29 novembre 2007

En roue libre

En attendant l’arrivée en salle de I’m Not There, l’évocation éclatée de Dylan par Todd Haynes, dès mercredi prochain, j’aimerais revenir sur mon titre favori dans la déroutante filmographie de Zimmy.

Non, pas l’hallucinant (et quelque peu filandreux) Masked & Anonymous, première réalisation de Larry Charles, le sosie de Rick Rubin (avec lequel il concocte une sitcom pour HBO, dont Kanye West est la vedette), ex-scénariste de Seinfeld et heureux metteur en scène de Borat. Mais je digresse…

Pas même Pat Garrett et Billy The Kid, ce serait trop facile.

Non, il s’agit ici du meilleur film de rock de tous les temps. Pas moins. A savoir Hearts Of Fire. Vous ne voyez pas de quoi il s’agit ? C’est normal. Pour être tout à fait honnête, cet ultime film de Richard Marquand (le réalisateur du Retour du Jedi est décédé avant même sa sortie, plutôt que d'être assassiné par la critique) est le meilleur mauvais film de rock de tous les temps. Ce qui est encore mieux, quelque part. Un accident industriel, qui a tenu sur les écrans une semaine à Londres, avant d’être pudiquement relégué sur les rayons des vidéo-clubs.

A quoi reconnaît-on un mauvais film de rock ? A un scénario accumulant tous les clichés imaginables sur le sujet (et il y en a) sur un ticket de métro. Un tour de force dont s’est acquitté ici Joe Eszterhas (monsieur Basique Foufoune) avec le doigté qu’on lui connaît.

Et un bon mauvais film de rock ? Au nombre de détails réjouissants qui défilent et qui, au lieu de faire actionner la marche avant rapide sur la télécommande, font qu’on s’amuse. Et qu’on aura même plaisir à le revoir. Encore. Et encore. En le faisant découvrir aux amis au passage.

Et ici, on est servis. Jugez un peu. Prenez une certaine Fiona (c’est son unique grand rôle), sorte de Belle des Champs à big hair (on est dans les années 80) qui rêve de devenir chanteuse pro. Faites lui rencontrer Dylan (particulièrement peu concerné, il a la tête ailleurs, sur sa feuille d'impôts sans doute), en ex-rock star cynique qui va l’entraîner à Londres. Rajoutez une rivalité amoureuse entre icelui et Rupert Everett en glam-star à mullet (on est toujours dans les années 80) en pleine crise d’inspiration. Je sais, on rigole. N’oubliez pas une fan azimutée (et aveugle) qui tire sur son idole. Secouez bien le tout. N’oubliez surtout pas de pimenter le cocktail de quelques cameos – en vrac, Ron Wood qui montre comment se lancer une clope au bec d'un habile coup de poignet (ne pas cligner des yeux), Richie Havens, Ian Dury. Oh, et puisqu’on est dans les années 80, je le rappelle pour ceux qui ne suivraient pas, il y a aussi le grand, l’immense Timmy Cappello. Mais si, vous voyez qui c’est. Le Musclor à mullet (les années 80, n’est-ce pas) qui jouait du sax (les années…) et du synthé (… 80) derrière Tina Turner. Mais ici, bizarrement a écopé du rôle d’Animal (Jean-Marie en VF), le batteur du Muppet Show.

Si, après ça, vous n’avez pas envie de guetter une éventuelle diffusion télévisuelle (TCM l’a déjà passé, tous les espoirs sont permis), voire une vieille VHS ou Laserdisc (pour la sortie DVD, c’est pas gagné)… Et peut-être même vous débrouiller pour vous trouver ce dimanche (2 décembre) à 11h à l’Institut Lumière de Lyon. Eh oui, dans le cadre de son week-end spécial Dylan, il y a une plus que rarissime projection en salle de cet incunable. L’ultime Graal dylanien pour fan idiot… et pervers. Mais après tout, n’est-ce pas là le lot du fan ?

28 novembre 2007

Au cœur des ténèbres



Après coup, bien sûr, on peut la ramener. Citer André Breton, qui aurait pu écrire « La beauté sera convulsive ou ne sera pas » après avoir vu Liars enflammer la Maroquinerie, hier soir. Paraphraser, pourquoi pas, Nietzche (Friedrich, pas Jack), pour évoquer un concert au-delà de la musique et du bruit.

