28 décembre 2007

Obsession



Juste pour le plaisir, encore quelques vidéo d'of Montreal (je sais, c'est une obsession). Avec, pour commencer, une excellente capture du concert au Paradiso d'Amsterdam, le 11 décembre, par l'impeccable site Fabchannel.com (une mine pour qui aime le live). Concert qui commence, ô bonheur insigne, par une une version dantesque de "The Past Is A Grotesque Animal", et se poursuit avec une setlist très similaire au show parisien du 14.

A Paris, le 14, justement, Kevin et Bryan, la mine un peu chiffon, faisaient un petit tour du côté des Inrocks pour y livrer une version acoustique du délicieux "Days" des Kinks, et des relectures très bowiennes de "Heimdelsgate Like, "Bunny Ain't No Kind Of Rider" et "Suffer For Fashion", totalement éloignées des versions de
Hissing Fauna, Are You The Destroyer?


Mais évidemment, la chanson qui ressort le plus métamorphosée d'un traitement acoustique (et solo, en l'occurence) est "The Past Is A Grotesque Animal", qui prend un sens tout différent en étant dépouillée de sa frénésie maniaque. Et révèle, mieux que toute glose, le pur coup de génie de Hissing Fauna, où musique et texte tirent dans deux sens diamétralement opposés pour créer un sentiment aussi ambigu que troublant.

Sur ce, je promets d'arrêter avec cette chanson (celle qui m'a fait dresser le poil tout au long de 2007) et of Montreal. Au moins jusqu'en 2008...




18 décembre 2007

Cream (get on top)










C’est un des grands jeux de fin d’année. Tout le monde et son petit frère publie son top de fin d’année : la presse, les sites Internet, les blogs, vous et moi. Signe qui ne trompe pas, l’un des groupes qui marchent le mieux sur Facebook en ce moment n’est autre que Ton Top 10 albums 2007 vaut bien mon Top 10 albums 2007. Si vous n’avez pas encore plongé, le site Stereogum répertorie les listes “qui comptent” (Pitchfork, Rolling Stone, ce genre), tandis que les news de La Blogothèque recensent les tops plus, ahem, underground, disons, faute de mieux (lire : pointus, pertinents…).

L’intérêt de tout ça ? Jouer les supporters et se rassurer (ou au contraire, pester, si l’on est un peu snob, y a pas de honte) en s’apercevant que tel disque qu’on croyait passé inaperçu est tombé dans les bonnes oreilles. Ou, à l’inverse, se féliciter (si l’on est élitiste) ou pester que ses chouchous soient passés par pertes et profits.

Et, surtout, servir de pense-bête pour essayer de jeter une oreille sur tous ces disques peut-être bien essentiels qu’on a ratés, dans la surproduction ambiante.

Pas de raison que j’échappe à la règle. En toute subjectivité…

1. of Montreal – Hissing Fauna, Are You The Destroyer
- Okkervil River – The Stage Names
3. Caribou - Andorra
- The Sadies – New Seasons
5. Jens Lenkman – Night Falls Over Kortedala
- Sister Vanilla – Little Pop Rock
7. Apples in Stereo – New Magnetic Wonder
8. Fiery Furnaces – Widow City
9. Arthur & Yu – In Camera
- Liars - Liars
- The Raveonettes – Lust Lust Lust
- Super Furry Animals – Hey Venus !

17 décembre 2007

Kevin is a grandiose animal


Commencer un concert par son grand morceau de bravoure, c’est un choix. Rarissime et osé. Et c’est précisément comme cela qu’of Montreal attaque son deuxième passage parisien de l’année, ce 14 décembre, à la Maroquinerie. Les frissons de synthé, le rythme inhumain qui s’affirme, inexorable, c’est bien “The Past Is A Grotesque Animal”. Soit douze bonnes minutes d’une obsédante (et obsédée) spirale techno-pop en incessant crescendo qui aspire irrésistiblement l’auditeur dans le récit glaçant de l’effondrement mental de son auteur, parsemé de références à Georges Bataille et d’aphorismes cruels.

Et toute l’heure restante sera du même calibre : jubilatoire, dansante et borderline. En s’affublant d’oripeaux glam-trash (maquillage vert, mini-short bleu, bas résille) et en repeignant ses dépressions nerveuses et ses mélodies enjoleuses de disco-beat appuyé et synthétique sur édredon moelleux de basses Rickenbacker (souvent doublées), Kevin Barnes s’affiche depuis la sortie de Hissing Fauna, Are You The Destroyer?, en improbable rejeton (totalement assumé) du Prince de Purple Rain et de Ziggy Bowie. Si, au Bataclan, ce dernier album fournissait l’essentiel du répertoire, cette fois, les munitions sont tout autant puisées chez ses prédécésseurs, The Sunlandic Twins (surtout) et Satanic Panic In The Attic. On sent bien le groupe un peu fatigué (escale prolongée à Amsterdam et fin de tournée obligent…), mais toujours enthousiaste, et en pleine maîtrise de son art.

Peu d’artistes ont su se réinventer aussi totalement. Car on a bien du mal à reconnaître dans ces party animals les popsters bavards affiliés au collectif Elephant 6, entre Syd Barrett et Brian Wilson…

Autant dire qu’on attend la suite avec impatience. Pas mal de chansons sont déjà écrites (on a eu droit à la très queer “Softcore”), et Kevin entend continuer à explorer son côté obscur à travers son alter ego Georgie Fruit (!), transsexuel noir apparu dans les dernières chansons de Hissing Fauna. Oui, pas de doute, Mr Barnes fait partie de la race des grands allumés.

The Booty Patrol : un excellent centre de ressources tenu par des fans, sous forme de blog. Toutes les nouvelles, interviews, liens, derniers concerts à télécharger et vidéos à voir, etc.

12 décembre 2007

Sacrifice de poulet



En hommage à toutes les volailles mises à mal il y a quelques semaines pour Thanksgiving, et à celles encore en sursis pour quelques jours, Noël approchant, ce végétarien tient à dédier le clip de “Modern Dance”, de Lou Reed.

La seule fois où je l’ai vu à la télé, il y a quelques années (la chanson date de l’an 2000), il était fort tard. Et le lendemain matin, je n’étais pas certain qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Ou d’une pure hallucination.

Mais non. Dieu sait pourquoi, le vieux Lou, impavide, a réellement accepté de se déguiser en gros volatile et de se laisser plumer, avant de passer à la casserole.

Vous en reprendrez bien une aile ?

