15 décembre 2008

Malheur aux barbus

D'habitude, à cette période de l'année, comme tout un chacun, j'aime bien faire ma liste des plaisirs de l'année écoulée. Ou, plus précisément, établir ma sélection d'albums. Mais pas cette fois.

Pourquoi ? Parce que 2008 m'a ennuyé, globalement, voilà. Pas de grande révélation en ce qui me concerne. Pas de flash. Rien que je me sois pris dans la gueule.

Je sens tout de suite la brigade conformiste du bon goût - disons, ceux à qui La Blogothèque sert d'infaillible boussole - prête à me tomber dessus : quoi ? Et Fleet Foxes, alors ? Et bon Iver, hein ? Et Department Of Eagles, c'est du pipi de chat, peut-être ?

Heu, bien, non. Je sais. Ces garçons sont éminemment respectables. Ont toutes les bonnes références. De l'intelligence. De la sensibilité. Et tout. Et tout. Je peux même leur reconnaître du talent. Et éprouver du plaisir à les écouter.

Mais quand même, à force, toutes ces barbasses (Dep. of Eag. sont glabres, je sais, mais ils l'ont sous la peau, leur barbasse), toutes ces chemises à carreaux ou t-shirts avachis, ça me donne des envies féroces d'électricité. D'énergie sexuelle. D'insolence et de fraîcheur.

En fait, tout ça, c'est une question de contexte. Quand on nous bassinait avec les groupes en The produits en batterie, je les aurais accueillis comme le messie, nos barbus. Mais là, avec cette emprise insolente sur le paysage musical, ils me donnent envie d'invoquer un nouveau retour du rock. Mais pas trop érudit, pas trop référencé, merci.

Sinon, ça va vite être rasoir, cette affaire.

Photos : Christoph ! (Bon Iver), Justin Vernon/Jagjaguwar (Bon Iver)

4 novembre 2008

Singer Songwriter


J'ai déjà salué les impressionnantes qualités de songwriter de Will Sheff, le leader et seul membre constant d'Okkervil River, à la sortie de The Stage Names, l'an passé. Et négligé de souligner, il y a quelques semaines, à quel point The Stand Ins, son successeur, prolongeait, approfondissait et répondait à cette réussite. En se mettant de nouveau dans la peau de personnages fictionnels ou réels (Jobriath, wannabe glam et mort du sida dans l'anonymat, la porn star suicidée Savannah, qui hantait déjà The Stage Names), Sheff multiplie les points de vue sur la célébrité, le show-biz et ceux qui s'y frottent, tissant une tapisserie cruelle, mordante et tendre. Le moins passionnant n'étant pas la façon dont il utilise la musique pour mettre en scène ces nouvelles pour les oreilles. "Pop Lie" est ainsi à la fois une merveilleuse chanson pop, une satire de celui qui la chante (lui-même ?), et une critique du phénomène pop.

Mais en revoyant Okkervil River hier, à l'Alhambra, ce qui m'a frappé avant tout, c'est l'impact émotionnel de Will, interprète passionné, presque possédé, et des cinq autres musiciens (dont une nouvelle guitariste multi-instrumentiste impressionnante, Lauren Gurgiolo), capables de toucher au grandiose sans jamais sombrer dans le pompeux. Si l'on veut jouer au jeu des analogies, ce serait un peu l'E Street Band qui aurait pris des leçons de sobriété chez The Band, et offrirait le lyrisme d'Arcade Fire en le dépouillant de son cirque. Schizophrène, le Sheff ? Non, juste passé maître dans la dialectique entre les contraires, un propos souvent sombre servi de façon lumineuse. Un peu statique et appliqué sur scène jusqu'ici, Okkervil a encore passé un cap. Je suis prêt à les suivre jusqu'au grand large.

Photo : ©senvalde sur Flicker



Découvrez Okkervil River!

29 octobre 2008

Party et partouze

Je n'irai pas chercher de point commun entre le Late Season Gathering initié par Coming Soon au Café de la Danse et le concert des Kills au Bataclan, qui se succédaient selon les hasards du calendrier. Je pourrais toujours jouer la paresseuse carte enfants du Velvet, qui marche au moins une fois sur deux pour tout ce que j'aime. Mais bon, là, c'est à peu près comme de comparer une sympathique soirée entre potes et un plan cul tout debout dans les chiottes. Pas le même genre de plaisir.

Si j'en juge d'après le toujours impeccable blog de Philippe Dumez (faut qu'on arrête de se renvoyer la balle, ça devient embarrassant), le second volet du rassemblement anneço-lugduno-parisiano-suédo-berlino-londonien (ouf !) s'est déroulé sur le mode "on prend les mêmes et on ne se répète pas". En ce lundi, c'est sur The Wave Pictures que sont braqués les projecteurs en première partie de soirée. Si je ne partage pas tout à fait l'enthousiasme de M. Dumez à leur égard (je vois plus en eux de solides artisans que le meilleur groupe du monde), le temps file vite alors que les copains vont et viennent sur scène : Freschard et Stanley Brinks (sourires, bière, saxo soprano et cigarettes), Lisa-Li Lund et les Coming Soon, par délégations ou au grand complet (ou presque, puisque Carolina Van Pelt avait un mot d'excuse). Ils sont ainsi jusqu'à 12 sur scène. Et lorsqu'Alex Banjo croise la guitare avec David Tattersall, c'est comme s'ils allaient chatouiller le fantôme de Television. La bonne humeur en prime.


Découvrez Coming Soon!


Quand, après une brève interruption, Coming Soon reprend le flambeau, c'est le changement dans la continuité. Les amis invités continuent à faire des apparitions, dans la plus parfaite décontraction, sans faire d'ombre aux initiateurs de la fête. Autour d'Howard Hugues, le grand escogriffe en Stetson à la gestuelle saccadée et à la voix de Gordon Gano baryton, qui fait office de chef de bande, chacun prend le micro (sans le monopoliser) pour ses compos : Billy le bassiste ("Private Tortures"), Alex (le délicieux "Broken Heart"), Ben ("New Territories"), sans oublier le "Big Boy" du petit Léo (batterie). Seule Mary Salomé n'a pas encore voix (autre que choriste) au chapitre, mais son rôle de coloriste, au marimba, glockenspiel, flûte ou clarinette, n'est pas celui d'une figurante. En quelques mois et beaucoup de concerts, la petite troupe n'a rien perdu de sa fraîcheur, tout en gagnant en assurance. Et les quelques nouvelles chansons interprétées donnent confiance pour le deuxième album. Coming Soon est bien parti pour être une jolie histoire qui dure. Comme le souvenir de ce rappel, une reprise du "I'm So Lonesome I Could Cry" de Hank Williams interprétée a cappella dans le public.


Le contraste ne pourrait être plus saisissant en découvrant, le lendemain, Naive New Beaters qui squatte déjà la scène du Bataclan. Un trio electro-rap branleur qui me fait me sentir très vieux, d'un coup. Et très con. Consterné devant cette mauvaise blague dissimulant sa vacuité musicale sous le second degré. Et confondu de voir une grosse majorité du public mordre à l'hameçon et avaler la ligne. Public il est vrai largement composé d'échappé(e)s des Rock'n'roll Fridays du Gibus et de minettes émoustillées par l'idylle de Jamie Hince et Kate Moss.

Mais peu importe. Il suffit que ledit Jamie et Alison Mosshart se retrouvent - de préférence sur les planches - pour que ça fasse des étincelles. Et qu'on oublie tout le reste. Peu importe que ces deux-là couchent ensemble ou pas, leur réunion met toujours le feu au bas-ventre. Ils ne sont plus collés l'un à l'autre pour oublier leur trac ? Tant mieux. Jamie, Perfecto et t-shirt marin, l'air crâne, semble oublier que l'électricité est censée s'arrêter dans sa vieille Höfner, comme électrocuté, à la manière de Wilko Johnson. Alison, lorsqu'elle ne tourne pas en rond comme une lionne en cage, feule comme une féline en chaleur, le visage caché sous sa crinière brune, le corps parcouru de frissons d'extase. C'est simple : s'il y a des musiques de baise, la musique des Kills est le sexe incarné. Dangereux. Vicieux. Moite. Ne comptez pas sur moi pour la set-list (puisant largement dans Midnight Boom, leur troisième et excellent album). Me restent surtout des flashes. Un "Kissy Kissy" qui sonne plus que jamais comme du Creedence déniaisé par Lou Reed dans une cabane du bayou. Un "Black Balloon" infiniment plus tendu et vibrant que sur disque. Un énergumène en costume de Bibioman (force rouge) sautant sur scène pour danser une minute avec le couple infernal mort de rire, du coup, et replongeant impeccablement dans le public pour surfer jusqu'au fond du Bataclan. Avec un timing parfait : le groupe jouait justement "Cheap And Cheerful", et son «I want you to be crazy 'coz you're boring baby when you're straight».

Cinquante minutes, et c'est déjà le rappel : une reprise, presque trop évidente, de "Pale Blue Eyes" du Velvet, interrompu le temps de vérifier qu'un évacué évanoui n'avait pas passé l'arme à gauche ; leur cover fétiche du "Dropout Boogie" de Captain Beefheart; et, en sandwich, "Cat Claw", l'une de leurs premières collaborations. «You want it, I got it.» Tout est dit.

Photos :
Keraoc (Coming Soon)
Paige K. Parsons (The Kills)



21 octobre 2008

L'invasion des profanateurs de sépulture



Je suis tombé dessus par hasard, hier, en écoutant Ruquier la radio. Déjà que j'étais pas fan de la Melua, mais là, j'ai vraiment envie qu'on la livre en pâture aux soudards russes dans sa Géorgie natale.

Pourquoi ? D'abord, c'est pas joli-joli de faire des duos virtuels avec des défuntes qui ne peuvent pas se défendre. Quoi qu'on pense d'Eva Cassidy, elle avait une bonne raison de reprendre "What A Wonderful World" en 1996, sur un tempo de marche funèbre. Elle se savait condamnée, et c'était son chant du cygne, un adieu à la vie qu'elle aimait. Et ce n'est pas de sa faute (enfin, pas entièrement) si miss Melua se revendique d'elle.

Mais le pire, c'est que l'insupportable frisottée se sent autorisée à en rajouter dans le registre doloriste par rapport à l'agonisante. Finissant de conforter haut la main son statut de chanteuse la plus maniérée du millénaire, registre "houlala, c'est que j'ai une sensibilité d'écorchée vive à fleur de peau, moi". Avec en fausse bonne excuse supplémentaire le fait que cette mascarade a été concoctée pour Noël 2007, au profit de la Croix-Rouge britannique.

Sauf que là, on est obligé de tirer sur l'ambulance. Ce qui a d'ailleurs été la réaction de Ruquier et ses chroniqueurs. Après avoir rappelé que Katie Melua, artiste Europe 1, se produisait le soir même au Zénith, ils ont arrêté le morceau en plein milieu, avec des commentaires genre «Aaaaargh, c'est trop insupportable, on dirait qu'elle va à un enterrement (sic), et c'est pas possible qu'elle ait autant l'air de s'emmerder». Fermez le ban ! Et autant pour la promo maison. Avec l'original par Louis Armstrong dans la foulée pour en remettre une couche.

La seule chose qui soulage, finalement, et même s'il n'y avait guère de risque, c'est que la pilleuse de tombe ne se soit pas attaquée à Joey Ramone...

16 octobre 2008

Pervers polymorphes

Of Montreal sur scène, c'est plus que jamais le grand magic circus et ses animaux gays. Au fil du show, rythmé par d'incessantes projections naïves, se succèdent de gros bouddhas dorés qui amènent Kevin Barnes, le Monsieur Loyal de la troupe, sur la piste, des mannequins vivants, un cochon, une girafe et un tigre, un roadie qui se fait couper les cheveux, ou le dieu Pan qui s'adonne à une orgie de fruits. Et encore n'est-ce que la version largement downsizée pour cette petite tournée européenne du grand Barnum américain, avec moult décors et largement plus d'acteurs/danseurs/performers et de costumes.

Un grand n'importe quoi rigolo et bricolo, passablement camp et dans la meilleure tradition arty déconnante d'Athens, Géorgie, patrie d'adoption d'of Montreal mais aussi, avant eux, des B-52's et du collectif Elephant 6.

Ce côté happening permanent n'est que la traduction visuelle de la voie empruntée par Kevin Barnes sur Skeletal Lamping, le tout nouvel album du groupe, joué dans sa quasi-intégralité, et conçu comme un kaléidoscope electro-disco-funko-psychédélique destiné à désorienter l'auditeur. On l'avait vu sortir de la dépression en adoptant un alter ego pervers polymorphe à la fin de Hissing Fauna, Are You The Destroyer, et c'est celui-ci - alias Georgie Fruit, quinquagénaire noir adepte des changements de sexe à répétition et musicien de funk - qui a pris le dessus. D'où une partouze de styles et de thèmes souvent éblouissante, parfois sans queue ni tête, et à l'occasion ennuyeuse, quand Kevin s'attarde dans des digressions bruitistes.

Pour mieux varier les plaisirs (et le son), pratiquement tout le groupe - enjoué et irréprochable, comme d'habitude - s'adonne plus que jamais à un échangisme forcené. Dottie Alexander, souriant petit pot à tabac en tutu, ne dédaigne pas de délaisser les claviers pour la Strat, Ahmed Gallab, afro et bandeau bleu, quitte parfois son kit pour une guitare ou une basse, Jamey Huggins virevolte entre deuxième kit, basse, synthé et guitare, et Kevin, toujours maquillé comme un camion volé, délaisse sa SG pour s'installer au piano le temps d'un touchant "Touched Something's Hallow", Bryan Poole à la guitare et Davey Pierce à la basse tenant la maison. Selon les besoins, il peut ainsi y avoir jusqu'à 4 guitares à la fois, ou deux basses, ou deux batteries.

Si, pendant une heure, la jouissance est sans mélange, la dernière demi-heure se fait quelque peu étouffe-chrétien, la faute à une set-list mal équilibrée, et qui plus est allégée par rapport aux shows américains de deux friandises plus anciennes (“Eros Erotic Tundra” et l'aérien "Disconnect The Dots") qui auraient allégé le menu.

Quant à la reprise finale de "Smells Like Teen Spirit", je l'ai interprétée comme un appel à l'usage du déodorant dans le public, hautement pue la sueur - oui, c'était mieux quand ça sentait la cigarette.

Lâcher le mot de déception serait un peu fort, mais il y a de cela, quand on se souvient de l'état de grâce de la bande, au Point Ephémère ou à la Maroquinerie. Et il n'y a même pas de cabas, de lanterne, de badge ou un simple vinyle (Skeletal Lamping est marketé sous 7 formes différentes) en vente pour se consoler. La prochaine fois, sans doute...

Skeletal Lamping est en streaming intégral sur le MySpace du groupe

14 octobre 2008

Encore une défaite du marxisme

Il y a 22 ans, c'était Peter Gabriel et Kate Bush, pardon, l'ange Gabriel et la fée Bush, qui s'associaient pour "Don't Give Up".

Et maintenant, c'est la Castafiore Björk qui invite Thom "Calimero" Yorke à faire le choriste pour "Nattura", bonne cause - je vous laisse deviner laquelle - à la clé.

La filiation parle d'elle-même, à une génération d'écart. Et démentit le vieux Karl, qui prétendait que quand l'histoire repasse les plats, c'est « la première fois comme tragédie, la seconde comme farce ». Là, à chaque fois, c'est comme si mon pire cauchemar se réalisait.

J'espère juste que, s'ils font des petits, il y aura quelqu'un pour les noyer à la naissance...

9 octobre 2008

Pourvu qu'elle soit rousse



Entre les rousses et moi, c'est une vraie histoire d'amour, de mes premiers émois à ma chère et tendre. Donc vous pensez si entre Jenny Lewis et moi, c'était plié d'avance.

Et pourtant, ce fut une longue suite de rendez-vous ratés. Sans excuse de ma part. Grâce aux Chroniques de Californie sur Canal Jimmy, au tournant du millénaire, j'avais repéré que Rilo Kiley, alors à ses débuts, vaudrait que j'y jette une oreille. Sans suite.

Je ne me suis vraiment réveillé qu'en écoutant, Rabbit Fur Coat, le premier album de Jenny (avec les Watson Twins). Un coup de cœur. Mais j'ai trouvé le moyen de les rater quand elles sont passées au Nouveau Casino.

Quelque peu déçu par Under the Blacklight, le dernier Rilo Kiley (j'ai rattrapé mon retard discographique entre-temps), je me suis abstenu. Et n'aurais pas été à la Maroquinerie en cette soirée du 8 octobre si mon excellent camarade Philippe Dumez (qui vous offre sa propre perspective sur son I wanna be your blog) ne m'avait heureusement signalé ce concert. Et invité. Qu'il en soit deux fois remercié.

Pour le reste, c'est Jenny que je remercierai. Radieuse sous son chapeau, en salopette en jean et t-shirt tye-dye, Miss Lewis a la joie de jouer communicative. Flanquée d'un bar-bar band glorifié (ce n'est pas une critique) qui a la touche de Stillwater, le groupe imaginaire du film Almost Famous, la flamboyante petite transforme la Maroquinerie en honky-tonk, aidée par une importante présence américaine dans la salle. Toute Acid Tongue, son nouvel album, y passe, plus quelques rescapées du précédent. Avec toujours du chien, un charme fou - Jenny a une voix de dragée au gingembre, où la douceur est toujours relevée par du piquant, proprement irrésistible - et, parfois, la grâce.

“Acid Tongue”, qu'elle interprète seule à la guitare sèche, les cinq musiciens rassemblés autour d'un micro confondant leurs voix en harmonies lumineuses, est beau à pleurer - d'ailleurs, de grosses larmes me coulent le long des joues à ce moment, embarrassant...


Lorsque, en duo avec son guitariste (et compagnon) Johnathan Rice, elle reprend en rappel “Love Hurts” des Everly Brothers, je réalise que la dernière fois que j'ai entendu cette chanson, c'était par Linda Ronstadt, la connexion, évidente, se fait : Jenny est l'héritière (certainement involontaire) de toutes ces chanteuses des canyons du début des années 70. Mêmes influences, résultat similaire, mais pas identique - question d'époque. Elle a bien l'aisance country-pop de Linda (mais avec plus de feeling) ou les qualités de songwriter d'une Carole King (voir “Godspeed”). La fraîcheur. Mais pas la naïveté (et moins de coke dans le nez, aussi, sans doute).

En sortant, je suis pressé d'aller dormir. Pour passer la nuit avec Jenny de mes rêves.

Jenny sur myspace

30 septembre 2008

Le seigneur des salauds

A la fin des années 70, mon groupe favori n’était pas Clash, Television ou les Ramones, pas plus que les Buzzcocks ou les Sex Pistols. Pas même Blondie ni les Jam, même si j’étais évidemment fan de tout ce joli monde. Non, ceux pour qui j’aurais traversé un océan à la nage si on m’avait dit qu’ils m’attendaient au bout (pour citer le début du premier titre de leur premier album), c’était les Only Ones.



Dans le meilleur des cas, on se souvient d’eux grâce à “Another Girl, Another Planet”, leur presque hit et vrai classique de 1978. Une des plus électrisantes intros de l’histoire du rock, entre autres (et ne mentionnez pas Blink 182, ou je mords. Jusqu’au sang. Et baise Madame votre mère avec une batte de base-ball. Par derrière. Et pourtant, je suis un gentil garçon, poli et tout. Bref, commencez pas !). En surface, une chanson d’amour passionnée et romantique. Plutôt hors sujet en plein déferlement punk. Mais aussi une ode à l’héroïne, la vraie muse de Peter Perrett (non, pas celui du “Zizi”, merci), le leader de ce groupe improbable, et sa perte annoncée, bien sûr.

Réunion improbable d’un junkie baudelairien en manteau de fourrure, épris de Dylan mais chantant plutôt comme un Lou Reed cockney, d’un guitar-hero psychédélique ressemblant vaguement à un Eno nourri au grain, d’un bassiste Ecossais ayant connu une gloire purement locale durant les sixties, et de l’ex-batteur de Spooky Tooth, les Only Ones ont eu pour tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. En général (le style, l’époque, l’endroit). Et dans les détails.

Leurs rares fans parisiens ont ainsi été servis. Je ne sais pas qui avait eu la riche idée de les programmer, lors d’un festival sponsorisé par une radio périphérique, à la même affiche que Shakin’ Street et les abominables Trust (ils paraît qu’ils scandent désormais “Fra-ter-ni-té” au lieu de “An-ti-so-cial”). Mais il ou elle aurait mérité le même sort que celui réservé à Peter Perrett, au milieu de la deuxième chanson : une cannette pleine dans la tronche… Lors de leur dernier passage au Palace, ils étaient bien programmés en têtes d’affiche. Mais, cette fois, tout le public – bien new wave, bien tête à claques – était venu pour Edith Nylon, en première partie. Pour tout vous dire, quand ils sont montés sur scène, j’étais au dernier rang. Le second.

Inutile de préciser qu’ils se sont séparés dans une indifférence quasi générale, en 1982. Avant d’acquérir au fil des années un petit statut culte. Qui a même valu à Peter Perrett sa biographie, Homme Fatale (sic) de Nina Antonia. Un édifiant petit volume qui dépeint son sujet sans fard – ou la chronique d’un joli gâchis. Si seulement cette lie d’humanité avait eu la bonne idée d’écouter ses propres paroles dans “The Beast”…

Reste d’eux trois excellents albums (un premier sans titre, Even Serpents Shine, leur chef-d’œuvre au noir, et Baby’s Got A Gun, un petit cran en dessous) qui devraient être dignement réédités l’an prochain, recommandés aux amateurs de poésie vénéneuse et de guitare venimeuse, et de multiples live et compilations (dont certaines composées d’inédits, comme Remains) pour les fidèles. Et même l’espoir (enfin, la crainte) de les revoir en France, puisqu’ils se sont reformés en 2007. Et qu’ils réussissent à faire encore pire que les Stooges au niveau de l’album post-scriptum comme une verrue sur le nez de Poison Ivy (ça sied bien à Lemmy, en revanche).

En fait, je ne peux plus penser au leader des Only Ones sans me rappeler les mots de Carl Barat, qui l’avait côtoyé à l’époque des Libertines – Pete Doherty avait insisté pour qu’il réinterprète “Another Girl…” en leur compagnie – : « Tout ce qui l’intéressait, c’était de récupérer ses cinquante livres à la fin du concert pour s’acheter du crack. Tu as vu le Seigneur des Anneaux ? Eh bien, Peter Perrett, c’est Gollum. »

26 septembre 2008

Bond pour le service


La chanson de générique pour James Bond, c'est un genre en soi, avec ses règles. Un peu comme la chanson Eurovision, avant le déplorable laisser-aller de ces dernières années (ou décennies, pour les thèmes de 007).

N'empêche, le genre, avec ses figures imposées (accords suspendus pour créer le mystère, orchestrations majestueuses et cuivrées), a connu de franches réussites. Comme "Goldfinger", interprété par Dame Shirley Bassey (musique de John Barry, l'auteur du fameux thème pour guitare électrique, et premier époux de Jane Birkin - la reprise de Magazine n'était pas mal non plus), ou "Live And Let Die", une des meilleures chansons de Wings, ce qui n'est pas rien (avec son break nerveux qui servait de générique à L'Heure de vérité). Voire "A View To A Kill" des affreux Duran Duran, mais ça ne regarde que moi.

La dernière réussite en date est toute fraiche, et signée Jack White. Le leader des White Stripes et protagoniste des Raconteurs, loin de se montrer gêné aux entournures par la commande, prend un malin plaisir à honorer le cahier des charges tout en tirant tout naturellement "Another Way To Die" vers son terrain de jeu - batterie hénaurme à la Meg, phrases de piano sui generis, riffs de cuivres rappelant les derniers White Stripes et Raconteurs, et bref solo de guitare façon chat étranglé par la pédale d'octave, son arme secrète. Alicia Keys se révèle là une partenaire plus que pertinente pour un duo à haute tension sexuelle (vous savez, le genre de truc qui rend les Kills si bandants). Sûr qu'à faire affaire comme ça avec un Mr White, la mignonne ne va pas arranger son cas auprès des brothers les plus obtus, qui l'ont déjà taxée de racisme quand elle a affirmé qu'elle en avait marre de tous les crétins de Panurge qui croient cool de se conformer aux stéréotypes ghetto en se la jouant mac ou gangsta.

Autant dire que la course au singole de l'année semble jouée. Comme, pour moi, le titre de musicien mainstream de la décennie (précédents détenteurs : Beatles, Bowie, Prince et Beck).

PS : Si vous voulez vous délecter de la chose avec un son meilleur que sur ce clip aimablement concocté à la maison par un DailyMotioneur, c'est sur le site de Jack White que ça se passe....

25 septembre 2008

Vaches sacrées

J'ai beau être végétarien, je n'arrive pas à sacrifier au culte des vaches sacrées de la Chanson Française Rock (majuscules de majesté obligatoires), érigées en statues du Commandeur par leurs influents zélotes.

Je n'aurai pas l'inélégance de tirer sur l'ambulance Bashung. Mais remarque quand même qu'il n'est devenu inattaquable que depuis qu'il sort de beaux albums respectables (ouch) et ennuyeux comme un dimanche de pluie, un jour de panne de Wii.

Pour la peine, c'est Manset qui va trinquer. Je veux bien lui reconnaître des qualités d'arrangeur ("Chimène", déjà...). Mais je me souviens que dans les années 70, on pouvait me faire déguerpir en dégainant "La Mort d'Orion". Jamais pu me faire à son ton de Philippulus le prophète, tendance frigide, son sérieux ostentatoire, désolé. Et ce n'est pas parce que "Manitoba ne répond plus" a volé son titre à Hergé qu'auprès de moi, le vieux Gérard va continuer à faire tintin...

30 août 2008

Fidèle au rendez-vous

Depuis le temps qu'on l'annonçait à Paris, pour décevoir à chaque fois, on n'y croyait plus. Mais cette fois, la star était bien au rendez-vous : le soleil. Contrairement à Amy Winehouse, surprise surprise, qui a annulé sa venue, comme l'an dernier. Mais deux heures seulement avant qu'elle soit censée monter sur scène, et alors même que ses musiciens étaient là et le sound-check du matin effectué. Même pas envie d'épiloguer en tirant sur l'ambulance. Ça ne fait que trop longtemps qu'Amy est passée des pages culture aux pages people des magazines.

Sauf pour les inconditionnels, pas de quoi plomber entièrement la journée, d'autres s'étant plus que largement chargés de compenser.

A commencer par Louis XIV. Dieu sait pourquoi, j'étais persuadé qu'ils jouaient une sorte de pop chichiteuse. Leur nom, sans doute. Singulièrement mal porté, puisque ces Ricains bien portants et poilus de partout, mais ne dédaignant pas le port du costume 3-pièces, sacrifient plutôt au culte très seventies d'un boogie rock sévèrement burné, avec dérapage à l'occasion sur une sorte de power ballad en montagnes russes. Pissent peut-être pas très loin, les gars, mais dru et droit, et pas derrière les portes, comme à Versailles.

Plein de bonne volonté, je suis prêt à réserver le meilleur accueil à la blue-eyed soul de Jamie Lidell. Bizarrement, celui-ci juge prudent d'envoyer en éclaireurs son batteur et son claviers qui, manifestement ravi d'avoir acheté un nouveau synthé, se met en tête d'en essayer tous les sons, comme s'il était dans un magasin de musique à Pigalle. Au bout de dix minutes, découragé, je laisse tomber. Enfin, Jamie, quoi ? Tu es dans un putain de festival, avec un public qui n'est pas spécialement le tien à conquérir. Alors, les plans branlette, tu les gardes pour tes concerts à toi. Ou le jour où tu passeras en vedette sur la grande scène - et là, les gogos pourront s'extasier, 'tain, vachement audacieux... Mais c'est pas demain la veille, si tu continues comme ça.

Des qui ne font pas dans les préliminaires qui s'éternisent, en revanche, c'est le JSBX. Ou Jon Spencer Blues Explosion, si vous n'êtes pas intimes. Malgré trois ans de « hiatus indéfini » (sic), la complicité télépathique entre Jon Spencer (guitare japonaise écaillée trouvée dans une poubelle, voix d'Elvis en prêcheur fou éructant les « baybeuh » et autres « Ladies and gentlemen, the Blues Explosion », chemise bleu pétrole et pantalon en vinyle noir), Judah Bauer (Telecaster blonde, noire ou sunburst, plans de guitare vicieux qui sentent bon le bayou , bouc grisonnant et demi-sourire narquois) et Russell Simins (nounours frisé cognant ses fûts avec l'abandon du batteur du Muppet Show) demeure intacte, et huit morceaux sont enchaînés d'un hochement de tête ou d'un signe imperceptible, sans set-list préétablie, avant d'avoir eu le temps de faire ouf. L'expérience est du même ordre que de dévaler un col dans un 38 tonnes avec un chauffeur psychotique sous speed, moteur coupé et freins HS : ça passe ou ça casse... et ça passe. On en ressort secoué, exténué par la décharge d'adrénaline et ravi de l'expérience. A peine a-t-on le temps au passage de remarquer que les New-Yorkais ont joué "Wail" ou "Wanna Make It Alright", les chansons (si l'on peut dire) important peu. Le JSBX ne tente plus de se canaliser, comme sur ses derniers albums, revenu à l'énergie primale de ses débuts. Pouvaient pas mieux résumer l'affaire qu'en concluant sur "Fuck Shit Up", et son mantra/motto « Make it fucked up ».

Pantelant, j'abandonne l'idée d'aller écouter les charmantes pop songs de la toute fraîche Kate Nash, que j'avais pourtant vraiment envie de découvrir live, craignant de ne pas être tout à fait réceptif. Une super tisane bio après une bonbonne de moonshine cul sec risque de paraître un peu insipide, dans le contexte.

Pas question, en revanche, de louper les Raconteurs, de Nashville, Tennesse, comme Jack White les présente. Que l'on considère Consolers Of The Lonely comme une relative déception (ou pas) importe peu, les Raconteurs sont avant tout un sacré groupe de scène. Je veux dire par là une chouette bande de copains sans maillon faible, où tout le monde s'écoute et réagit à ce que jouent les potes, au point qu'on ne sait plus nécessairement qui chante ou joue quoi, et qui sait prendre la tangente quand l'envie lui en prend, pour que le concert du jour ne ressemble ni à celui de la veille, ni à celui du lendemain. En fait, c'est un tout un grand pan de la musique populaire américaine qui est passé en revue, mine de rien, des stades seventies remplis par Led Zep (l'ouverture sur le morceau-titre du 2e album et ses riffs à tiroirs et tempo démultiplié) aux villes des pionniers où l'on danse le quadrille au son d'une crin-crin celtique ("Old Enough"), en passant par le vieux blues cochon (la reprise de "Keep It Clean", dédié à « tous les garçons et les filles, dont Amy Winehouse qui ne sera pas là ce soir », sans que personne ne réagisse), ou la musique de western un peu emphatique ("The Arrow And The Spur"). Quand, au bout de 70 minutes de concert, Brendan, Jack, Little Jack et Pat accordent un rappel nourri, on se doute bien de quelque chose. Et l'annonce officielle sur scène ne tarde pas : à 20 heures, l'agent d'Amy Winehouse a prévenu les organisateurs que sa protégée ne viendrait pas, sans donner plus d'explication (malade, apprendra-t-on le lendemain).

Certes, le festival n'est pas officiellement terminé - restent encore Justice, sur la scène de la Cascade, reporté de 45 minutes pour que le public des Raconteurs puisse en profiter, sans que leurs fans, qui sont là à l'heure prévue, en soient correctement informés, et The Streets, qui migre de la petite de l'Industrie à la Grande scène. Avec panache, me suis-je laissé dire, mais j'avoue être déjà reparti.

Bilan ? Quelques bons sets qui justifient le déplacement, un public pour qui un festival est souvent davantage une manifestation sociale que musicale, une organisation sans faille, une programmation variée, globalement correcte sans être affolante, avec peut-être quelques maladresses dans les horaires (les Black Kids en même temps que les Raconteurs, je ne crois pas être le seul à regretter d'avoir dû faire un choix)... et un gros pari perdu, qui laisse comme un petit goût d'inachevé.

29 août 2008

Bad day ?

Non. La première vrai journée de Rock en Seine 2008 (n'étant pas maso, j'ai poliment évité RATM), sous la grisaille, a connu quelques éclaircies musicales. A commencer par Apocalyptica, sur la Grande scène, en début d'après-midi. Rien de tel pour se réveiller que quatre grands chevelus Finlandais conjuguant leurs chères études de violoncelle et leur goût pour le metal. C'est crétin, d'accord, mais tellement jouissif de les voir headbanger en reprenant aussi bien "Enter Sandman" que "In The Hall Of The Mountain King" d'Edvard Grieg («notre premier musicien nordique de black metal», à dire avec l'accent guttural de rigueur).

La Finlande étant une terre de contraste, elle est aussi le pays d'origine (avec la France) d'Olivia, chanteuse et guitariste de The Dø. Sur scène, les légères réserves que pouvait encore susciter leur premier album s'envolent. Le duo (renforcé par un batteur puissant et subtil) justifie toute la hype qui l'entoure. Charme, grâce, énergie, sens de la dynamique et du contraste (de la dance au sludge), présence, originalité, voix flûtée de femme-enfant d'Olivia, une poignée de chansons mémorables ("At Last !", "On My Shoulders") : comme diraient les Anglo-Saxons, qu'y a-t-il là qu'on ne puisse pas aimer ?

Et R.E.M. ? Décidément sorti du coma qui m'avait fait me demander pourquoi j'avais pu être fan du quatuor d'Athens, il y a des lustres. A l'image de Peter Buck, qui accumulait la mauvaise graisse au fil des ans, le R.E.M. 2008 s'est débarrassé de sa surcharge pondérale de sérieux et semble à nouveau prêt à en découdre. Trop bien huilée, la machine, selon certains ? Pas d'accord ! La fluidité a toujours été une des qualités maîtresses des Athéniens (n'ont pas écouté les Byrds pour rien, à un âge impressionnable). Et, qu'ils revisitent des morceaux choisis de leur répertoire ("What's The Frequency Kenneth", "Drive", "Electrolite", "The One I Love", "Fall On Me", "Orange Crush", "It's The End Of The World", "Losing My Religion" et "Man On The Moon" en rappel) ou passent en revue Accelerate, leur enthousiasme et leur joie de jouer retrouvés font plaisir à entendre. Et à voir, avec un Michael Stipe rayonnant et une bonne utilisation des écrans vidéo.

Egalement vu ou aperçu, en vrac : Infadels, piétons. These New Puritans, sacrée bande d'anguleux restés coincés sur le néo post-punk circa 2003 - démodés. Serj Tankian, barbiche inchangée, toujours metal, mais ascendant pompier. Narrow Terence, fruit des amours entre Tom Waits et un violon tzigane. Dirty Pretty Things, juste sympa, plus en place que Babyshambles, mais avec de moins bonnes chansons. Kaiser Chiefs, gros succès, pour amateurs d'hymnes pour stades anglais, supporters avinés, et chanteur mouillant sa chemise jusqu'à aller chercher le cameraman à 30 mètres de la scène. Et Tricky, gros punch, mais donnant plus l'impression d'être un MC invité qu'un chef de bande - dommage.  

Pour finir, un petit jeu. C'est facile, ça ne coûte rien et ça ne rapporte pas plus. Saurez-vous rendre à chacun sa reprise ? En lice : Infadels, Hot Chip et Serj Tankian d'un côté, et de l'autre "Money Money Money"(Abba), "Nothing Compares 2 U" (Prince) et "Sweet Dreams (Are Made Of This)" (Eurythmics)...


27 août 2008

Lâche le pinceau...



... voilà Jack Ladder. Inconnu au bataillon en ce qui me concerne, et repéré grâce à Okkervil River. Pour accompagner la sortie de The Stand Ins (les remplaçants), Will Sheff a eu la bonne idée de demander à quelques-uns de ses musiciens favoris, rencontrés au cours des tournées, d'interpréter les chansons de l'album, à raison d'une nouveauté par jour sur son canal YouTube. Des musiciens qui ont pour nom Bon Iver, David Vandevelde, ou ce fameux Jack Ladder. Dont ce clip aussi simple que grâcieux, et la voix façon Antony (from the Johnsons) qui attraperait Bryan Ferry par derrière, me donnent envie d'entendre plus. Pas vous ?

31 juillet 2008

Summer Digest

Non, non, ce blog n'est pas mort. Juste mis entre parenthèses pour cause de boulot envahissant, puis de vacances besogneuses (le bureau de mon humble demeure a emprunté son code couleur aux White Stripes) ou pas (semaine idyllique entre amis en Haute-Provence, super merci aux Affreux, et très spéciale dédicace à JM, Caro et baby Margaux pour le cadeau d'anniv entre ciel et terre moult apprécié).

Bon, mais je ne suis pas là pour raconter ma vie. Et mes obsessions musicales, elles, ne connaissent pas ni parenthèses ni vacances.

Rien de mieux, donc, pour reprendre contact avec la réalité qu'une dose massive de Fiery Furnaces. J'ai eu la chance de commencer à apprivoiser Remember, leur copieux live (2 CD ou 3 LP, au choix), à sortir dans trois grosses semaines.