Pendant, pas question de faire le malin. C’est physique, tripal, tribal, sauvage, transe et danse. Pas intello-arty pour un rond. Quelque chose comme une cérémonie païenne d’après la défaite de la civilisation et des convenances, menée à la baguette par Julian Gross, tambour majeur de la bande, et Aaron Hemphill, l’éminence grise multi-instrumentiste. L’impression de se retrouver dans le camp du colonel Kurtz d’Apocalypse Now, ou prisonnier des ados revenus à la loi de la jungle de Lord Of The Flies. Et de trouver ça jubilatoire.

Je ne sais pas si ce sont les origines australiennes communes, mais Angus Andrew, le chanteur/plaisantin/branlotin, costume blanc et gestuelle désarticulée, m’évoque le jeune Nick Cave de Birthday Party. Liars étant d’ailleurs, comme ses augustes prédécesseurs, un de ces rares groupes dont la musique peut faire réellement peur.

65 minutes, rappel compris, mixant à part à peu près égales extraits de They Were Wrong So We Drowned, Drum’s Not Dead et Liars, ce n’est sans doute pas long, mais largement suffisant pour être soumis à un bombardement sensoriel grisant. Avec, en guise de sas pour reprendre pied avec le monde réel, la délicatesse (à tous les niveaux) de “The Other Side Of Mt. Heart Attack”. Comme un rayon de soleil après l'ouragan.

26 novembre 2007

Post Flyte

Et si les Byrds, au lien d'engager Gram Parsons, avaient directement intégré Clarence White, sans laisser Chris Hillman partir ? Je sais que ce genre de question n'empêche personne de dormir (à part peut-être quelques fans de Tom Petty). Mais quoi qu'il en soit, je remercie quand même les Sadies de donner la réponse avec New Seasons, leur récent album.

Au cas, trop probable, où vous auriez du mal à situer les Sadies, disons que ce quatuor canadien trop méconnu est sans doute le meilleur groupe de country-rock de ces dernières décennies. Carrément. Une bande virtuoses qui ne se la pètent pas et se montrent tout aussi à l'aise dans le surf, le psyché, le garage ou le rockabilly, en ne se privant pas pour mixer tous ces styles en un seul - immédiatement reconnaissable.

Neko Case, Jon Langford (des Mekons) ou Heavy Trash (Jon Spencer et Matt Verta-Ray) ne s'y sont pas trompés, en ne manquant pas une occasion de les engager en backing-band de luxe.

Au départ très porté sur les intrumentaux, les bien-nommés frangins Good, Dallas et Travis, ont avec le temps développé un sens des harmonies vocales tout fraternel, qui complète à merveille leurs entrelacs de guitares twangy. Si l'on ajoute que la rythmique, souvent ternaire, swingue tout en fluidité, et que les compos subtiles de New Seasons volent aussi haut que l'exécution, on tient là quelque chose comme le meilleur album des Oyseaux depuis au moins la moitié studio d'Untitled, voire Notorious Byrd Brothers, sans qu'on ait envie de crier au plagiat. Un miracle ? Je ne vous le fais pas dire. Et si l'album n'est pas forcément facile à dénicher en France, il est disponible par exemple sur iTunes.

Un petit passage sur le site de l'excellent label Yep-Roc (Apples in Stereo, Robyn Hitchcock, Heavy Trash, Fleshtones, Los Straitjackets, etc.) vous en dira plus, sans oublier leur propre page www.thesadies.net

20 novembre 2007

Demain, j'enlève le bas

Déjà, quand j’ai vu la pochette, je me suis dit « Mais qu’il lui prend ? ». J’aime plutôt bien Brisa Roché. Son précédent album, The Chase, m’avait tapé dans l’oreille, frais et chaleureux à la fois. Même si Takes, le nouveau, est un cran en deçà, il reste recommandable. J’ai juste, décidément, ce problème avec la photo. Qui ne s’est pas arrangé en la voyant placardée en affichette partout dans Paris. Désolé, mais je ne trouve pas Brisa, toute rose en culotte blanche, topless, la poitrine dissimulée par un chapelet de micro, très à son avantage. Ni évocatrice de l’ambiance du studio, auquel le titre de l’album (“prises”, au sens de différentes prises d’un morceau), le fameux cache-nichons et le casque sur la tête font allusion.

Alors, quelle est l’idée ? Bonne question. Surtout que l’on constate une mini-épidémie de chanteuses ayant tombé le haut. En regardant Claire Diterzi, mi-amazone, mi-Diane chasseresse, je me demande s’il ne s’agit pas tout simplement d’une bonne remontée, toujours bienvenue, de féminisme. D’incarner une icône féminine forte, disposant de son corps comme elle l’entend. Ce que fait également, de son côté, une Beth Ditto, en posant nue en une du New Musical Express.

A moins qu’il ne s’agisse d’un petit effet poétique, comme dans le cas du dernier Pauline Croze, avec plumes qui volettent et demi-sourire de Joconde.


Une récidiviste, au demeurant. Quoique dans un ton très différent, puisqu’elle arborait un air carrément bravache et provocant sur son coup d’essai.

Mademoiselle K, elle, nous tourne le dos. Pudique, ou juste prise au dépourvu ? Après tout, la miss tourne énormément et ne ménage pas son énergie ni sa sueur. De là à penser qu’elle s’est retrouvée sans le moindre top de propre, ni le temps de passer au H&M le plus proche, au moment de poser, il n’y a qu’un pas. Le vieux coup du « Chéri, je n’ai plus rien à me mettre »…

J’ose à peine émettre une dernière hypothèse. Le dernier avatar de la crise du disque ? Si je ne peux croire que ces chanteuses de têtes aient pu être poussées à se dénuder partiellement par leurs label-managers (contrairement aux bimbos, qui misent tout sur leur sex-appeal), c’est peut-être juste qu’elles ne gagnent même plus de quoi assurer leur budget fringues. Ce qu'on peut appeler le dénuement des intermittents du spectacle…

19 novembre 2007

Cadavre exquis


Si le propre du songwriter rock est d’étaler ses tripes sur la table, en prenant l’auditeur, ravi, comme confident (de ses tourments, de préférence, pour l’école romantique, ou de ses coups de sang et de colère contre cette trop injuste société, pour l’école enragée/engagée), il n’est pas interdit de chérir les francs-tireurs qui préfèrent mettre l’imagination au pouvoir.

Comme les Fiery Furnaces, au hasard. Hasard qui, justement, est un des grands moteurs du processus créatif, ainsi que l’explique Matt Friedberger dans un passionnant article du Village Voice, paru il y a quelques semaines. Très proche du surréalisme, il décrit de façon très précise comment il s’inspire de détails qui lui tombent sous le regard pour laisser vagabonder son imagination, sans se censurer, dans une forme d’écriture automatique, la mise en forme n’intervenant que bien plus tard – en prenant en compte ce qui pourrait être amusant à chanter pour Eleanor, notamment. Une méthode qui explique sa productivité – environ 300 chansons par an dont la plupart ne son jamais enregistrées –, mais aussi le côté “irrationnel” de bon nombre de leurs textes – par ailleurs très narratifs. Ce côté qui irrite bon nombre de gens, qui aiment pouvoir attribuer un sens précis aux paroles de chansons – comme David Lynch peut rendre chèvre les cartésiens.

A titre d’illustration, j’ai tenté – maladroitement et modestement, car certains double sens et jeux de mot sont impossibles à restituer – de traduire les quatre première chansons de Widow City, leur récent album. Ce qui correspond à la première face de la version vinyle, WC (les initiales amusent Matt) étant justement conçu comme un double album à l’ancienne, dont chaque face est structurée comme une mini-suite avec un morceau long et complexe en ouverture, suivi d’un enchaînement de trois chansons plus linéaires.


LE JURY D’ACCUSATION DE PHILADELPHIE
Il n’y a plus de faveurs à demander ;
Plus de pétitions à faire circuler ;
Tout est désormais entre les mains - tout est entre les mains
Du jury d’accusation de Philadelphie.
Pas possible de tomber sur des enfoirés plus corrompus.

Assurez-vous qu’ils aient bien enregistré mon testament.
Assurez-vous que maman ne regarde pas le journal.
On sait déjà – aucun suspense
Que le jury d’accusation de Philadelphie me passe le nœud coulant autour du cou.

Pas possible de tomber sur des enfoirés plus corrompus.


LES DUPLEX DES MORTS
Je suis descendue dans les duplex des morts
Où les volets sont tirés et les ombres closes,
A moins de connaître le mot magique
(Rarement prononcé mais souvent entendu.)
Mordez-vous les lèvres et tournez trois fois sur vous-même !

Pendant notre lune de miel,
Mon mari est resté assis,
Avec une lueur dans l’œil et un stylo dans la main gauche.
Il a écrit le mot magique sur le vernis.
(Rarement vu et jamais entendu.)
Il m’a fait taire puis s’est affaissé en arrière, profondément endormi.