11 décembre 2007

Poil Hocus


Focus - Hocus Pocus

Jusqu’à hier soir, et depuis une grosse trentaine d’années au bas mot, j’avais oublié jusqu’à l’existence de Focus. Mais entendre quelques mesures de “Hocus Pocus”, son chef-d’œuvre (hum), dans le deuxième épisode de Saxondale (voir plus bas), m’a ramené à mon flirt adolescent (sans trop de suite) avec le diable, ou plutôt le prog-rock. Un genre qui mérite tout les sarcasmes – et plus – dont ont pu le couvrir les punks, à une paire d’exceptions près (King Crimson période 72-74, et peut-être Van der Graaf Generator, pour le souvenir que j’en garde). Et qui menace d’être réhabilité par toutes sortes d’irresponsables, les abominables Mars Volta en tête.

Ceci posé, “Hocus Pocus” continue à me réjouir. Je veux dire, où d’autre peut-on trouver un tel mélange de gros riffs idiots et de yodel, hein, franchement ? Ce qui amène à se poser d’autres questions. Quelles substances pouvaient donc traîner aux Pays-Bas au début des années 70 pour produire ça ? Et surtout, s’il en restait, est-ce que vous en prendriez ?

Pour en revenir à Saxondale, il s’agit de la dernière série en date conçue et interprétée par le génial Steve Coogan. Le maître-étalon du trouduc sur petit et grand écran. Dans le meilleur sketch de Coffee & Cigarettes de Jim Jarmusch, c’était lui l’acteur suffisant qui refusait obstinément de donner son numéro de portable (« Même ma femme et mes enfants ne l’ont pas ») à Alfred Molina, qui s’était découvert un vague cousinage avec lui. Jusqu’à ce qu’il réalise que Molina était un pote de Spike. Pas Lee, Jonze… Et lui toujours qui incarnait brillamment Tony Wilson (RIP), le fondateur de Factory Records, dans 24 Hour Party People de Michael Winterbottom.

Pour la BBC, il a créé à la radio puis à la télé (Knowing Me, Knowing You with Alan Partridge et deux saisons de I’m Alan Partridge) un personnage d’animateur plus inculte et imbu de lui-même que nature, obséquieux et lèche-cul avec les puissants et odieux avec ses collaborateurs, qui continue à faire les beaux jours de BBC Prime, lors de multiples rediffusions. Cette même BBC Prime qui diffuse donc, en ce moment, Saxondale (encore deux épisodes, ce soir et mardi prochain à 21h30, rediffusion dans la nuit à 1h, en VO only). Toujours soucieux de soigner son image, Coogan campe ici un ex-roadie reconverti dans l’extermination des nuisibles («Simply the Pest »), pas trop regardant sur les moyens, et doté d’un tempérament plutôt volatile. Ce qui nous vaut notamment d’hilarantes séances de thérapie de groupe. Plein d’extraits de “Hocus Pocus” (sans parler du générique, “House Of The King”, également exhumé chez Focus). Et de grands moments de rire jaune et d’embarras, décidément une des grandes spécialités de l’humour TV british (voir The Office).

Et pour faire bonne mesure, Steve Coogan n’est pas loin d’être comme ça dans la vie. Surpris par les redoutables tabloids anglais avec de la coke et des putes baltes dans sa chambre d’hôtel, il s’est exclamé : « Mais je croyais que c’était des réfugiées, je voulais les aider ! » Rock’n’roll !

7 décembre 2007

En avent !

Comme les plus observateurs l’auront remarqué, décembre est plutôt riche en fêtes carillonnées. Après Hanukkah et Festivus (le 23, la fête pour ceux qui n’aiment pas les fêtes, célébrée par les fans les plus nostalgiques de Seinfeld) arrive Noël.

Bon, en France, ce n’est pas la joie. “Petit gaga Noël”, non merci.

Outre-Atlantique, en revanche, ce n’est pas la même mayonnaise. Le répertoire n’est peut-être pas infini (au moins pour les standards), mais au moins s’enrichit-il constamment. Et tout le monde et son petit frère, même les dépressifs comme Eels (avec deux compos originales !), sacrifie joyeusement au rituel.

Le genre compte quelques chefs-d’œuvres reconnus, à commencer par A Christmas Gift for You from Phil Spector (du temps lointain où il était un producteur génial) et l’Elvis' Christmas Album, pour se limiter au rock. Ce qui n’est pas nécessairement une bonne idée, les crooners classiques – Dino, Frankie & Co. – ayant brillé dans l’exercice.

Mais bon, ça, tout le monde le sait. J’ai plutôt envie de vous citer trois albums un peu, disons, différents, pour lesquels j’éprouve une tendresse particulière.

Christmas In The Stars: Star Wars Christmas Album est sans doute un des sous-produits les plus navrants de la saga de George Lucas. Moins quand même que le Holiday Special télévisé qui fait toujours rougir de honte son parrain sous sa barbe. Il s’agit ici de disco familiale produite au kilomètre par Meco, mais comment résister à une chanson intitulée “Que peut-on offir à un wookie pour Noël quand il possède déjà un peigne” ? Anecdote piquante, ce disque marque également les débuts en studio d’un certain Jon Bongiovi, placé là pour son tonton Tony, qui était également ingénieur du son des Ramones à la même époque.

Tout aussi drôle, mais à un autre niveau, Crock O Christmas de Ren & Stimpy, le chihuahua hystérique et le matou plus que stupide enfantés par John K., le génie caractériel qui a révolutionné le cartoon à la télé dans les années 90, et à qui toute une génération d’animateurs doit énormément. Il faudra que je revienne sur ce roi du sabordage un jour. Evidemment, si vous préférez le poivre et les épices au sucre pour Nöel, c’est un must.

Et si vous êtes allergiques aux frimas, alors là, c’est sans hésiter The Beach Boys' Christmas Album qui vous réchauffera le moral et le cœur. Sûr que ça fait un peu bizarre d’entendre la smala Wilson harmoniser des « Run, run, reindeer » sur la fabuleux “Little Saint Nick”, ou ces chantres de l’été éternel (on est en 1964) célébrer la neige (avant que Brian ne s’en mette plein les narines), mais qu’est-ce que c’est bon. Même en plein milieu de la vallée de la Mort – je le sais, j’ai testé pour vous.

Plus que 18 jours pour en profiter, après il faudra encore attendre 11 mois…

6 décembre 2007

Sit on my Facebook

Manquait plus que ça. En plus de ce blog (je m’y suis mis au moins trois ans après la bataille), voilà une semaine que je me suis inscrit sur Facebook. Encore une parfaite façon de perdre son temps sur le Net.

Surtout au début. Vous avez bien déjà un copain d’inscrit. Vous lui demandez d’être votre ami, regardez quels amis vous connaissez, les sollicitez, vous recevez des demandes à votre tour, et ça fait boule de neige.

Enfin ça, ce n’est rien. Parce qu’il faut encore montrer que vous êtes cool. Proclamer vos goûts (éclairés, bien sûr) dans toutes sortes de domaines – étonnez-vous, après cela, que les publicitaires en fassent leurs choux gras. Et puis, écrire à vos amis, leur poster des vidéos, photos, dessins, leur faire des cadeaux virtuels, des bisous virtuels, leur offrir des coups virtuels. Il y a tout un tas de petites applications pour ça. Et c’est parfait, finalement, pour garder un cercle de relations occasionnelles et plus ou moins éloignées. Voire très éloignées, sans souhaiter plus que ça qu’elles se rapprochent.

Mon truc favori, ce sont les vampires. Vous vous faites mordre, et à vous de mordre les autres. Ce qui vous permet de gagner des points, vous constituer (si tout va bien) des armées d’autres vampires, et gagner en puissance. Pour l’instant, je ne suis encore qu’un assez petit vampire. Mais, comme dit Joann Sfarr, c’est toujours mieux qu’être un grand paumé.

Et d’ailleurs, ça va mieux. De jour en jour, je passe un peu moins de temps sur Facebook. Ça doit être bon signe…

5 décembre 2007

Notre Bowie à nous



















Comme disait mon ex-collègue Bernard, pourtant pas vraiment mélomane : « Il a un bon look et ses chansons sont entraînantes. »

Un look ? Non, des looks. Depuis un quart de siècle déjà, il n’a de cesse de se réinventer, en puisant dans tous les mouvements musicaux, quand le cinéma ne l’accapare pas.

Il n’a pas hésité, il y a quelques années, à enregister un disque où il reprend les chansons qui l’ont marqué, et a fait découvrir Jacques Brel à tout un nouveau public. Il a même osé se confronter au répertoire de la grande musique. Et n’a pas manqué d’enchaîner les duos avec tous les grands de son temps.

Eh oui, il faut se rendre à l’évidence : Florent Pagny, c’est bel et bien notre Bowie national. Ce qui en dit long sur la culture populaire (musicale, mais pas que) dans l’Hexagone…

4 décembre 2007

Voir Hoboken et mourir


Pour moi, Hanoukkah, la Fête des Lumières juive, rime (de travers) avec Yo La Tengo. Depuis 2001 (sauf en 2003 et 2006), le trio du New Jersey donne chaque soir que dure cette célébration un concert dans son fief, le club Maxwell’s à Hoboken (juste en face de la Grosse Pomme), en compagnie d’invités surprise, allant de Jon Spencer au Sun Ra Arkestra – ce qui reflète parfaitement l’éclectisme inspiré et quasi encyclopédique de ces cousins banlieusards (et pas branchouilles pour deux cents) de Sonic Youth. Facétieux, ils indiquent aux spectateurs que quelque soit le soir qu’ils choisiront, ils regretteront de ne pas être venus un autre.

Evidemment, ces concerts débridés et truffés de covers (une des marques de fabrique d’Ira, Georgia et James), sont convoités sur le Net. Celui du 6 devrait se retrouver dès le lendemain sur l’excellent nyctaper, où l’on peut déjà dénicher la dernière étape (jusqu’en janvier), le 15 novembre dernier au Music Hall of Williamsburg, de leur “Freewheeling Tour” où, en toute décontraction et en formule semi-acoustique, ils répondent aux questions du public, dialoguent avec celui-ci, et jouent des chansons à la demande. Et si vous n’en avez pas assez, le concert de la veille, à Boston, peut se télécharger sur Bradley’s Almanac – A Boston-Based Music Blog. Anecdotes et répertoire varient largement, les fans savent donc ce qui leur reste à faire.

A noter également qu’on peut faire l’emplette, sur leur site, du bien-nommé album Yo La Tengo Is Murdering The Classics, anthologie de reprises exécutées (parfois au sens propre du terme) au débotté à la demande des auditeurs de la radio WFMU, allant des Stooges à Eurythmics en passant par Bachman-Turner Overdrive, Petula Clark ou la chanson-thème des Mets, leur équipe de base-ball fétiche.

Pas sérieux, alors, les Yo La Tengo ? Ça se discute. Mine de rien, je vois peu d’autres groupes à avoir une discographie d’un tel niveau et aussi riche – des purs déchaînements soniques et recherches de textures à de sublimes ballades folk – ces 25 dernières années. Non, simplement, ils ne se prennent pas au sérieux. Sont modestes, réservant l’ambition leur musique. Et se fichent de leur image comme de leur première chemise à carreaux. N’empêche que si un jour, j’ai l’occasion de faire un tour à Hoboken, début décembre…

29 novembre 2007

En roue libre

En attendant l’arrivée en salle de I’m Not There, l’évocation éclatée de Dylan par Todd Haynes, dès mercredi prochain, j’aimerais revenir sur mon titre favori dans la déroutante filmographie de Zimmy.

Non, pas l’hallucinant (et quelque peu filandreux) Masked & Anonymous, première réalisation de Larry Charles, le sosie de Rick Rubin (avec lequel il concocte une sitcom pour HBO, dont Kanye West est la vedette), ex-scénariste de Seinfeld et heureux metteur en scène de Borat. Mais je digresse…

Pas même Pat Garrett et Billy The Kid, ce serait trop facile.

Non, il s’agit ici du meilleur film de rock de tous les temps. Pas moins. A savoir Hearts Of Fire. Vous ne voyez pas de quoi il s’agit ? C’est normal. Pour être tout à fait honnête, cet ultime film de Richard Marquand (le réalisateur du Retour du Jedi est décédé avant même sa sortie, plutôt que d'être assassiné par la critique) est le meilleur mauvais film de rock de tous les temps. Ce qui est encore mieux, quelque part. Un accident industriel, qui a tenu sur les écrans une semaine à Londres, avant d’être pudiquement relégué sur les rayons des vidéo-clubs.

A quoi reconnaît-on un mauvais film de rock ? A un scénario accumulant tous les clichés imaginables sur le sujet (et il y en a) sur un ticket de métro. Un tour de force dont s’est acquitté ici Joe Eszterhas (monsieur Basique Foufoune) avec le doigté qu’on lui connaît.

Et un bon mauvais film de rock ? Au nombre de détails réjouissants qui défilent et qui, au lieu de faire actionner la marche avant rapide sur la télécommande, font qu’on s’amuse. Et qu’on aura même plaisir à le revoir. Encore. Et encore. En le faisant découvrir aux amis au passage.

Et ici, on est servis. Jugez un peu. Prenez une certaine Fiona (c’est son unique grand rôle), sorte de Belle des Champs à big hair (on est dans les années 80) qui rêve de devenir chanteuse pro. Faites lui rencontrer Dylan (particulièrement peu concerné, il a la tête ailleurs, sur sa feuille d'impôts sans doute), en ex-rock star cynique qui va l’entraîner à Londres. Rajoutez une rivalité amoureuse entre icelui et Rupert Everett en glam-star à mullet (on est toujours dans les années 80) en pleine crise d’inspiration. Je sais, on rigole. N’oubliez pas une fan azimutée (et aveugle) qui tire sur son idole. Secouez bien le tout. N’oubliez surtout pas de pimenter le cocktail de quelques cameos – en vrac, Ron Wood qui montre comment se lancer une clope au bec d'un habile coup de poignet (ne pas cligner des yeux), Richie Havens, Ian Dury. Oh, et puisqu’on est dans les années 80, je le rappelle pour ceux qui ne suivraient pas, il y a aussi le grand, l’immense Timmy Cappello. Mais si, vous voyez qui c’est. Le Musclor à mullet (les années 80, n’est-ce pas) qui jouait du sax (les années…) et du synthé (… 80) derrière Tina Turner. Mais ici, bizarrement a écopé du rôle d’Animal (Jean-Marie en VF), le batteur du Muppet Show.

Si, après ça, vous n’avez pas envie de guetter une éventuelle diffusion télévisuelle (TCM l’a déjà passé, tous les espoirs sont permis), voire une vieille VHS ou Laserdisc (pour la sortie DVD, c’est pas gagné)… Et peut-être même vous débrouiller pour vous trouver ce dimanche (2 décembre) à 11h à l’Institut Lumière de Lyon. Eh oui, dans le cadre de son week-end spécial Dylan, il y a une plus que rarissime projection en salle de cet incunable. L’ultime Graal dylanien pour fan idiot… et pervers. Mais après tout, n’est-ce pas là le lot du fan ?

28 novembre 2007

Au cœur des ténèbres



Après coup, bien sûr, on peut la ramener. Citer André Breton, qui aurait pu écrire « La beauté sera convulsive ou ne sera pas » après avoir vu Liars enflammer la Maroquinerie, hier soir. Paraphraser, pourquoi pas, Nietzche (Friedrich, pas Jack), pour évoquer un concert au-delà de la musique et du bruit.

Pendant, pas question de faire le malin. C’est physique, tripal, tribal, sauvage, transe et danse. Pas intello-arty pour un rond. Quelque chose comme une cérémonie païenne d’après la défaite de la civilisation et des convenances, menée à la baguette par Julian Gross, tambour majeur de la bande, et Aaron Hemphill, l’éminence grise multi-instrumentiste. L’impression de se retrouver dans le camp du colonel Kurtz d’Apocalypse Now, ou prisonnier des ados revenus à la loi de la jungle de Lord Of The Flies. Et de trouver ça jubilatoire.

Je ne sais pas si ce sont les origines australiennes communes, mais Angus Andrew, le chanteur/plaisantin/branlotin, costume blanc et gestuelle désarticulée, m’évoque le jeune Nick Cave de Birthday Party. Liars étant d’ailleurs, comme ses augustes prédécesseurs, un de ces rares groupes dont la musique peut faire réellement peur.

65 minutes, rappel compris, mixant à part à peu près égales extraits de They Were Wrong So We Drowned, Drum’s Not Dead et Liars, ce n’est sans doute pas long, mais largement suffisant pour être soumis à un bombardement sensoriel grisant. Avec, en guise de sas pour reprendre pied avec le monde réel, la délicatesse (à tous les niveaux) de “The Other Side Of Mt. Heart Attack”. Comme un rayon de soleil après l'ouragan.

26 novembre 2007

Post Flyte

Et si les Byrds, au lien d'engager Gram Parsons, avaient directement intégré Clarence White, sans laisser Chris Hillman partir ? Je sais que ce genre de question n'empêche personne de dormir (à part peut-être quelques fans de Tom Petty). Mais quoi qu'il en soit, je remercie quand même les Sadies de donner la réponse avec New Seasons, leur récent album.

Au cas, trop probable, où vous auriez du mal à situer les Sadies, disons que ce quatuor canadien trop méconnu est sans doute le meilleur groupe de country-rock de ces dernières décennies. Carrément. Une bande virtuoses qui ne se la pètent pas et se montrent tout aussi à l'aise dans le surf, le psyché, le garage ou le rockabilly, en ne se privant pas pour mixer tous ces styles en un seul - immédiatement reconnaissable.

Neko Case, Jon Langford (des Mekons) ou Heavy Trash (Jon Spencer et Matt Verta-Ray) ne s'y sont pas trompés, en ne manquant pas une occasion de les engager en backing-band de luxe.

Au départ très porté sur les intrumentaux, les bien-nommés frangins Good, Dallas et Travis, ont avec le temps développé un sens des harmonies vocales tout fraternel, qui complète à merveille leurs entrelacs de guitares twangy. Si l'on ajoute que la rythmique, souvent ternaire, swingue tout en fluidité, et que les compos subtiles de New Seasons volent aussi haut que l'exécution, on tient là quelque chose comme le meilleur album des Oyseaux depuis au moins la moitié studio d'Untitled, voire Notorious Byrd Brothers, sans qu'on ait envie de crier au plagiat. Un miracle ? Je ne vous le fais pas dire. Et si l'album n'est pas forcément facile à dénicher en France, il est disponible par exemple sur iTunes.

Un petit passage sur le site de l'excellent label Yep-Roc (Apples in Stereo, Robyn Hitchcock, Heavy Trash, Fleshtones, Los Straitjackets, etc.) vous en dira plus, sans oublier leur propre page www.thesadies.net

20 novembre 2007

Demain, j'enlève le bas

Déjà, quand j’ai vu la pochette, je me suis dit « Mais qu’il lui prend ? ». J’aime plutôt bien Brisa Roché. Son précédent album, The Chase, m’avait tapé dans l’oreille, frais et chaleureux à la fois. Même si Takes, le nouveau, est un cran en deçà, il reste recommandable. J’ai juste, décidément, ce problème avec la photo. Qui ne s’est pas arrangé en la voyant placardée en affichette partout dans Paris. Désolé, mais je ne trouve pas Brisa, toute rose en culotte blanche, topless, la poitrine dissimulée par un chapelet de micro, très à son avantage. Ni évocatrice de l’ambiance du studio, auquel le titre de l’album (“prises”, au sens de différentes prises d’un morceau), le fameux cache-nichons et le casque sur la tête font allusion.

Alors, quelle est l’idée ? Bonne question. Surtout que l’on constate une mini-épidémie de chanteuses ayant tombé le haut. En regardant Claire Diterzi, mi-amazone, mi-Diane chasseresse, je me demande s’il ne s’agit pas tout simplement d’une bonne remontée, toujours bienvenue, de féminisme. D’incarner une icône féminine forte, disposant de son corps comme elle l’entend. Ce que fait également, de son côté, une Beth Ditto, en posant nue en une du New Musical Express.