En général, avec le live, on sait où on met les pieds : effet madeleine garanti pour les fans avec, en prime, dans les bons cas, le petit supplément d'âme que peut apporter l'interaction entre le public et l'artiste. Evidemment, Matt et Eleanor ne mangent pas de ce pain-là. Trop facile, trop convenu. Eux qui ont l'habitude de revisiter différemment leur répertoire chaque soir (tempo, mélodies, structures, enchaînements, sonorités), avec des musiciens qui varient souvent autour des piliers (presque) fixes que sont le fidèle batteur Bob d'Amico et l'ex (mais pas que) Sebadoh Jason Loewenstein, à la basse, ou à la guitare, ont adopté la même démarche à la structure de ce disque live en forme de puzzle. Les versions sont empruntées à une multitude de dates, sur plusieurs années, avec diverses configurations du groupe, et une qualité sonore variable (mais généralement bonne). Les enregistrement "pirates" (les Furnaces n'ont rien contre) des fans ont d'ailleurs été mis à contribution, dont le fameux nyctaper (j'y reviendrai). Et, pour mieux brouiller les pistes, plus d'une chanson mêle différentes prises sur différentes dates, avec des personnels variés !

Frank Zappa l'avait déjà fait, certes, sauf que lui menait son monde à la baguette. Ce qui n'est pas le cas de Matt F. Et nous vaut quelques transitions aussi réjouissantes que décoiffantes.

Au bout du compte, Remember, même si les familiers du groupe connaissent les morceaux, est bel et bien un vrai nouvel album, aussi créatif et aventureux que les opus studios, qu'il faut du temps pour digérer. Plein de surprises et de contre-pieds, au risque d'un ou deux petits ratés à l'occasion ("Tropical Ice-Land" sort sérieusement cabossé de l'épreuve). Mais c'est là la rançon de l'aventure, et on l'acquitte volontiers.

Et ceux qui ne seraient pas rassasiés ont déjà le chapitre suivant de l'aventure (live) à se mettre dans les oreilles. L'irrépressible nyctaper a eu la bonne idée de capter leur concert du 17 juillet dernier à l'East River Park de New York. L'occasion parfaite de les découvrir dans une formation encore renouvelée : Eleanor et Matt (cheveux coupés, il ne ressemble plus à un éternel étudiant, mais à votre voisin de barbecue du dimanche, et renoue avec la guitare pour une moitié du show), Bob d'Amico, Annabelle Cazes alias Glockabelle au glockenspiel, et le percussioniste Michael Goodman (déjà compagnon de route quelques mois en 2006-2007) pour "remplacer" Jason, en villégiature estivale. A télécharger, au choix, directement en mp3, ou via un petit mail à nyctaper, en flac.

Sur ce, bonne digestion...

30 juin 2008

Syllogisme

Pensé à ça en zappant sur des images du concert pour la Terre à Reykjavik de la Gudmundsdottir, sur Euronews :
Björk est une artiste complète, qui contrôle tout ce qui concerne son expression.

Mais même ses fans les plus endurcis, pour peu qu'on les cuisine un peu, conviennent que pour se saper, la Castafiore épate-bobos a quand même un sacré gout de chiotte.

Par conséquent, il n'y a aucune raison que les autres aspects de son art ne soient pas aussi atroces. A commencer par sa musique, CQFD.

Des questions ?

24 juin 2008

Absolute beginner


Temporairement (je l'espère) brouillé avec la musique, qui ne parvient pas ces temps-ci à me titiller sérieusement la glande à plaisir, je suis ravi de pouvoir me tourner vers des domaines vierges pour moi, avec la naïveté et l'enthousiasme du débutant.

N'ayant jamais eu de PC (oui, je suis un snob du Mac) ni de console de jeu jusqu'à l'automne, j'en étais pratiquement resté à Tetris. Et puis, la Wii est entrée dans ma vie. Je laisse les gamers sérieux en rigoler, je m'en fiche, pour moi le mal est fait. Insidieux. Au début, un peu de Wii Sport entre amis. Puis Mario Party 8. Et Rayman et les lapins encore plus crétins, suivis des juste crétins. Sans oublier Guitar Hero, pour bourriner gaiement - les cheveux longs, c'est une attitude. Et la Wii Fit, sans laquelle je n'envisage plus de commencer la journée, pour une petite séance de mise en forme. Si le yoga n'est pas trop ma tasse de thé (je suis raide comme la justice, avec des muscles de laiton), je m'éclate bien à la boxe, et même au step. Et j'adore le côté tout nippon de la chose : la petite balance, charmante, vous parle, vous avez un magnifique déguisement de pingouin (un vrai, pas un tux) pour choper les poissons sur la banquise, et au jeu de foot où l'on soigne son jeu de tête, s'il ne faut pas rater le ballon, il faut en revanche éviter les godasses (normal), et surtout les têtes de panda (?!?!) qui vous sont balancées

Mais tout cela n'était rien par rapport à Mario Kart Wii. Je ne suis pas doué, mais ce n'est pas grave. Je m'éclate. Et je bûche. Je potasse les vidéos sur YouTube qui montrent où sont les raccourcis - les basiques et ceux qui nécessitent une cueillette de champignons sous peine de se montrer pénalisants, et même ceux réservés aux experts du dérapage super turbo dont je suis encore loin de faire partie.

Grâce aux sites spécialisés, je sais au moins ce qu'il faut faire pour débloquer personnages et véhicules, et j'en ai déjà quelques-uns à mon palmarès. Et je ne suis pas peu fier que mon Mii pose entre Mario et Daisy sur l'écran de récompense que j'ai pu sauvegarder. Uniquement sur la console, hélas, je n'ai pas encore trouvé le moyen, hormis une bête photo d'écran, de le faire passer sur les Interwebs. Mais bon, assez raconté ma vie pour aujourd'hui, j'ai du boulot. Qui va aller débloquer Skelerex, je vous le demande ?

20 juin 2008

Où y a Eugène...

Bizarrement, l'un des derniers milieux où l'eugénisme est encouragé, mieux, revendiqué, outre celui des nostalgiques du IIIe Reich, est celui des collectionneurs d'enregistrements pirates. Pas question pour eux de s'échanger autre chose que des fichiers flac (un format de compression non destructeur) de première génération, avec marqueurs génétiques et pedigree détaillé exigés, captés sur DAT (le Min-Disc n'est pas assez bon pou eux). Sinon, le risque est terrible - et insupportable de - je cite, “polluer le patrimoine génétique” (sic). Sonore, s'entend.
Le plus drôle, bien sûr, étant qu'un nombre non négligeable de ces enregistrements captés dans les règles l'art est quand même rigoureusement inaudible, pour toutes sortes de raisons (jam band testant la résistance de son auditoire, sono pourrie, spectateurs bavards à proximité)...

19 juin 2008

Coup de chance

Comme je le racontais la dernière fois, un des premiers albums que j’ai failli acheter était A Question Of Balance des Moody Blues. Je l’ai échappé belle ! Car si, en 68-69, les Anglais ont connu une sorte d’état de grâce, il s’est aussitôt dissipé. Justifiant les quolibets qui les ont accablés (non, je n’ai quand même pas poussé le vice jusqu’à jeter une oreille aux albums post-reformation, avec mullets et résidences à Las Vegas à la clé).

Histoire de me rincer les oreilles, et de me mettre en bouche avant leur double CD live annoncé pour août, Remember, j’ai profité de ce qu’un homme de bien avait posté la prestation des Fiery Funaces à Bonnaroo, le week-end dernier, pour me délecter encore une fois de la façon qu’ont les Brooklyno-Chicagoans de réinventer leur répertoire.
Pour ces dernières dates avant les vacances, ils ont eu la double bonne idée de mettre entre les pattes de Jason Loewenstein, fraîchement rentré d’un périple européen avec Sebadoh, une guitare plutôt qu’une basse, et d’inviter leur amie Annabelle Cazes, alias Glockabelle. Qui, comme son surnom l’indique, est une allumée du glockenspiel, dont elle joue avec un dé à coudre à chaque doigt (sauf le pouce) – quand, en guise d’intro à “Navy Nurse”, elle n’expédie pas la “Marche Turque” sur un mini Casio !


Infatigables, les Friedberger ont assuré dans la foulée un deuxième set totalement différent, paraît-il, sans Annabelle mais à deux guitares, l’alimentation des claviers de Matt étant déglinguée. Hélas, sans trace apparente sur les Interwebs…

Si vous avez envie de savoir comment les Fiery Furnaces avaient remplacé Jason, c’est encore une fois vers nyctaper qu’il faut se tourner, avec un show capturé en avril à Brooklyn. Et c’est assez savoureux. Plutôt intrigante sur le papier, leur collaboration avec Kyle Hollingsworth, clavier du jam band String Cheese Incident, a tenu ses promesses, dans un genre plus déconnant que prog (ouf !), avec pas mal de vieilles chansons dépoussiérées au menu.

Bref, tout cela me donne une furieuse envie de découvrir Remember. Qui, comme il se doit, ne sera pas un live “normal”, mais mélangera des chansons (ou fragments) extraits de concerts de différentes périodes. Déconstruction, quand tu nous tiens…

Quant au prochain disque studio, après vote des fans, il s’agira d’un album funky, dont les paroles seront inspirées par des tranches de vie de ces mêmes fans, brièvement résumées sur des feuilles remises à Matt à l’issue des concerts. La routine, en somme, pour un groupe de rock moyen…

Et pour en rester dans mes obsessions, Skeletal Lamping, le prochain of Montreal, conçu selon Kevin Barnes pour déjouer les attentes de l’auditeur, est attendu pour octobre, concert à l’Elysée-Montmartre le 15 en prime. Une visite tous les six mois, c’est une bonne moyenne, merci à eux.

13 juin 2008

Révisionnisme

Ce coup-ci, ça y est, c’est officiel : je suis atteint par l’andropause. À moins que ce ne soit la crise des cinquante ans.