Je me suis mise à bougonner, assise au soleil près du porte-parapluies.
J’ai eu toutes sortes d’exigences déraisonnables,
Je me suis couvert la tête et je me suis rendue à la piscine du bureau
Je me suis inclinée, déférente, une mule ressemelée
Et j’ai demandé aux émanations de chlore si elles avaient quelque chose à mentionner


MARI AUTOMATIQUE
Merci de demander.
Oui, c’est vrai, nous vous attendions.
Nous vous attendions.
Persuadez votre mari qu’il devrait rester à notre disposition aujourd’hui et notez tout ce que nous disons
Sur le nouvel assistant du bus de ramassage scolaire qui s’est fait moucharder, à laisser sept enfants endormis sur leur siège, dans une transe provoquée par la climatisation.

Alors je suis remontée dans notre chambre
Et j’ai dit à mon mari de s’asseoir sur la table basse
Et que ses paupières se faisaient lourdes
Et quand il s’est endormi j’ai remis le stylo dans sa main gauche.

Aux phases 8 et 31 les Quatre Facultés sont accomplies, mais les Principes sont nombreux.
L’année solaire, si on regarde, est comme l’évêque dans le ruisseau, selon ce livre
Ecrit par le nouvel assistant du bus de ramassage scolaire qui s’est fait moucharder, à laisser sept enfants endormis sur leur siège, dans une transe provoquée par la climatisation.

Et n’oubliez pas la carte imaginaire
Des Manifestations d’Assassinats
En possession du bureau des pompes funèbres
(Egalement connu sous le nom des Esthéticiens Cadavériques)
Son numéro de téléphone local répond autant qu’un clou de porte dans le menton d’une pauvre souris de sacristie.
Ou du moins c’est ce que prétend le thème astral de naissance que j’ai fait rapatrier du Mexique.
Il a été calculé par une commission spéciale d’entraîneurs de basketball navajos et de blondes.


EX-GOUROU
Une de ces blondes exerçait une certaine emprise sur moi.
Je me suis rendue à tous ses séminaires à proximité de l’aéroport, à l’Arbre Double.
Je lui même permis d’utiliser gratuitement l’hydravion de mon neveu aux Bahamas.
Mais elle n’est plus rien pour moi.
Je me le répète tous les jours :
Elle n’est plus rien pour moi.
Je me le répète chaque jour que Dieu fait,
Je suis tout à fait convaincue que j’ai échappé à son emprise.

J’ai brûlé tous mes vêtements au jus d’eucalyptus ;
J’ai arraché tous les planchers et repeint les tribunes couleur puce;
Et j’ai été jusqu’à sacrifier un deuxième serpent à Zeus,
Par conséquent elle n’est plus rien pour moi
Je me le répète tous les jours.
Elle n’est plus rien pour moi
Je me le répète chaque jour que Dieu fait,
Je suis toujours convaincue que j’ai échappé à son emprise.
Mais quand elle se morfond au clair de Lune sur sa mesa, au mois de mars
Explose-t-elle comme l’orage
Quand elle pense à ma trahison ?

Elle n’est plus rien pour moi.
Elle n’est plus rien pour moi.


Pour retrouver les paroles originales, rendez-vous sur le très distrayant site officiel du groupe.

16 novembre 2007

Fun House



Des mots… plein de mots, des bouts de phrases extraits de leurs chansons qui se chevauchent et se télescopent, c’est ce qu’ont choisi les Fiery Furnaces pour remplir leur rideau de fond de scène. Un choix tout sauf innocent, quand on connaît la propension de Matt Friedberger à imaginer moult histoires abracadabrantesques remplies de noms de lieux et de personnes et de références ésotérico-ludiques. Et tout autant, comme on a encore pu encore le constater hier soir au Nouveau Casino, quand on connaît la capacité des Brooklyniens (d’adoption) à recombiner les chansons de leur foisonnant répertoire (6 CD en 5 ans, plus le double solo de Matt !), en les réinventant au passage.