A moins qu’il ne s’agisse d’un petit effet poétique, comme dans le cas du dernier Pauline Croze, avec plumes qui volettent et demi-sourire de Joconde.


Une récidiviste, au demeurant. Quoique dans un ton très différent, puisqu’elle arborait un air carrément bravache et provocant sur son coup d’essai.

Mademoiselle K, elle, nous tourne le dos. Pudique, ou juste prise au dépourvu ? Après tout, la miss tourne énormément et ne ménage pas son énergie ni sa sueur. De là à penser qu’elle s’est retrouvée sans le moindre top de propre, ni le temps de passer au H&M le plus proche, au moment de poser, il n’y a qu’un pas. Le vieux coup du « Chéri, je n’ai plus rien à me mettre »…

J’ose à peine émettre une dernière hypothèse. Le dernier avatar de la crise du disque ? Si je ne peux croire que ces chanteuses de têtes aient pu être poussées à se dénuder partiellement par leurs label-managers (contrairement aux bimbos, qui misent tout sur leur sex-appeal), c’est peut-être juste qu’elles ne gagnent même plus de quoi assurer leur budget fringues. Ce qu'on peut appeler le dénuement des intermittents du spectacle…

19 novembre 2007

Cadavre exquis


Si le propre du songwriter rock est d’étaler ses tripes sur la table, en prenant l’auditeur, ravi, comme confident (de ses tourments, de préférence, pour l’école romantique, ou de ses coups de sang et de colère contre cette trop injuste société, pour l’école enragée/engagée), il n’est pas interdit de chérir les francs-tireurs qui préfèrent mettre l’imagination au pouvoir.

Comme les Fiery Furnaces, au hasard. Hasard qui, justement, est un des grands moteurs du processus créatif, ainsi que l’explique Matt Friedberger dans un passionnant article du Village Voice, paru il y a quelques semaines. Très proche du surréalisme, il décrit de façon très précise comment il s’inspire de détails qui lui tombent sous le regard pour laisser vagabonder son imagination, sans se censurer, dans une forme d’écriture automatique, la mise en forme n’intervenant que bien plus tard – en prenant en compte ce qui pourrait être amusant à chanter pour Eleanor, notamment. Une méthode qui explique sa productivité – environ 300 chansons par an dont la plupart ne son jamais enregistrées –, mais aussi le côté “irrationnel” de bon nombre de leurs textes – par ailleurs très narratifs. Ce côté qui irrite bon nombre de gens, qui aiment pouvoir attribuer un sens précis aux paroles de chansons – comme David Lynch peut rendre chèvre les cartésiens.

A titre d’illustration, j’ai tenté – maladroitement et modestement, car certains double sens et jeux de mot sont impossibles à restituer – de traduire les quatre première chansons de Widow City, leur récent album. Ce qui correspond à la première face de la version vinyle, WC (les initiales amusent Matt) étant justement conçu comme un double album à l’ancienne, dont chaque face est structurée comme une mini-suite avec un morceau long et complexe en ouverture, suivi d’un enchaînement de trois chansons plus linéaires.


LE JURY D’ACCUSATION DE PHILADELPHIE
Il n’y a plus de faveurs à demander ;
Plus de pétitions à faire circuler ;
Tout est désormais entre les mains - tout est entre les mains
Du jury d’accusation de Philadelphie.
Pas possible de tomber sur des enfoirés plus corrompus.

Assurez-vous qu’ils aient bien enregistré mon testament.
Assurez-vous que maman ne regarde pas le journal.
On sait déjà – aucun suspense
Que le jury d’accusation de Philadelphie me passe le nœud coulant autour du cou.

Pas possible de tomber sur des enfoirés plus corrompus.


LES DUPLEX DES MORTS
Je suis descendue dans les duplex des morts
Où les volets sont tirés et les ombres closes,
A moins de connaître le mot magique
(Rarement prononcé mais souvent entendu.)
Mordez-vous les lèvres et tournez trois fois sur vous-même !

Pendant notre lune de miel,
Mon mari est resté assis,
Avec une lueur dans l’œil et un stylo dans la main gauche.
Il a écrit le mot magique sur le vernis.
(Rarement vu et jamais entendu.)
Il m’a fait taire puis s’est affaissé en arrière, profondément endormi.

Je me suis mise à bougonner, assise au soleil près du porte-parapluies.
J’ai eu toutes sortes d’exigences déraisonnables,
Je me suis couvert la tête et je me suis rendue à la piscine du bureau
Je me suis inclinée, déférente, une mule ressemelée
Et j’ai demandé aux émanations de chlore si elles avaient quelque chose à mentionner


MARI AUTOMATIQUE
Merci de demander.
Oui, c’est vrai, nous vous attendions.
Nous vous attendions.
Persuadez votre mari qu’il devrait rester à notre disposition aujourd’hui et notez tout ce que nous disons
Sur le nouvel assistant du bus de ramassage scolaire qui s’est fait moucharder, à laisser sept enfants endormis sur leur siège, dans une transe provoquée par la climatisation.

Alors je suis remontée dans notre chambre
Et j’ai dit à mon mari de s’asseoir sur la table basse
Et que ses paupières se faisaient lourdes
Et quand il s’est endormi j’ai remis le stylo dans sa main gauche.

Aux phases 8 et 31 les Quatre Facultés sont accomplies, mais les Principes sont nombreux.
L’année solaire, si on regarde, est comme l’évêque dans le ruisseau, selon ce livre
Ecrit par le nouvel assistant du bus de ramassage scolaire qui s’est fait moucharder, à laisser sept enfants endormis sur leur siège, dans une transe provoquée par la climatisation.

Et n’oubliez pas la carte imaginaire
Des Manifestations d’Assassinats
En possession du bureau des pompes funèbres
(Egalement connu sous le nom des Esthéticiens Cadavériques)
Son numéro de téléphone local répond autant qu’un clou de porte dans le menton d’une pauvre souris de sacristie.
Ou du moins c’est ce que prétend le thème astral de naissance que j’ai fait rapatrier du Mexique.
Il a été calculé par une commission spéciale d’entraîneurs de basketball navajos et de blondes.


EX-GOUROU
Une de ces blondes exerçait une certaine emprise sur moi.
Je me suis rendue à tous ses séminaires à proximité de l’aéroport, à l’Arbre Double.
Je lui même permis d’utiliser gratuitement l’hydravion de mon neveu aux Bahamas.
Mais elle n’est plus rien pour moi.
Je me le répète tous les jours :
Elle n’est plus rien pour moi.
Je me le répète chaque jour que Dieu fait,
Je suis tout à fait convaincue que j’ai échappé à son emprise.