Symptômes : pendant quelques jours, j’ai été persuadé que, tout bien considéré, Tokio Hotel était la réincarnation des New York Dolls. Non, je plaisante. En fait, je n’avais plus envie d’écouter de la musique. Rien. Peanuts. Mauvais signe, ça. Surtout que je n’avais pas vraiment envie de grand-chose d’autre non plus, à part jouer à Mario Kart sur la Wii.

Et puis, c’est passé. Mais c’est peut-être pire. Au lieu d’écouter d’excellents disques actuels dûment estampillés tels par les autorités compétentes (Philippe Dumez, la Blogothèque, Pitchfork, Télérama, heu, là, je m’égare), et que j’aime vraiment, comme le Bon Iver, voilà que je me tourne vers un groupe unanimement méprisé. Et que j’y retourne.

Jusqu’ici, d’ailleurs, je n’avais jamais – ou presque – prêté la moindre attention aux, ahem, Moody Blues. Puisque c’est d’eux qu’il s’agit. Le presque, c’est juste parce que, à 13 ans, un des premiers albums que j’ai failli acquérir était A Question Of Balance (j’aimais bien “Melancholy Man” qui passait sur Europe 1, façon plaisir coupable, parce que même si je n’en étais qu’à mes premiers émois rock, j’étais bien conscient du côté cruchon et fadasse de l’œuvrette. Nul n’est parfait). Il fallait bien passer une commande par trimestre sur le catalogue France Loisirs qui venait de se lancer. Mais c’est Led Zeppelin III qui l’emporta. Avec une pochette simple toute pourrie. Et sa deuxième face acoustique que je n’aimais pas, alors, pour cause d’allergie primaire – soignée depuis, merci – à la guitare en bois.

Mais bon, je l’avais échappé belle. Comme l’année d’après, en Écosse, où j’ai failli acheter Colosseum Live, alléché par sa sensationnelle pochette intérieure antistatique et dépoussiérante. Non, je n’invente pas. Coup de bol, il n’y en avait plus d’exemplaire. Ce qui m’évita de me retrouver avec une sombre daubasse de prog-rock jazzy, brâmée par l’insupportable collectionneur d’insignes nazis Chris Farlowe, que même alors j’avais du mal à supporter (c’était plutôt leur saxo dégarni qui m’impressionnait, et que je verrai des années plus tard accompagner, avec le premier guitariste de Thin Lizzy, un Bo Diddley – RIP – en sous-pull, ses bagages s’étant égarés !). Pour qui suivrait encore après toutes ces digressions, c’est l’Untitled des Byrds (deux disques pour le prix d’un, yeah !) qui remplaça avantageusement le Colosseum. Et fit de moi un gaga des Oyseaux pour la vie.

Sinon, jusqu’au mois de mai, je n’avais entendu, forcément, que le dégoulinant “Nights In White Satin” (moins bien que “A Whiter Shade Of Pale”, catégorie pour-emballer-dans-les-boums-même-si-on-est-un-grand-timide), et son pendant long jeu Days Of Future Passed, affreuse meringue chantilly noyée dans des intermèdes mélasses philharmoniques façon (très mauvaise) comédie musicale, que se plaisait parfois à dégainer – en 77 ! – un pote pervers polymorphe.

Comme dirait Johnny s’attaquant au Hamlet du Barde qui ne lui avait pourtant rien fait, je ne sais pas trop ce qui m’a poussé à m’égarer sur ce terrain peu fait pour m’attirer. Un vague soupçon que, peut-être, les Moodys de la fin des années 60 relèveraient autant du psychédélisme anglais dit de nursery que du prog-rock. Soupçon plus qu’avéré…


Ride My See Saw (live on TV au... Kremlin-Bicêtre, 1969)

Formés, comme tout le monde, à l’école du R&B (au sens anglais sixties, blues Chess et soul), les Brummies, comme tout le monde, se sont engouffrés dans le créneau psyché, après un temps d’hésitation. Mais avec un sérieux peu commun. Et une propension à tomber dans tous les panneaux qui réclame une certaine abnégation pour passer outre les défauts criants qui leur valent une réputation critique désastreuse.

Oui, ils sont banals à pleurer – le premier des groupes anonymes. Leurs pochettes sont unanimement laides à faire avorter une couvée de singes. Ah, et elles emballent de préférence des concept-albums, moins prétentieux d’ailleurs que désespérement naïfs. Le pompon étant atteint par les poèmes - heureusement brefs - que s’entête à déclamer Graeme Edge. Des poèmes de batteur, tout juste - pas vraiment pires que ceux d’Hawkwind, pour être honnête, mais ce n’est pas une raison. Et puis, pas de leader évident ou de point focal sur scène, ce qui renforce leur côté anonyme. Tout le monde compose, joue et chante, à égalité. Mais sans qu’il soit évident de distinguer qui écrit quoi, si on ne lit pas les crédits. D’autant que le club des cinq partage un certain goût pour le romantisme cucul.

Seulement, voilà, le revers a une sacrée médaille. Le temps, au moins, d’In Search Of The Lost Chord, On The Threshold Of A Dream, et To Our Children’s Children’s Children, les Moody Blues ont su avoir les qualités de leurs défauts. (Jusqu’à un certain point. Rien que de lire les titres donne envie de rire et/ou de fuir, et rien ne peut justifier les pochettes.) Il est difficile de nier qu’ils aient compté parmi les mélodistes les plus inspirés d’une époque où les concurrents étaient les Zombies d’Odessey & Oracle ou les Kinks de Village Green Preservation Society, avec des arrangements touchant parfois au génie de Forever Changes, et des harmonies vocales transcendantes qui compensent largement le manque de caractère de chacun. De l’avantage d’avoir une multitude de songwriters baignant dans une saine émulation plutôt que cherchant à tirer la couverture à eux. Et, sans être individuellement des instrumentistes surdoués, ce qui évite heureusement tout le côté démonstration technique éreintant du prog, leur somme dépasse largement le total des individualités. Avec des mentions spéciales, toutefois, à Justin Hayward, guitariste capables d’envolées nerveuses inattendues, et à Mike Pinder, grand gourou du Mellotron, le clavier le plus caractériel qui soit.

Bon, pas question de s’emballer non plus. Mais dans la catégorie des groupes mineurs, les Moody Blues ont été carrément plaisants à l'oreille (ah, tous les zigouigouis en stéréo). Bien plus réguliers que les Move, par exemple, leurs très inégaux collègues de Birmingham en perpétuelle quête d’identité, pourtant régulièrement réévalués. Ou, dans un genre, assez similaire, le Pink Floyd post-barrettien, bien en peine de pouvoir s’aligner question songwriting.

Mine de rien, les gaillards ont écrit (sans s'en douter) la plus parfaite B.O. qu'on puisse rêver pour une pub de banque rétro-baba, quarante ans plus tard, ultime compliment ou insulte.

Reste qu’une fois affalé, les orteils en éventail et le sourire aux lèvres, dans l’édredon sonore moelleux, euphorisant et suprêmement confortable des Moodys, on en arriverait à trouver moins ridicule leurs concepts, et à atteindre l’“Om” mind...

5 juin 2008

Guitar hero

En apparence, Stephen Malkmus n'a pas changé. Il affichait hier soir à la Maroquinerie son éternelle allure de grand dadais, casquette enfoncée sur les yeux et allure mi-provocante, mi-empruntée, le corps (offert de préférence de profil) en déséquilibre.

Le déséquilibre, ou plutôt l'équilibre fragile et toujours menacé, c'est aussi évidemment la caractéristique de la musique du bonhomme depuis les débuts de Pavement. Mais, tout bien considéré, je ne suis pas certain que la voie qui s'affirme au fil de sa trajectoire solo soit forcément la plus gratifiante pour le fan.

Et là, il me faut manger mon chapeau. Je me suis enthousiasmé aveuglément pour Real Emotional Trash, le dernier CD de SM et ses Jicks... avant de m'en lasser rapidement. Pas assez de chansons mémorables, trop de solos impressionnants le temps de quelques écoutes, mais sans mystères.

Et en concert, c'est un peu la même chose. Bien soutenu par les Jicks, SM est irréprochable, mais… bavard. Et ses longs morceaux, pourtant rythmés par des montées, accélérations et décélérations, finissent par se ressembler. Au risque de donner un bon concert, mais un peu linéaire, où l'on a l'impression qu'il ne se passe pas tant de choses. Peut-être, tout simplement, parce que Malkmus est un excellent guitariste, mais pas un guitariste magique.

Heureusement, le rappel sera agrémenté, pour le fun, d'un “Alright Alright Alright” (soit la reprise du "Et moi, et moi, et moi” de Dutronc via Mungo Jerry) où tout le monde se lâche vraiment, sur scène comme dans le public.

Reste comme une impression de s'être finalement davantage amusé avec les chansons délirantes et/ou autobiographiques du toujours excellent Jeffrey Lewis, en première partie (accompagné comme il se doit par son frangin Jack et Yaya Herman Düne).

Et l'idée qu'à tout prendre, la reformation de Pavement, qui semble s'annoncer pour 2009, ne serait pas si idiote…

22 mai 2008

Bonnes intentions

Dans mon juke-box mental, catégorie “chanson pour rendre hommage à un rocker disparu à 34 ans et que ça fait mal”, je n'aurais pas mis “Knockin' On Heaven's Door”. Beaucoup trop bateau pour un fan érudit de Dylan (et de Clash, et d'Elvis). Surtout dans une version Nouvelle Star – entre des reprises de Starmania ou de De Palmas. Mais mieux que quiconque, le Hellboy en chef savait que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Et aurait sans doute ri devant l'ironie de la chose.

