16 octobre 2008

Pervers polymorphes

Of Montreal sur scène, c'est plus que jamais le grand magic circus et ses animaux gays. Au fil du show, rythmé par d'incessantes projections naïves, se succèdent de gros bouddhas dorés qui amènent Kevin Barnes, le Monsieur Loyal de la troupe, sur la piste, des mannequins vivants, un cochon, une girafe et un tigre, un roadie qui se fait couper les cheveux, ou le dieu Pan qui s'adonne à une orgie de fruits. Et encore n'est-ce que la version largement downsizée pour cette petite tournée européenne du grand Barnum américain, avec moult décors et largement plus d'acteurs/danseurs/performers et de costumes.

Un grand n'importe quoi rigolo et bricolo, passablement camp et dans la meilleure tradition arty déconnante d'Athens, Géorgie, patrie d'adoption d'of Montreal mais aussi, avant eux, des B-52's et du collectif Elephant 6.

Ce côté happening permanent n'est que la traduction visuelle de la voie empruntée par Kevin Barnes sur Skeletal Lamping, le tout nouvel album du groupe, joué dans sa quasi-intégralité, et conçu comme un kaléidoscope electro-disco-funko-psychédélique destiné à désorienter l'auditeur. On l'avait vu sortir de la dépression en adoptant un alter ego pervers polymorphe à la fin de Hissing Fauna, Are You The Destroyer, et c'est celui-ci - alias Georgie Fruit, quinquagénaire noir adepte des changements de sexe à répétition et musicien de funk - qui a pris le dessus. D'où une partouze de styles et de thèmes souvent éblouissante, parfois sans queue ni tête, et à l'occasion ennuyeuse, quand Kevin s'attarde dans des digressions bruitistes.

Pour mieux varier les plaisirs (et le son), pratiquement tout le groupe - enjoué et irréprochable, comme d'habitude - s'adonne plus que jamais à un échangisme forcené. Dottie Alexander, souriant petit pot à tabac en tutu, ne dédaigne pas de délaisser les claviers pour la Strat, Ahmed Gallab, afro et bandeau bleu, quitte parfois son kit pour une guitare ou une basse, Jamey Huggins virevolte entre deuxième kit, basse, synthé et guitare, et Kevin, toujours maquillé comme un camion volé, délaisse sa SG pour s'installer au piano le temps d'un touchant "Touched Something's Hallow", Bryan Poole à la guitare et Davey Pierce à la basse tenant la maison. Selon les besoins, il peut ainsi y avoir jusqu'à 4 guitares à la fois, ou deux basses, ou deux batteries.

Si, pendant une heure, la jouissance est sans mélange, la dernière demi-heure se fait quelque peu étouffe-chrétien, la faute à une set-list mal équilibrée, et qui plus est allégée par rapport aux shows américains de deux friandises plus anciennes (“Eros Erotic Tundra” et l'aérien "Disconnect The Dots") qui auraient allégé le menu.

Quant à la reprise finale de "Smells Like Teen Spirit", je l'ai interprétée comme un appel à l'usage du déodorant dans le public, hautement pue la sueur - oui, c'était mieux quand ça sentait la cigarette.

Lâcher le mot de déception serait un peu fort, mais il y a de cela, quand on se souvient de l'état de grâce de la bande, au Point Ephémère ou à la Maroquinerie. Et il n'y a même pas de cabas, de lanterne, de badge ou un simple vinyle (Skeletal Lamping est marketé sous 7 formes différentes) en vente pour se consoler. La prochaine fois, sans doute...

Skeletal Lamping est en streaming intégral sur le MySpace du groupe

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