J’ai brûlé tous mes vêtements au jus d’eucalyptus ;
J’ai arraché tous les planchers et repeint les tribunes couleur puce;
Et j’ai été jusqu’à sacrifier un deuxième serpent à Zeus,
Par conséquent elle n’est plus rien pour moi
Je me le répète tous les jours.
Elle n’est plus rien pour moi
Je me le répète chaque jour que Dieu fait,
Je suis toujours convaincue que j’ai échappé à son emprise.
Mais quand elle se morfond au clair de Lune sur sa mesa, au mois de mars
Explose-t-elle comme l’orage
Quand elle pense à ma trahison ?

Elle n’est plus rien pour moi.
Elle n’est plus rien pour moi.


Pour retrouver les paroles originales, rendez-vous sur le très distrayant site officiel du groupe.

16 novembre 2007

Fun House



Des mots… plein de mots, des bouts de phrases extraits de leurs chansons qui se chevauchent et se télescopent, c’est ce qu’ont choisi les Fiery Furnaces pour remplir leur rideau de fond de scène. Un choix tout sauf innocent, quand on connaît la propension de Matt Friedberger à imaginer moult histoires abracadabrantesques remplies de noms de lieux et de personnes et de références ésotérico-ludiques. Et tout autant, comme on a encore pu encore le constater hier soir au Nouveau Casino, quand on connaît la capacité des Brooklyniens (d’adoption) à recombiner les chansons de leur foisonnant répertoire (6 CD en 5 ans, plus le double solo de Matt !), en les réinventant au passage.

Autant dire que même avec un personnel inchangé par rapport à leur dernier passage dans le même lieu, il y a 18 mois, tout est transformé. D’abord, cette fois, l’aîné des Friedberger est aux claviers (orgue, piano et synthé, triturés aux pédales d’effets) et ne chante quasiment pas, laissant Eleanor (qui ressemble de plus en plus à Karen Carpenter, avec sa mèche dans les yeux) se dépêtrer avec une grâce infinie des acrobatiques tartines que son frangin lui met en bouche. Et puis, naturellement, cette fois, c’est Widow City, le nouvel album, qui structure le set, où s’incorporent organiquement les chansons plus anciennes. Même quand on connaît tous leurs albums par cœur, l’effet live est bluffant, tant la profusion de thèmes a de quoi donner le tournis. Et si, après tout, les Fiery Furnaces sur scène étaient un genre de parc d’attractions ? Quelque part entre roller-coaster en folie (brusques virages, doubles loopings, vrilles inattendues), fun house (miroirs déformants, escaliers instables, courants d’air) et maison hantée (passages secrets entre les différents thèmes et albums, intervention du surnaturel). Quelque chose de très physique aussi, grâce à l’impact du tandem rythmique Jason Loewenstein (basse, ex-Sebadoh)-Bob d’Amico (batterie).

Bref, une expérience unique. Et multidimensionnelle. Normal. Les Fiery Furnaces ne font jamais rien comme tout le monde. Ce qui leur vaut sans doute d’être un des groupes les plus controversés de la décennie. Sur qui je ne me priverai pas de revenir. Après tout, si leur musique se mérite, exigeant de l’auditeur un effort (d’attention, au moins) réel pour en saisir la substance, en faire l’exégèse est ensuite un plaisir. Qui a déjà nourri maint autres blogs. Pourquoi s'en priver ?

14 novembre 2007

Le Ciel et l’Enfer


Unless It's Kicks

Pas question pour moi de rater Okkervil River hier à la Cigale. Même en lever de torchon de Vic Chesnutt, dont je n’ai pas la carte du fan-club tatouée sur le front.
Et c’est peu dire que je n’ai pas été déçu. Même s’ils n’ont pas joué mes deux chansons favorites de The Stage Names, leur dernier album (“A Girl In Port” et “John Allyn Smith Sails”), ils ont déclenché une tempête passionnelle et émotionnelle de force 12, Will Sheff en tête, abandonné, le regard vague (myopie carabinée oblige). Pas étonnant qu’au terme d’un strip-tease qui l’a vu se dépouiller au fil du set de son costume-cravate dépenaillé, le chanteur habité ait fini en t-shirt à l’effigie de Jacques Brel (même si c’est du Gainsbourg que le sextet aura repris pour l’occasion). Honoré de jouer à la même affiche que Vic Chesnutt, Will nous dira que son sound-check lui avait donné l’impression que les portes du Ciel s’ouvraient, ou plutôt d’un Ciel mêlé à l’Enfer. Ce qui peut aussi s’appliquer à Okkervil River, qui mélange dans ses passions destructrices et splendeur musicale.

Mais moins quand même, c’est vrai, qu’à Vic Chesnutt. Un sacré amoché de la vie, paraplégique depuis son adolescence, rescapé de plusieurs tentatives de suicides et du fond de la bouteille. Fan de Nina Simone (dont il reprend “Fodder On Her Wings”), sa voix rugueuse, s’échappant parfois en apesanteur, a trouvé écrin à sa mesure avec certains des musiciens de Silver Mt. Zion et Guy Piccioto. Ce dernier renouant ainsi, en quelque sorte, avec l’emo dans son sens originel, dont il fut l’initiateur au milieu des années 80 au sein de Rites Of Spring. Il aurait vraiment fallu avoir un cœur de pierre (et les oreilles bouchées) pour ne pas être touché par ce dialogue, entre absolu respect et grandes envolées soniques, entre musiciens d’horizons différents, débouchant notamment sur une bouleversante relecture de “Ruby Tuesday”.

Quelques vidéos live supplémentaires d’Okkervil River



Westfall


A King And A Queen


Setlist (de mémoire)

Plus Ones
A Hand To Take Hold Of The Scene
The Latest Toughs
I Just Came To Tell You That I'M Going (Je Suis Venu te Dire Que Je M'En Vais)
Unless It's KicksAssocier
A King And A Queen
You Can't Hold The Hand Of A Rock And Roll Man
So Come Back, I Am Waiting
Our Life Is Not A Movie Or Maybe
For Real
Westfall

PS Et tant qu'on y est, profitez donc de leur toute récente Daytrotter Session, avec trois reprises inédites de Carole King, Jimmy Webb et John Phillips, et une version skiffle de “You Can't Hold The Hand Of A Rock And Roll Man”, à écouter et télécharger.

13 novembre 2007

We’ve got a fuzzbox…


Bonne nouvelle : les Raveonettes ont retrouvé leur pédale de distorsion. Et, avec elle, la magie de Whip It On (en la mineur) et Chain Gang Of Love (en la majeur), envolée en même temps que leur son se nettoyait sur Pretty In Black (en bof majeur). Un album dont les premiers accords étaient ceux de « Mull Of Kintyre », c’est dire.

Ce que j’aime chez ce duo danois, c’est qu’on est entre fans. Pas de mystère ni de chichis, Sharin et Sune ont, grosso modo, les goûts de tout amateur de rock un peu cultivé, de Buddy Holly à Jesus & Mary Chain en passant par les mini-symphonies spectoriennes, les Everly Brothers, le Velvet ou Suicide. Et leur talent particulier est de synthétiser tout ça en une musique qui ne ressemble pas au monstre de Frankenstein, mais bien à une création harmonieuse.

Loin de s’épuiser, la formule se régénère sur Lust Lust Lust. C’est que, comme l’indique le titre, la blonde et le brun ont le feu aux fesses, jusqu’à ne plus arriver à séparer leurs voix. Ne comptez pas sur moi pour leur jeter des seaux d’eau…

Lust Lust Lust (Fierce Panda)
http://myspace.com/theraveonettes

9 novembre 2007

Ailleursland

Si j’étais moins feignant, je passerais plus de temps à écrire ce blog, au lieu de lire (et d’intervenir sur) ceux des autres.

Mais comme je n’ai pas un si mauvais fond, le moins que je puisse faire ici est au moins de faire profiter de mes trouvailles.

Pour rester du côté de Sleater-Kinney, épinglé hier, Carrie Brownstein, la brune guitariste (plutôt lead, mais les entrelacs de six-cordes étaient une des marques de fabrique du groupe) et chanteuse (plutôt deuxième voix, mais les chevauchements de cordes vocales, etc.) tient un nouveau blog depuis le début de la semaine, Monitor Mix. Le thème : essentiellement des réflexions sur la musique, la façon dont elle est reçue, jouée, sans avoir peur des digressions. Le ton et les questions soulevés sont pertinents (par exemple, pourquoi a-t-on tendance à négliger les artistes les plus importants qui vous ont forgé le goût ?), et Carrie ne censure pas les (très nombreux) commentaires et réponses et. La preuve ? Dans son entrée sur l’affectation, elle m’a laissé citer en illustration les groupes qui se mettent en indeterminate hiatus.

Plus près de chez nous, l’excellent Philippe Dumez, dont je ne saurais trop vous recommander la lecture quotidienne de I Wanna Be Your Blog (en tête de mes liens), est le récent initiateur de Ween Will Rock You, consacré aux faux frères Dean et Gene. Même si, comme moi, vous avez du mal à vous laisser entièrement convaincre par La Cucaracha, leur petit dernier, vous pourrez y découvrir, notamment, de brillantes (quoique un peu hermétiques) exégèses de l’inimitable Pacôme Thiellement.

Et pour finir en musique, un petit tour du côté de nyctaper. Non, ce n’est pas une insulte, ça signifie juste l’enregistreur de New York… Un homme de bien qui, non content de fréquenter les concerts (Fiery Furnaces, of Montreal, Wilco, Richard Thompson, Dinosaur Jr, mais aussi Björk, nul n’est parfait), en ramène des captures audio d’excellente qualité avec son petit équipement personnel. Merci à lui!

8 novembre 2007

Novlangue

Ça devient une épidémie. Tenez, pas plus tard qu’hier, la nouvelle est tombée : Electrelane se met en « indefinite hiatus » (sic), soit, en bon français, en pause illimitée ou en interruption indéfinie, dès qu’elles ont fini leur actuelle tournée (qui passe en France du 19 au 24, c’est le moment ou jamais…). L’année dernière, c’était Sleater-Kinney et, un peu avant, le (Jon Spencer) Blues Explosion.

Qu’est-ce que c’est que cette manie ? Bon, qu’un certain nombre de mes groupes favoris se séparent, je veux bien. Ou plutôt, non, je ne veux pas, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix. Mais alors, au moins, les gars (et les filles), ayez le courage de le dire, que vous vous séparez. Un split est un split, inutile de vous abriter derrière une formulation politiquement correcte à la con. Tiens, ça me fait penser à ces couples qui se séparent « à l’essai ». Ça ne rime à rien. On se sépare ou pas. Quitte à se remettre ensemble.

Si vous voulez qu’on évite de se moquer de vous le jour de la reformation, c’est raté. Pour le coup, c’est tout de suite qu’on rigole. Jaune, d’accord. Mais quand même. Là, ça vous donne un petit air centriste mi-chèvre mi-chou pas très rock’n’roll.

31 août 2007

La surprise du Sheff

J'ai beau avoir la larme facile, si on m'avait dit qu'un jour, je me retrouverais l'oeil embrumé et la gorge serrée à l'écoute d'une chanson sur les groupies (l'un des thèmes les plus rebattus et propices à toutes les horreurs du rock), j'aurais bien ri. Seulement voilà, Will Sheff n'est pas n'importe qui. Et Okkervil River, le groupe dont il est l'âme et seul membre constant depuis près de dix ans, une formation capable de miracles. La preuve avec "A Girl In Port", justement, et ses arrangements rebondissant de la guitare acoustique du Sheff à des crescendos nimbés du piano le plus élégant entendu depuis la disparition de Nicky Hopkins, d'une pedal steel à faire sangloter les pierres, d'un cornet évadé de "Forever Changes", et de frémissements de mandoline.

N'allez pas croire pour autant que The Stage Names, le nouvel opus des Austiniens (d'adoption, pour la plupart) respire la mélancolie. Après le sombre et oppressant Black Sheep Boy, c'est comme si le sextette avait éprouvé le besoin d'ouvrir les volets et les fenêtres et de laisser rentrer l'air du dehors. Et même de s'amuser, si, si.

Sheff et consorts éprouvent un plaisir aussi évident que contagieux à secouer les étiquettes (rock littéraire, alt-country...) qu'on a voulu leur coller. Si le sextette peut toujours plaire aux aficionados de Lambchop ou Tindersticks, il durcit le jeu, accélère volontiers le tempo et multiplie les clins d'œil (les cordes et les chœurs T. Rex de "You Can't Hold the Hand of a Rock and Roll Man", la rythmique Motown de "A Hand to Take Hold of the Scene", ou la citation appuyée de "Sloop John B" qui clôt "John Allyn Smith Sails" et l'album). "Plus Ones", exercice oulipien, cite dans son texte un maximum de chansons de rock comportant un nombre dans leur titre, de "96 Tears" à "Care of Cell 44", en leur ajoutant une unité et sans perdre le fil du désamour.

Autant de références qui n'ont rien de gratuit, puisque The Stage Names est une réflexion sur la condition de l'artiste (pas forcément rocker, la très tendre et velvetienne "Savannah Smiles" s'inspirant de l'actrice de porno, et "John Allyn Smith Sails" se plaçant dans la tête du poète beat au moment de son suicide), et ses rapports avec les fans.

Enfin, ça, c'est presque un bonus, tant la classe des mélodies, le pouvoir émotionnel de la voix étranglée de Sheff et la richesse - jamais ostentatoire - des arrangements suffisent à envoûter. Il y a des moments comme ça où un groupe qu'on aimait déjà beaucoup se transcende et sort un genre de disque parfait. Et c'est précisément ce qui arrive à Okkervil River.

