon le bayou , bouc grisonnant et demi-sourire narquois) et Russell Simins (nounours frisé cognant ses fûts avec l'abandon du batteur du Muppet Show) demeure intacte, et huit morceaux sont enchaînés d'un hochement de tête ou d'un signe imperceptible, sans set-list préétablie, avant d'avoir eu le temps de faire ouf. L'expérience est du même ordre que de dévaler un col dans un 38 tonnes avec un chauffeur psychotique sous speed, moteur coupé et freins HS : ça passe ou ça casse... et ça passe. On en ressort secoué, exténué par la décharge d'adrénaline et ravi de l'expérience. A peine a-t-on le temps au passage de remarquer que les New-Yorkais ont joué "Wail" ou "Wanna Make It Alright", les chansons (si l'on peut dire) important peu. Le JSBX ne tente plus de se canaliser, comme sur ses derniers albums, revenu à l'énergie primale de ses débuts. Pouvaient pas mieux résumer l'affaire qu'en concluant sur "Fuck Shit Up", et son mantra/motto « Make it fucked up ».

Pantelant, j'abandonne l'idée d'aller écouter les charmantes pop songs de la toute fraîche Kate Nash, que j'avais pourtant vraiment envie de découvrir live, craignant de ne pas être tout à fait réceptif. Une super tisane bio après une bonbonne de moonshine cul sec risque de paraître un peu insipide, dans le contexte.

Pas question, en revanche, de louper les Raconteurs, de Nashville, Tennesse, comme Jack White les présente. Que l'on considère Consolers Of The Lonely comme une relative déception (ou pas) importe peu, les Raconteurs sont avant tout un sacré groupe de scène. Je veux dire par là une chouette bande de copains sans maillon faible, où tout le monde s'écoute et réagit à ce que jouent les potes, au point qu'on ne sait plus nécessairement qui chante ou joue quoi, et qui sait prendre la tangente quand l'envie lui en prend, pour que le concert du jour ne ressemble ni à celui de la veille, ni à celui du lendemain. En fait, c'est un tout un grand pan de la musique populaire américaine qui est passé en revue, mine de rien, des stades seventies remplis par Led Zep (l'ouverture sur le morceau-titre du 2e album et ses riffs à tiroirs et tempo démultiplié) aux villes des pionniers où l'on danse le quadrille au son d'une crin-crin celtique ("Old Enough"), en passant par le vieux blues cochon (la reprise de "Keep It Clean", dédié à « tous les garçons et les filles, dont Amy Winehouse qui ne sera pas là ce soir », sans que personne ne réagisse), ou la musique de western un peu emphatique ("The Arrow And The Spur"). Quand, au bout de 70 minutes de concert, Brendan, Jack, Little Jack et Pat accordent un rappel nourri, on se doute bien de quelque chose. Et l'annonce officielle sur scène ne tarde pas : à 20 heures, l'agent d'Amy Winehouse a prévenu les organisateurs que sa protégée ne viendrait pas, sans donner plus d'explication (malade, apprendra-t-on le lendemain).

Certes, le festival n'est pas officiellement terminé - restent encore Justice, sur la scène de la Cascade, reporté de 45 minutes pour que le public des Raconteurs puisse en profiter, sans que leurs fans, qui sont là à l'heure prévue, en soient correctement informés, et The Streets, qui migre de la petite de l'Industrie à la Grande scène. Avec panache, me suis-je laissé dire, mais j'avoue être déjà reparti.

Bilan ? Quelques bons sets qui justifient le déplacement, un public pour qui un festival est souvent davantage une manifestation sociale que musicale, une organisation sans faille, une programmation variée, globalement correcte sans être affolante, avec peut-être quelques maladresses dans les horaires (les Black Kids en même temps que les Raconteurs, je ne crois pas être le seul à regretter d'avoir dû faire un choix)... et un gros pari perdu, qui laisse comme un petit goût d'inachevé.

29 août 2008

Bad day ?