Personnellement, je préfère garder d'autres souvenirs de Nikola Acin. Ceux de ses articles où transparaissait son humour décapant autant que son amour pour son sujet. Ou ceux de ses concerts dans des lieux improbables, il y a quelques années, bien avant qu'on parle de la "nouvelle scène rock parisienne" (grumpf), où il s'excusait toujours, sincèrement, de la mise en place approximative de son groupe, guère apparente à mes oreilles. Comme lorsque les Hellboys avaient fait la première partie des très graisseux Turbo AC's, dans l'arrière-salle d'un café louche au fin fond du XIXe.

Dans mon Wurlitzer mental, ce serait plutôt “Forever Young”.

May you build a ladder to the stars
And climb on every rung,
May you stay forever young,
Forever young, forever young,
May you stay forever young.

Bob Dylan

2 mai 2008

Chose promise...

... chose due. Fin décembre, j'avais promis d'arrêter jusqu'en 2008 avec of Montreal.

Eh ben voilà, c'est reparti pour un tour. Alors qu'une poignée de dates européennes étaient annoncées pour la semaine prochaine, Paris a été rajouté à l'agenda aujourd'hui même. La jour ? Le 8 mai. Le lieu ? Le Point Ephémère.

OK, on peut difficilement faire pire comme choix dans la date (?!?), en plein viaduc menant jusqu'au lundi de Pentecôte.

Ce sera l'occasion, pour une seule et unique fois, de dépoussiérer un slogan de mai 68 : "Nous ne partons pas en week-end".

28 mars 2008

Vous avez dit bizarre ?

De temps en temps, comme Beavis & Butt-Head face à Milli Vanilli, je me retrouve la mâchoire pendante devant un clip qui défie tout commentaire.
Et ça m'est arrivé l'autre soir, en zappant, devant le "Love Songs (They Kill Me)" de Cinema Bizarre. Dont voici la version longue.

Comme quoi, il n'y a pas que Tokio Hotel, en Allemagne, pour s'être approprié le visual kei. Preuve de goût ultime, nos jeunes marchands de mélasse épris de mangas (et de Nippons ayant détourné le look - mais pas la musique, hélas - des New York Dolls, via le Japan des débuts) vont même jusqu'à reprendre le "Spaceman" de Babylon Zoo. Là, c'est presque trop, dans le genre mise en abyme et überkitsch mêlés, mais bon.

Sans que ce soit vraiment la même chose, ça m'a rappelé le fameux (in english, infamous) d'Animo, scie eighties bien de chez nous. Mon goût pervers pour les groupes nazes mais lookés, sans doute. Et là, on était servis, entre le chanteur façon Alex d'Orange Mécanique égaré au Rose Bonbon, ou le guitariste à mullet et Ray-Ban aviateur miroirs.

J'avoue que «Les gigolos pressés qui se lèchent les bras» et autres «pingouins en papier mâché» me réjouissent toujours.

Comme j'ai de la suite dans les idées, je me suis demandé ce qu'était devenu le chanteur. Et, comme souvent, l'Interwebs m'a donné la réponse : Alain Magallon peint. Et plutôt pas mal, si on aime le pop-hyperréalisto-lyrico-queer, comme en atteste la partie galerie de son site.

Mais après tout, ses œuvres, c'est encore l'artiste qui en parle le mieux. Et comme c'est en anglais only, je laisse ce bon vieux Babel Fish assurer la traduction : «En tant qu'artiste, je me vois comme souple, expérimentant avec différentes techniques et modèles changeant d'abstrait à figuratif, grafism au hyperrealism. (...) Mon but est de créer une dualité ou le déséquilibre entre la pose "congelée" neoclassic théâtrale du modèle et de son association aux couleurs et la nature graphique du fond. (...) J'estime que mon travail est tout à fait organique et fluide en nature.»

21 mars 2008

Requiem pour un tofu



Evidemment, c'est sur Facebook même qu'une bonne âme m'a envoyé ce clip aussi réjouissant que circonstancié.

Donc, non, je ne suis pas le seul à m'être rapidement lassé du plus hype (j'adore comme le français s'approprie des mots anglo-saxons en les vidant de leur sens, par pure ignorance) des réseaux sociaux.

Pourquoi ? That is the question. Avec son corollaire. A quoi sert vraiment Facebook, si on n'en a pas un usage réellement utilitaire (trouver des plans fêtes et/ou cul, faire de la com professionnelle, ce genre) ?

A faire circuler des trucs plus ou moins drôles de façon plus efficace qu'en envoyant des mails.

L'EUROPE VUE PAR LES FRANÇAIS



Mais aussi à faire de vous, de façon généralement involontaire, un agent de spam - qui n'a jamais appuyé par erreur sur le lien "forward to all" en voulant juste avoir le résultat d'un quiz à la con ?

Les quiz et autres applications diverses (Vampires, Pirates, amis à vendre, coups à boire virtuels, et j'en passe quelques centaines, au bas mot) sont d'ailleurs ce qui distingue Facebook de, par exemple, MySpace ou Live Journal. A la fois sa force (on n'a rien trouver de mieux pour perdre son temps sur le Net) et son talon d'Achille (être sans cesse relancé pour ajouter l'application Adoptez un alien, ça use). Bref, on finit par développer ses défenses face à tout ce ludisme viral (quand il ne s'agit pas tout simplement de ces bonnes vieilles chaînes, où l'on prédit malheur à ceux qui les brisent et bonheur aux autres).

Mais finalement, tout cela est secondaire. L'essence de Facebook, c'est de transformer la planète en lycée virtuel. Où il s'agit de paraître cool. En affichant ses goûts, ses activités (forcément passionnantes), son état d'esprit du moment, en une phrase bien sentie, ou les groupes idiots auxquels on appartient (je ne suis pas particulièrement fier d'avoir lancé "qu'attend la France pour célébrer Festivus" ou d'avoir adhéré au "pour que Busty couche avec Pete Doherty").

Un beau jour, le charme s'est rompu. J'ai réalisé que je ne jetais que rarement un coup d'œil sur les pages de mes amis, et que la réciproque était forcément vraie. Et je me suis senti vaguement pathétique. De dépit, j'ai occis mon FluffFriend (un tofu à qui j'avais pourtant offert un intérieur design). Sans aller jusqu'à me désinscrire.

Et je suis retourné au monde réel. C'est que j'ai plein de chose à y faire. Ecrire ce blog. Ou jouer à Guitar Hero sur ma console Wii. C'est vrai, quoi, un karaoké maison où l'on cartonne avec une guitare en plastique sur des morceaux qui, pour la plupart, vous donneraient des éruptions de boutons et de violents vomissements si un petit plaisantin les chargeait dans votre iPod, ça a quand même une autre classe...

20 mars 2008

A bas la régression !



Putain, 40 ans, et il faut se fader la commémoration. On n'est même pas le 22 mars que, déjà, les anciens combattants de mai 68 se répandent partout, à nous expliquer comment c'était cool, qu'ils se sont bien amusés, et qu'on leur doit tout.

Je n'irais pas aussi loin que Sarkozy sur les retombées des événements (complexes et demandant un inventaire raisonné et dépassionné, ce qui n'est pas le sujet ici). Mais pour ce qui est des soixante-huitards, anti-autoritaires devenus les nouveaux mandarins, qui ne supportent pas d'être remis en question par quiconque est plus jeune qu'eux, la cause est entendue. Dans les poubelles de l'Histoire, les vieux !

Le jour où je commence à vous dire que j'avais 20 ans en 77 et que c'était formidable, les épingles à nourrice, les Ramones au Bataclan avec les Talking Heads en première partie, et tout et tout, un bon geste : une balle dans la tempe. Merci d'avance...

19 mars 2008

Le Clem Burke No Wave* (*© Thurston Moore)

Rechercher une photo potable de Bob Bert sur l'Interwebs (voir Sleeping with the TV On) a piqué ma curiosité. C'est que les portraits du batteur ne courent pas les autoroutes de l'information. Mais cette quête m'a permis de remplir les blancs dans un CV déjà pas précisément maigre. Et donné envie de braquer les projecteurs, pour une fois, sur ce héros de l'ombre. Qu'on aurait bien tort de prendre pour le Peter Best (vous savez, le batteur originel des Beatles, évincé à l'aube de leur gloire) de sa génération.

Bob Bert, donc, est surtout (mé)connu pour avoir été le deuxième tambour majeur de Sonic Youth, juste après Richard Edson (dont on garde le souvenir dans le Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch, en compagnie de John Lurie), de 83 à 85. Brièvement évincé (pour l'essentiel de l'enregistrement de Confusion Is Sex, pas de chance) au profit de Jim Sclavunos (ex-Teenage Jesus & The Jerks, futur Cramps intérimaire, Bad Seeds, etc.), il est vite rappelé et tourne, tourne et tourne encore. Et tient les baguettes sur Bad Moon Rising. Qui contient notamment le décoiffant "Death Valley 69", évocation de la Manson family, sur lequel intervient Lydia Lunch.


Sonic Youth - Death Valley 69

Dans la vidéo, Bob Bert fait partie des victimes mutilées... comme son successeur Steve Shelley. En effet, lorsque Richard Kern shoote le clip, Bob, lassé des nuits sur la route à dormir sur des moquettes qui sentent la pisse de chat ou dans la camionnette (et dans une situation financière désastreuse), a déjà quitté Sonic Youth. Tout en restant en excellents termes avec eux.

Un choix pas très judicieux, puisque c'est justement à ce moment-là que son ex-groupe sort de l'anonymat.