Autant dire que même avec un personnel inchangé par rapport à leur dernier passage dans le même lieu, il y a 18 mois, tout est transformé. D’abord, cette fois, l’aîné des Friedberger est aux claviers (orgue, piano et synthé, triturés aux pédales d’effets) et ne chante quasiment pas, laissant Eleanor (qui ressemble de plus en plus à Karen Carpenter, avec sa mèche dans les yeux) se dépêtrer avec une grâce infinie des acrobatiques tartines que son frangin lui met en bouche. Et puis, naturellement, cette fois, c’est Widow City, le nouvel album, qui structure le set, où s’incorporent organiquement les chansons plus anciennes. Même quand on connaît tous leurs albums par cœur, l’effet live est bluffant, tant la profusion de thèmes a de quoi donner le tournis. Et si, après tout, les Fiery Furnaces sur scène étaient un genre de parc d’attractions ? Quelque part entre roller-coaster en folie (brusques virages, doubles loopings, vrilles inattendues), fun house (miroirs déformants, escaliers instables, courants d’air) et maison hantée (passages secrets entre les différents thèmes et albums, intervention du surnaturel). Quelque chose de très physique aussi, grâce à l’impact du tandem rythmique Jason Loewenstein (basse, ex-Sebadoh)-Bob d’Amico (batterie).

Bref, une expérience unique. Et multidimensionnelle. Normal. Les Fiery Furnaces ne font jamais rien comme tout le monde. Ce qui leur vaut sans doute d’être un des groupes les plus controversés de la décennie. Sur qui je ne me priverai pas de revenir. Après tout, si leur musique se mérite, exigeant de l’auditeur un effort (d’attention, au moins) réel pour en saisir la substance, en faire l’exégèse est ensuite un plaisir. Qui a déjà nourri maint autres blogs. Pourquoi s'en priver ?

14 novembre 2007

Le Ciel et l’Enfer


Unless It's Kicks

Pas question pour moi de rater Okkervil River hier à la Cigale. Même en lever de torchon de Vic Chesnutt, dont je n’ai pas la carte du fan-club tatouée sur le front.
Et c’est peu dire que je n’ai pas été déçu. Même s’ils n’ont pas joué mes deux chansons favorites de The Stage Names, leur dernier album (“A Girl In Port” et “John Allyn Smith Sails”), ils ont déclenché une tempête passionnelle et émotionnelle de force 12, Will Sheff en tête, abandonné, le regard vague (myopie carabinée oblige). Pas étonnant qu’au terme d’un strip-tease qui l’a vu se dépouiller au fil du set de son costume-cravate dépenaillé, le chanteur habité ait fini en t-shirt à l’effigie de Jacques Brel (même si c’est du Gainsbourg que le sextet aura repris pour l’occasion). Honoré de jouer à la même affiche que Vic Chesnutt, Will nous dira que son sound-check lui avait donné l’impression que les portes du Ciel s’ouvraient, ou plutôt d’un Ciel mêlé à l’Enfer. Ce qui peut aussi s’appliquer à Okkervil River, qui mélange dans ses passions destructrices et splendeur musicale.

Mais moins quand même, c’est vrai, qu’à Vic Chesnutt. Un sacré amoché de la vie, paraplégique depuis son adolescence, rescapé de plusieurs tentatives de suicides et du fond de la bouteille. Fan de Nina Simone (dont il reprend “Fodder On Her Wings”), sa voix rugueuse, s’échappant parfois en apesanteur, a trouvé écrin à sa mesure avec certains des musiciens de Silver Mt. Zion et Guy Piccioto. Ce dernier renouant ainsi, en quelque sorte, avec l’emo dans son sens originel, dont il fut l’initiateur au milieu des années 80 au sein de Rites Of Spring. Il aurait vraiment fallu avoir un cœur de pierre (et les oreilles bouchées) pour ne pas être touché par ce dialogue, entre absolu respect et grandes envolées soniques, entre musiciens d’horizons différents, débouchant notamment sur une bouleversante relecture de “Ruby Tuesday”.

Quelques vidéos live supplémentaires d’Okkervil River



Westfall


A King And A Queen


Setlist (de mémoire)

Plus Ones
A Hand To Take Hold Of The Scene
The Latest Toughs
I Just Came To Tell You That I'M Going (Je Suis Venu te Dire Que Je M'En Vais)
Unless It's KicksAssocier
A King And A Queen
You Can't Hold The Hand Of A Rock And Roll Man
So Come Back, I Am Waiting
Our Life Is Not A Movie Or Maybe
For Real
Westfall

PS Et tant qu'on y est, profitez donc de leur toute récente Daytrotter Session, avec trois reprises inédites de Carole King, Jimmy Webb et John Phillips, et une version skiffle de “You Can't Hold The Hand Of A Rock And Roll Man”, à écouter et télécharger.

13 novembre 2007

We’ve got a fuzzbox…


Bonne nouvelle : les Raveonettes ont retrouvé leur pédale de distorsion. Et, avec elle, la magie de Whip It On (en la mineur) et Chain Gang Of Love (en la majeur), envolée en même temps que leur son se nettoyait sur Pretty In Black (en bof majeur). Un album dont les premiers accords étaient ceux de « Mull Of Kintyre », c’est dire.

