20 février 2008
Les héros sont fatigants
Live With Me
Sur le papier, c’était une bonne idée. Deux figures du rock alternatif des années 90, Greg Dulli (Afghan Whigs, Twilight Singers) et Mark Lanegan (Screaming Trees, Queens Of The Stone Age), qui se retrouvent sur un label cool (Sub Pop) où ils ont eu leurs habitudes, sans que ce soit une idée de manager, mais bien l’aboutissement de contributions mutuelles ces dernières années… Un nom ironique, en clin d’œil à de “mauvaises habitudes” autodestructrices (dope, dope et dope) amplement documentées par les protagonistes eux-mêmes… Et Dulli qui définit ces Frangins du Caniveau comme des Everly Brothers sataniques…
En fan de la belle voix de cendres et de graviers de Mark Lanegan, j’ai acheté ma place pour le concert du 19 à la Maroquinerie les yeux fermés. Et puis, j’ai eu l’occasion de jeter une oreille sur Saturnalia, leur album (sortie le 4 mars), et j’ai éprouvé quelques doutes. En me disant qu’ils seraient vite balayés sur scène…
Enfin, vite… Pour commencer, les “légendes” nous font poireauter une heure et demi, comme ça, sans première partie. Fatigue ? Pas vraiment, puisqu’il ne s’agit que du deuxième concert de la tournée (après quelques shows informels, à l’automne 2005). Quoi qu’il en soit, l’indulgence qu’on était prêt à accorder à un groupe aussi jeune s’évapore quelque peu. Surtout que les doutes nés de l’album se confirment aussitôt : les Gutter Twins ont un fameux problème d’identité, qui n’a rien à voir avec d’éventuelles approximations de mise au point (le backing band gentiment bourrin, qui joue aussi sur Saturnalia, assure, comme on dit). Quoi de commun entre les faux airs de Bono de Greg Dulli et ses aspirations assorties à taper dans un rock pour stades trop cossu pour être honnête, son côté plein de lui-même et autosatisfait, et le jansénisme bluesy d’un Mark Lanegan constipé, agrippé à son pied de micro comme un naufragé à une bouée, et qui semble consterné d’être là ? Rien. Ce qui donne un concert pour le moins inégal, qui ne parvient jamais à instaurer la moindre dynamique, et singulièrement dénué de la moindre étincelle. En fait de contraste stimulant entre Dulli et Lanegan, il y a une réelle incompatibilité musicale, qui pouvait être dissimulée lors de leurs précédentes collaborations, lorsque l’un des deux menait clairement la barque. D’ailleurs, même si près de la moitié des titres de l’album a été cosignée, chacun porte assez clairement la marque de l’un ou de l’autre. A l’exception de “The Body”, interprété à deux voix de bout en bout. Mais, hier, pas du tout, mais alors carrément pas, en harmonie, seuls les recalés de la Nouvelle Star étant en mesure de chanter plus atrocement faux – et Dieu sait pourtant si je peux apprécier des chanteurs qui ont une ralation toute personnelle avec la justesse, comme Stephen Malkmus.
Le pire est encore à venir, cependant, avec le mielleux “Front Street” qui clôt le show (comme le disque), emmené par un Greg Dulli qui se fout la honte avec une gestuelle emphatique de mauvais crooner pour lounge de Las Vegas.
Dans le genre “dur d’être une figure alterno vieillissante”, c’est sans doute ce que j’ai vu (et entendu) de pire depuis un certain concert solo de Billy Corgan à La Cigale. Et une énième vérification que, dans un contexte de supergroupe, les talents ne s’additionnent pas, mais se neutralisent.
Saturnalia (Sub Pop/Pias)
“Idle Hands” (mp3)
Tout l’album en streaming ici
Leur Monespace
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire