7 janvier 2009

No fun

Putain, l’année ne pouvait pas commencer plus mal. Ron Asheton, merde. Mort, tout seul, à Ann Arbor, chez lui. Apparemment depuis le jour de l’an. L’air paisible. Et là, d’un coup, c’est comme si ma jeunesse était morte avec lui, pour de bon.

Ron, bien sûr, était mon Stooges favori. Pas Iggy ? Non, pas Iggy. Ron. Pourquoi ? Parce que – au moins – dans mon idée, c’était le plus cool. Un vrai slacker, qui ne s’est jamais perdu dans les drogues dures – régime fumette et vodka – et qui ne craignait pas de s’afficher en uniforme nazi, croix de fer autour du cou et brassard à swastika, en pleine ère hippie. Pas par idéologie, mais parce que ça a de la gueule, qu’il trouvait ça cool, et qu’il emmerdait ceux à qui ça déplaisait. Puéril ? Oui, un peu. Pas défendable pour deux ronds. Mais quand j’avais quinze ans, ça me fascinait.

Dieu sait que je l’ai maté sur les pochettes, Ron, avec ses Ray-Ban aviateur. Et plus encore écouté. Ma chère et tendre, c’est Iggy qui la met dans tous ses états et réveille la bête en elle. C’est juste sexuel, et bien naturel. Eh bien moi, c’était Ron. Quelque chose comme l’incarnation des ultimes plaisirs bruts qu’on puisse tirer d’une six-cordes électrique. Paraît que c’était pas un technicien. C’est probablement vrai. Mais franchement, qu’est-ce que le rock a à voir avec la technique, hein ? C’est plutôt un handicap. Ron, c’était juste du viscéral. De la fuzz utilisée sans nuance, façon arme de destruction massive, ou nuage d’agent orange dans la jungle. Et une wah-wah écrasée pour mieux la faire jouir. Tout ça l’air de rien. Le contraire de tous ces guitaristes qui se croient obligés de faire des solos à grimaces, un genre en soi. J’aimais bien me l’imaginer en tueur froid, sans états d’âme. Ce qui était sans doute très loin de la vérité, tous ceux qui l’ont approché ont souligné sa gentillesse et sa disponibilité.

Il fallait qu’il en ait, d’ailleurs, de l’abnégation, pour accepter d’être rétrogradé au poste de bassiste, après le premier split des Stooges, pour l’ère Williamson.

Si j’ai quelque peu négligé The New Order, par la suite, j’ai raccroché les wagons pour Destroy All Monsters, le groupe excellent qu’il avait fondé avec la piquante Niagara. Je pourrais délirer longtemps sur celle-ci, sa voix de petite fille lasse ah, “Bored”), ses micro-minijupes et ses talents de peintre, mais je m’égare. Le mieux est encore que vous alliez faire un tour sur son site , où vous pourrez notamment télécharger ce fameux “Bored”.

J’ai continué à suivre Ron de loin. Fantasmé sur le Stooges Project, avec son frère, Mike Watt et J. Mascis. Été quelque peu déçu par les trois titres des Stooges ressuscités (enfin, pas Dave Alexander, quand même) sur l’album d’Iggy. Et je me suis mis à rêver grave quand les Stooges se sont retrouvés sur la scène de Coachella. Sans Dave Alexander, toujours excusé pour cause de mort prématurée, mais avec un Mike Watt parfaitement à sa place. Et même ce bon Steven Mckay, le saxo free de Fun House. Autant dire que quand les Stooges ont enfin mis le pied sur le sol français, où Detroit est au fan local ce que la gare de Perpignan était à Salvador Dali, je ne me suis pas fait prier pour mettre le cap sur le Bol d’Or. Bien sûr, j’avais déjà vu Iggy des tas de fois, mais là c’était autre chose. Les fuckin’ Stooges. Avec Ron himself. En plein dans une sorte d’Altamont bien de chez nous, les morts en moins, mais avec les bikers faits aux pattes et l’ambiance glauque idoine. Soit les circonstances idéales pour voir ce rêve d’adolescence réalisé. Les fuckin’ Stooges sous mes yeux, accroché à la barrière, au premier rang. Bon, d’accord, à force d’avoir stage divé, l’Osterbeg claudique, mais dès qu’il met les pieds sur scène, pouf, c’est plus fort que lui, il redevient l’Iguane lubrique. Surtout avec Ron aux fesses. Bien épaissi (la vodka), en veste camouflage, avec une guitare à la con, mais toujours avec ses Ray-Ban Aviator. Et le son, bordel, le son. Comme en 69/70. Une heure de pure jouissance.

Bien sûr, après, je les ai revus. Au Zénith. C’était toujours aussi bien. Un tout petit peu moins magique que la première fois. Parce qu’une première fois, c’est une première fois. Surtout quand on l’attend depuis plus de 30 ans. Et puis j’ai laissé passer, laissé pisser. Il y aurait toujours une prochaine fois, n’est-ce pas. Surtout qu’entre-temps, il y avait eu The Weirdness. Dont je n’ai pas envie de parler. Et aujourd’hui, je me retrouve comme un con. A réécouter les Fun House Sessions sur Deezer (oui, j’ai le coffret à la maison). Et j’ai mal. Juste mal.


Découvrez The Stooges!


Mais comme je n’ai pas envie de finir sur une note aussi négative, je m’en vais de ce pas relire le rider des fuckin’ Stooges. Le document le plus drôle qu’on puisse trouver sur un groupe en tournée. So long, Ron. Rendez-vous là haut pour une jam avec Rob, “Sonic”, Dave et les autres…