The Stage Names (Jagjaguwar/Differ-Ant)

Photo ©Todd Wolfson/Jagjaguwar

http://www.okkervilriver.com (la discographie commentée par Will Sheff est un must, bourré d'humour autodépréciateur)
http://www.jagjaguwar.com/artist.php?name=okkervilriver

30 août 2007

La vie à deux

A chaque fois, c’est la même chose : je ne peux m’empêcher de remarquer que pas mal de mes groupes favoris sont avant tout des couples. Question de tension sexuelle, de rivalité, de jalousie, de complicité ou d’un peu de tout ça, sans doute. Vrais ou faux, amis ou amants, époux ou divorcés, frère et sœur (vrai ou faux), ça marche à presque tous les coups, de Sonny & Cher aux Kills en passant par les Fiery Furnaces, Quasi ou les White Stripes.

Sans oublier Nancy Sinatra & Lee Hazlewood, Dan John et Tracee Mae Miller (Blanche), les Raveonettes ou Dean (Wareham) & Britta (Phillips). Si, justement, vous fondez pour ces derniers, vous êtes déjà tombés amoureux d’In Camera, le premier album d’Arthur & Yu, même si vous ne le savez pas encore.

Nés Grant Olsen et Sonya Westcott (Arthur & Yu sont leurs surnom de mômes), ces deux résidents de Seattle se sont prosaïquement rencontrés sur Craigslist, mais leurs voix – un peu métallique pour lui, troublante dans sa légère maladresse pour elle - s’enlacent comme celles d’Everly Brother & Sister (incestueux ?) biberonnés au Velvet du troisième album et aux refrains immémoriaux du folk appalachien. Enregistrés dans le living-room de Grant Olsen, sur un Mac Mini (« et sans plug-in vintage », aiment-ils à plaisanter), ces dix morceaux d’une constante qualité d’écriture, conçus comme des maquettes, sont publiés tels quels par Hardly Art, le nouveau sous-label de Sub Pop. Sans une note de trop, mais avec sans cesse de petites trouvailles (xylophone discret, clavier limite subliminal). Et un charme fou.

Si l’été finissant et les premières atteintes de l’automne déteignent sur votre météo intime, si la rentrée réveillent en vous la nostalgie et les chagrins de l’enfance, In Camera est fait pour vous.

Photo © Greg Lutze/Hardly Art

In Camera (Hardly Art/V2)

http://hardlyart.com/arthur_yu.html
http://www.myspace.com/arthurandyu



28 août 2007

Jarvis honore le jour du Sabbath


En cet après-midi du samedi, Jarvis Cocker conclut son set sur une cover bien sentie de "Paranoid". Eh oui, il est bien question ici de l'ex-chanteur de Relaxed Muscle (et de Pulp, si vous insistez) et du classique de Black Sabbath. Interprété avec une totale fidélité. Jarvis/Ozzy, même combat ? Pas exactement, même si, à Rock en Seine, notre grande asperge binoclarde favorite se monte très remontée, sautant d'enceinte en enceinte à l'avant-scène et multipliant les poses maniérées. Très fier de ses progrès en français, il multiplie les vannes (“Pourquoi il n'y a personne là-bas ? Ah, c'est une marre de boue ! C'est très concept ça, il faut un espace Glastonbury dans chaque festival”). Et, quand même, nous interprète brillamment une bonne partie de son premier album solo. Sans oublier "Big Stuff", écrite pour le grand Lee Hazlewood, et qui lui est naturellement dédiée, quelques jours après sa disparition. Jarvis Cocker est un homme de goût, que voulez-vous. Qui sait reconnaître une bonne chanson, sans s'arrêter à de vulgaires a priori de style (voir ci-dessus).

Cette deuxième journée de festival - toujours les pieds dans la boue, mais la tête au soleil - semble d'ailleurs tourner autour du Parisien d'adoption. C'est lui, par exemple, qui remit aux Fratellis leur prix de la révélation de l'année lors des Brit Awards. Ces mêmes Fratellis qui ont ouvert la journée sous le signe de la bonne humeur et des tubes (potentiels ou avérés) à gogo. Si le pop-rock musclé et vaguement glam du trio de Glasgow ne pisse pas très loin, au moins pisse-t-il droit, et en plein dans le mille...

Pour rester en Ecosse, mais aux antipodes du bon esprit des faux frangins, les vrais frères Reid montrent, alors que le soleil se couche, ce que signifie The Power Of Negative Thinking, pour reprendre le titre de leur prochain coffret de faces B. Disparu depuis près d'une décennie pour cause de brouille fraternelle, The Jesus & Mary Chain ne manque pas son retour. William, quelque peu bouffi par le bourbon, peut bien ressembler à Pedro Almodovar, il reste l'un des maîtres mondiaux du feedback vicieux. Et si Jim, lui, est désormais sobre, son regard de psychopathe donne encore le frisson. Lorsqu'il fusille du regard son aîné, qui a le malheur de vaguement rater une intro, on craint que les vieux démons ne resurgissent, et que tout finisse en chaos... Sauf que ce petit rituel se déroule désormais à chaque concert, histoire de jouer avec les appréhensions des spectateurs. Rien de feint, en revanche, dans l'excitation sans faille que délivre toujours JAMC. En une heure, tout ce qu'on peut aimer dans le rock est organiquement synthétisé : les pures mélodies des Beach Boys et la grandeur sonique de Spector passés au vitriol du bruit blanc, et décapés au cynisme distancié.

Les CSS, à peine sorties de scène, ont filé ventre à terre pour traverser tout la longueur de l'enceinte, et perdre le moins possible de cette magistrale leçon de rock'n'roll, vites rejointes par Jarvis - qui n'a pas manqué de programmer JAMC au Meltdown festival londonien, au moins de juin. Comme quoi, décidément, tout se rejoint en ce samedi.

Ou presque. Car Tool, c'est un autre monde. Rien que son dispositif scénique laisse pantois : la scène apparaît quasiment comme vide, les musiciens étant exilés sur les côtés, et le chanteur Maynard James Keenan n'apparaissant qu'en ombre chinoise au fond du plateau. Ce sont donc les visuels quasi psychédéliques et surtout les vidéos cauchemardesques réalisées par le guitariste Adam Jones - à faire passer Eraserhead pour les Bisounours - qui assurent le "spectacle", tandis que l'on est martelé par le metal le plus torturé qui soit, à moins que ce ne soit le prog-rock le plus violent. Une expérience à vivre au moins une fois - et plus, si affinités.

Et le dimanche ? Eh bien, étant hautement allergique aux björkeries, j'ai suivi l'exemple du Très Haut, et je me suis reposé.