Ce que j’aime chez ce duo danois, c’est qu’on est entre fans. Pas de mystère ni de chichis, Sharin et Sune ont, grosso modo, les goûts de tout amateur de rock un peu cultivé, de Buddy Holly à Jesus & Mary Chain en passant par les mini-symphonies spectoriennes, les Everly Brothers, le Velvet ou Suicide. Et leur talent particulier est de synthétiser tout ça en une musique qui ne ressemble pas au monstre de Frankenstein, mais bien à une création harmonieuse.

Loin de s’épuiser, la formule se régénère sur Lust Lust Lust. C’est que, comme l’indique le titre, la blonde et le brun ont le feu aux fesses, jusqu’à ne plus arriver à séparer leurs voix. Ne comptez pas sur moi pour leur jeter des seaux d’eau…

Lust Lust Lust (Fierce Panda)
http://myspace.com/theraveonettes

9 novembre 2007

Ailleursland

Si j’étais moins feignant, je passerais plus de temps à écrire ce blog, au lieu de lire (et d’intervenir sur) ceux des autres.

Mais comme je n’ai pas un si mauvais fond, le moins que je puisse faire ici est au moins de faire profiter de mes trouvailles.

Pour rester du côté de Sleater-Kinney, épinglé hier, Carrie Brownstein, la brune guitariste (plutôt lead, mais les entrelacs de six-cordes étaient une des marques de fabrique du groupe) et chanteuse (plutôt deuxième voix, mais les chevauchements de cordes vocales, etc.) tient un nouveau blog depuis le début de la semaine, Monitor Mix. Le thème : essentiellement des réflexions sur la musique, la façon dont elle est reçue, jouée, sans avoir peur des digressions. Le ton et les questions soulevés sont pertinents (par exemple, pourquoi a-t-on tendance à négliger les artistes les plus importants qui vous ont forgé le goût ?), et Carrie ne censure pas les (très nombreux) commentaires et réponses et. La preuve ? Dans son entrée sur l’affectation, elle m’a laissé citer en illustration les groupes qui se mettent en indeterminate hiatus.

Plus près de chez nous, l’excellent Philippe Dumez, dont je ne saurais trop vous recommander la lecture quotidienne de I Wanna Be Your Blog (en tête de mes liens), est le récent initiateur de Ween Will Rock You, consacré aux faux frères Dean et Gene. Même si, comme moi, vous avez du mal à vous laisser entièrement convaincre par La Cucaracha, leur petit dernier, vous pourrez y découvrir, notamment, de brillantes (quoique un peu hermétiques) exégèses de l’inimitable Pacôme Thiellement.

Et pour finir en musique, un petit tour du côté de nyctaper. Non, ce n’est pas une insulte, ça signifie juste l’enregistreur de New York… Un homme de bien qui, non content de fréquenter les concerts (Fiery Furnaces, of Montreal, Wilco, Richard Thompson, Dinosaur Jr, mais aussi Björk, nul n’est parfait), en ramène des captures audio d’excellente qualité avec son petit équipement personnel. Merci à lui!

8 novembre 2007

Novlangue

Ça devient une épidémie. Tenez, pas plus tard qu’hier, la nouvelle est tombée : Electrelane se met en « indefinite hiatus » (sic), soit, en bon français, en pause illimitée ou en interruption indéfinie, dès qu’elles ont fini leur actuelle tournée (qui passe en France du 19 au 24, c’est le moment ou jamais…). L’année dernière, c’était Sleater-Kinney et, un peu avant, le (Jon Spencer) Blues Explosion.

Qu’est-ce que c’est que cette manie ? Bon, qu’un certain nombre de mes groupes favoris se séparent, je veux bien. Ou plutôt, non, je ne veux pas, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix. Mais alors, au moins, les gars (et les filles), ayez le courage de le dire, que vous vous séparez. Un split est un split, inutile de vous abriter derrière une formulation politiquement correcte à la con. Tiens, ça me fait penser à ces couples qui se séparent « à l’essai ». Ça ne rime à rien. On se sépare ou pas. Quitte à se remettre ensemble.

Si vous voulez qu’on évite de se moquer de vous le jour de la reformation, c’est raté. Pour le coup, c’est tout de suite qu’on rigole. Jaune, d’accord. Mais quand même. Là, ça vous donne un petit air centriste mi-chèvre mi-chou pas très rock’n’roll.