Non. La première vrai journée de Rock en Seine 2008 (n'étant pas maso, j'ai poliment évité RATM), sous la grisaille, a connu quelques éclaircies musicales. A commencer par Apocalyptica, sur la Grande scène, en début d'après-midi. Rien de tel pour se réveiller que quatre grands chevelus Finlandais conjuguant leurs chères études de violoncelle et leur goût pour le metal. C'est crétin, d'accord, mais tellement jouissif de les voir headbanger en reprenant aussi bien "Enter Sandman" que "In The Hall Of The Mountain King" d'Edvard Grieg («notre premier musicien nordique de black metal», à dire avec l'accent guttural de rigueur).

La Finlande étant une terre de contraste, elle est aussi le pays d'origine (avec la France) d'Olivia, chanteuse et guitariste de The Dø. Sur scène, les légères réserves que pouvait encore susciter leur premier album s'envolent. Le duo (renforcé par un batteur puissant et subtil) justifie toute la hype qui l'entoure. Charme, grâce, énergie, sens de la dynamique et du contraste (de la dance au sludge), présence, originalité, voix flûtée de femme-enfant d'Olivia, une poignée de chansons mémorables ("At Last !", "On My Shoulders") : comme diraient les Anglo-Saxons, qu'y a-t-il là qu'on ne puisse pas aimer ?

Et R.E.M. ? Décidément sorti du coma qui m'avait fait me demander pourquoi j'avais pu être fan du quatuor d'Athens, il y a des lustres. A l'image de Peter Buck, qui accumulait la mauvaise graisse au fil des ans, le R.E.M. 2008 s'est débarrassé de sa surcharge pondérale de sérieux et semble à nouveau prêt à en découdre. Trop bien huilée, la machine, selon certains ? Pas d'accord ! La fluidité a toujours été une des qualités maîtresses des Athéniens (n'ont pas écouté les Byrds pour rien, à un âge impressionnable). Et, qu'ils revisitent des morceaux choisis de leur répertoire ("What's The Frequency Kenneth", "Drive", "Electrolite", "The One I Love", "Fall On Me", "Orange Crush", "It's The End Of The World", "Losing My Religion" et "Man On The Moon" en rappel) ou passent en revue Accelerate, leur enthousiasme et leur joie de jouer retrouvés font plaisir à entendre. Et à voir, avec un Michael Stipe rayonnant et une bonne utilisation des écrans vidéo.

Egalement vu ou aperçu, en vrac : Infadels, piétons. These New Puritans, sacrée bande d'anguleux restés coincés sur le néo post-punk circa 2003 - démodés. Serj Tankian, barbiche inchangée, toujours metal, mais ascendant pompier. Narrow Terence, fruit des amours entre Tom Waits et un violon tzigane. Dirty Pretty Things, juste sympa, plus en place que Babyshambles, mais avec de moins bonnes chansons. Kaiser Chiefs, gros succès, pour amateurs d'hymnes pour stades anglais, supporters avinés, et chanteur mouillant sa chemise jusqu'à aller chercher le cameraman à 30 mètres de la scène. Et Tricky, gros punch, mais donnant plus l'impression d'être un MC invité qu'un chef de bande - dommage.  

Pour finir, un petit jeu. C'est facile, ça ne coûte rien et ça ne rapporte pas plus. Saurez-vous rendre à chacun sa reprise ? En lice : Infadels, Hot Chip et Serj Tankian d'un côté, et de l'autre "Money Money Money"(Abba), "Nothing Compares 2 U" (Prince) et "Sweet Dreams (Are Made Of This)" (Eurythmics)...


27 août 2008

Lâche le pinceau...



... voilà Jack Ladder. Inconnu au bataillon en ce qui me concerne, et repéré grâce à Okkervil River. Pour accompagner la sortie de The Stand Ins (les remplaçants), Will Sheff a eu la bonne idée de demander à quelques-uns de ses musiciens favoris, rencontrés au cours des tournées, d'interpréter les chansons de l'album, à raison d'une nouveauté par jour sur son canal YouTube. Des musiciens qui ont pour nom Bon Iver, David Vandevelde, ou ce fameux Jack Ladder. Dont ce clip aussi simple que grâcieux, et la voix façon Antony (from the Johnsons) qui attraperait Bryan Ferry par derrière, me donnent envie d'entendre plus. Pas vous ?