12 février 2008

A la bourre



C’est nul de mettre quatre jours avant de parler d’un concert. Surtout quand il s’agit de quidam(e)s connus collectivement sous le nom de Coming Soon. Mais comme dit le vieil adage, mieux vaut tard que jamais.

Et puis, qu’est-ce que quatre jours quand on a tout l’avenir devant soi ? Bien sûr. Parce que, ça a été suffisamment souligné partout, Coming Soon est un groupe très jeune d’âge (14 à 26 ans). Encore qu’expérimenté. Si, si. Car ces cinq-là (devenus 7 en cours de route, avec l’adjonction de Caroline Van Pelt et Mary Salomé, multi-instrumentistes et choristes) existent depuis au moins deux ans, et avaient déjà avant (et ont toujours) une foule de projets parallèles, solos ou en sous-ensembles.

Le plus frappant, en les découvrant vendredi dernier à la Maroquinerie, c’est justement leur maturité. Ouvrir le show sur une reprise (réussie) du “Small Town” de Messieurs Reed et Cale, ce n’est pas seulement une façon crâne de citer (et d’assumer) ses influences, c’est aussi et surtout s’approprier le contenu de la chanson (Pittsburgh/Annecy, même combat, l’issue est l’ailleurs).

Les influences, donc, sont aussi multiples que variées, de l’antifolk (refus de l’afféterie) à Leonard Cohen, des Kinks à Beat Happening et une foultitude d’autres. Mais ce qui compte, surtout, c’est l’aplomb avec lequel la bande a digéré tout cela, se forgeant une identité immédiatement reconnaissable où chacun a sa place – histoires de famille, d’amour et d’amitié mêlées. Dominés physiquement par le double mètre d’Howard Hughes, l’homme en noir au chapeau de cow-boy, gestuelle saccadée et voix profonde, les Coming Soon (un peu à l’instar de Blanche) ont l’air de sortir de photos sépia du Vieil Ouest (à moins que ce ne soit du Sud gothique), et se livrent à d’aussi incessantes que réjouissantes parties de ping-pong vocal, en alternance ou en harmonies immémoriales, qui n’exclut pas l’échangisme instrumental.

On sent encore l’équilibre un peu fragile, un doigt de crispation à l’occasion du côté d’Alex Banjo quand il marche sur son jack de guitare et la débranche, mais on est surtout bluffé par leur fraîcheur et leur enthousiasme. Sans parler des chansons aux textes évocateurs, dont les refrains n’ont pas fini de hanter ceux qui tombent dedans. De la rigolotte “Jack Nicholson Style”, avec son gimmick de guitare aigrelette, au candide “Big Boy”, chanté par Leo Bear Creek (14 ans), délaissant ses fûts pour un ukulélé, en passant par “Broken Heart”, perle kinksienne signée Alex. Mais les plus insidieuses sont encore celles, comme “Music From The Ceiling” ou “New Territories”, qui commencent en douceur pour mieux entraîner l’auditeur dans une mini-saga musicale à rebondissements.

Comme disent les Anglo-Saxons, que peut-on trouver à ne pas aimer ici ? Rien. C’est en tout cas ce qu’ont pensé les 400 spectateurs de la Maroquinerie, pas venus pour eux, mais qui leur ont réservé un accueil plus que chaleureux. Plus en tout cas qu’au blues-folk léché au quart du petit poil, mais quelque peu soporifique, de Michael J. Sheehy & The Hired Mourners, qui leur ont succédé. Et pas loin d’égaler celui qui a salué la performance échevelée et intense d’Okkervil River. Manque juste sans doute à ces derniers un peu plus de présence physique pour passer à l’échelon supérieur – les musiciens, très concentrés, avec leurs barbes bien taillées, font plus penser à un congrès de vendeurs de Bibles qu’à des rock-stars, et Will Sheff commence à être un peu bouffi, avec, quand il porte ses lunettes, de faux airs du Lennon fatigué de 65. C’est sans doute injuste, mais c’est ainsi.

Un problème qui ne se pose pas pour Coming Soon… Graines de star ? J’aimerais que le miracle aille jusque là. Sans trop y croire. Le choix de l’anglais, un style musical pas franchement mainstream, le son garanti 100 % fait main, mais pas franchement radio friendly… sans parler de mon enthousiasme. Tout est là pour leur prédire un joli succès critique, mais guère plus. D’autant qu’ils ne peuvent pas tourner de façon trop suivie, deux d’entre eux étant encore au lycée ou au collège. Il leur a même fallu une autorisation de la Ddass pour pouvoir jouer, le 11 avril prochain, lors de la soirée organisée par leur label, Kitchen, à la Flèche d’Or. Parisiens, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

1 commentaire:

Stéphane a dit…

Ca valait la peine d'attendre : super critique de ce concert ! Moi, je faisais partie des quelques uns qui venaient pour eux, et j'ai adoré adoré adoré...