Détail amusant, c'est parce que Thurston Moore, pour rigoler, déclare dans une interview que Bob a quitté SY pour monter son projet, Bewitched, avec Susanne Stasic, leur vendeuse de t-shirts, que Bob décide de le prendre au mot. Donnant ainsi naissance à un projet à temps partiel qui durera près d'une décennie, en touchant à tous les genres.

C'est que Bob Bert fait partie de ces activistes curieux qui ont toujours plusieurs fers au feu.

Et en parlant de feu, sa formation suivante s'y connaît, pour ce qui est de pratiquer la politique de la terre brûlée. Formé dans l'Etat du Rhode Island par deux étudiants en sémiologie en rupture de ban, Jon Spencer et Julia Cafritz, Pussy Galore se relocalise dare-dare à Washington, DC. Mais le gang doit vite fait quitter la capitale fédérale après avoir vomi son dégoût pour la très puritaine scène straight edge et son guru Ian MacKaye (Minor Threat, Fugazi). Et c'est en se relocalisant à New York, début 86, que le duo adopte Bob Bert comme batteur (plus, notamment, Neil Hagerty, futur Royal Trux), pour un lustre de garage-rock post-moderniste, bancal et noisy, assaisonné d'une saine dose de provoc. Au sein de Pussy Galore, qui déconstruit aussi bien l'intégralité de l'Exile On Main Street des Stones qu'Einstürzende Neubauten, Bob intègrera d'ailleurs dans son kit des plaques de métal et autres tuyaux.


Pussy Galore-Dick Johnson

Alors que le split de Pussy Galore, à la fin de la décennie, est précipité par des prises de bec entre Jon Spencer et Julia Cafritz, Bob Bert réussit encore une fois à ne se brouiller avec personne. Un signe qu'en plus d'être un sacré musicien, il est aussi un mec bien - vous pouvez insérer ici un parallèle avec Dave Grohl, si cela vous fait plaisir. Bob joue donc au sein des abrasifs Action Swingers avec Julia Cafritz (fameux pour leur chanson "Courtney Love"), en 91-92, tout en donnant un coup de main à l'occasion à Boss Hog, le groupe formé par Jon Spencer et Cristina Martinez (un temps membre de Pussy Galore, puis des Honeymoon Killers - pas les Belges - avec Jerry Teel).

Jerry Teel, justement, va ensuite se révéler un fidèle compagnon de route pour Bob, qui le rejoint au sein des Chrome Cranks, respectables pourvoyeurs de garage-rock bien graisseux, de 94 à 96. Après avoir participé à un retour des Action Swingers, en 1997, Bob retrouve Jerry Teel dans ce qui ressemble à un supergroupe d'obédience plutôt roots-country, les Knoxville Girls, qui durent jusque vers 2001. Outre le duo figurent dans le line-up Kid Congo Powers (Gun Club, Cramps, Bad Seeds, Congo Norvell, etc.) et Jack Martin (Congo Norvell, et sujet d'une chanson de Speedball Baby), excusez du peu. Mais, comme chacun sait, les supergroupes (même à tendance plutôt underground) ne connaissent que rarement le succès. Si les Knoxville Girls font exception à la règle, c'est uniquement sur le plan artistique, parce que pour le reste...

Pas grave. Si Bob Bert joue, c'est avant tout pour le plaisir de jouer. En tâchant de gagner à peu près sa vie, si possible, mais en aucun cas pour faire fortune. Comme en atteste la suite de de son parcours, plus obscure, mais pas nécessairement moins intéressante.

Depuis quelques années, Bob est ainsi membre d'Int'l Shades, combo psyché-atmosphérique qui peut faire penser à Can, avec Mark C (Live Skull, Spoiler) à la guitare et au chant, Tim Foljahn (Two Dollar Guitar, et collaborateur de Thurston Moore, Townes Van Zandt, Jad Fair, des Boredoms ou de Cat Power) à la basse et au chant, et Alexa Wilding aux synthés et au chant.

Il tient aussi les baguettes des Size Queens, où l'on remarque pas mal de suspects bien connus de nos services : Ron Ward au chant (Speedball Baby), Jack Martin à la guitare, Sean Maffuci à la guitare et à la basse (Kid Congo & The Pink Monkey Birds), et l'étonnant clarinettiste free Patrick Holmes. En 2006, ceux-ci se transforment en Five Dollar Priest, après que Martin et Maffuci soient respectivement remplacés par Norman Westberg, le guitariste des Swans, et son compère au sein des Heroine Sheiks, George Porfiris.


Five Dollar Priest-Decatur Street

Quelque part entre The Fall et le Père Ubu des débuts, Five Dollar Priest s'apprête à sortir un album sur l'excellent label basque Bang! Records, et participera au festival des Nuits Sonores à Lyon, le 9 mai prochain. A la même affiche que Tata Wasser, Mary Weiss (Shangri-Las), les Subsonics, Demon’s Claws et... Heavy Trash, le duo formé par Matt-Verta Ray (Speedball Baby) et Jon Spencer. Que l'on retrouve tous deux, avec Bob et toute la bande (Kid Congo, Jerry Teel, Cristina Martinez, Jack Martin, etc.) sur l'album The End Of The Earth de Rob K, sorti en 2004 chez Orange Recordings.

Comme quoi, décidément, le rock new-yorkais trashy-noisy-rootsy-expérimental est une grande famille.

Et qui pouvait être mieux qualifié pour en tenir l'album que Bob Bert ? Personne ! Pendant plusieurs années, son fanzine annuel, BB Gun, a précisément rempli cette mission, plein de précieuses interviews loin de la routine promo, de photos rares et intimistes et autres goodies.
S'il semble en stand-by, son site Web, lui, demeure accessible, et mérite plus qu'un détour. Outre un rapide survol sonore de la trajectoire de Bob, on y trouve aussi des photos rares, des messages téléphoniques de Jon Spencer ou Yoshimi (Boredoms, et muse des Flaming Lips), des extraits d'interviews où James Chance raconte ses confrontations physiques avec le public, ou encore les meilleures farces de Steve Albini (si, si).

Et même un témoignage de Richard Hell où il se confie à Bob Bert sur sa collaboration avec Tom Verlaine, dès les Neon Boys, histoire de boucler la boucle...

Excellente interview de Bob Bert sur le site de New York Night Train

Photo : Skeleton Boy (visitez donc son album Flicker, superbes galeries live des Beasts Of Bourbon, Workdogs, Lubricated Goats, Radio Birdman, Cramps, Suicide, Blues Explosion, et autres grands prêtres de l'électricité)

17 mars 2008

Sleeping with the TV on


Television - Foxhole

Nerd rock le jour, nerd rock toujours. Même en dormant. Tenez, pas plus tard que l'autre nuit, j'ai fait ce rêve.

J'y apprenais la sortie d'inédits en concert de Cream datant de 1969. Ce dont je me fiche plutôt, même si c'est avec ce trio (et Blind Faith) que Clapton a pu vaguement justifier une réputation totalement largement usurpée (les parties de wha-wha de "White Room" et "In The Presence Of The Lord" déchirent, même si ça me coûte de l'admettre). Non, ce qui m'excitait, c'est qu'en complément de ce live, il y avait quelques titres inconnus de Television , cuvée 69 également. Avec Bob Bert à la batterie !

Et là, c'est le genre de truc qui me fait frétiller. Le pistolet sur la tempe, on ne me fera pas démordre que Marquee Moon reste le plus grand album de 1977 (un des millésimes historiques du rock), d'autant qu'il n'a pas pris la moindre ride. Et je garde un souvenir émerveillé du concert de juin de cette année-là à l'Olympia, même pas terni par le remplacement de Blondie par Teléphone en première partie (il suffirait de patienter quelques semaines pour découvrir Blondie et les Boys à Paris). A la sortie, j'étais prêt à jurer, avec le sens de la réserve qui me caractérise quand je m'enthousiasme, que parmi les dix meilleurs guitaristes de l'histoire du rock, Tom Verlaine était bien huit d'entre eux, et Richard Lloyd le neuvième.

Sauf que... Jusque dans mon rêve, je n'ai pas pu m'empêcher de pinailler. De réaliser qu'en 69, Richard Myers (bientôt Hell) et Tom Miller (Verlaine, pour vous, moi et Patti Smith), âgés d'à peine vingt ans, étaient encore loin d'avoir monté les Neon Boys. Et que ce bon Bob Bert n'avait jamais, au grand jamais, joué avec Television. Avec Sonic Youth, avant Steve Shelley, oui. Qu'il tapait sur des plaques de tôle au sein de Pussy Galore. Qu'il était peut-être bien passé par les Gibson Brothers (pas ceux du tube disco naze "Cuba", non) - non, en fait ; je ne suis pas infaillible dans mes rêves, ce sont Jon Spencer et Cristina Martinez, en rupture de Pussy Galore, qui ont brièvement rejoint les roots rockers new-yorkais. Et que mon homme Bob avait peut-être fricoté du côté des Chrome Cranks (effectivement).

Et voilà comment je détruis mes rêves dans l'œuf. Et me retrouve à me demander si, quand même, il est bien raisonnable d'être aussi nerd. Même la nuit...

(A suivre)

13 mars 2008

SXSW REM

Juste un petit lien en passant pour signaler que le concert donné hier soir par R.E.M. au SXSW (les Transmusicales d'Austin, Texas) est disponible en streaming sur le site de NPR (National Public Radio, hôte de l'excellent Monitor Mix de Carrie Brownstein) . Et qu'il donne quelque substance au buzz qui affirme que le nouvel album à venir des Athéniens prouverait, pour la première fois, qu'ils n'ont pas eu entièrement tort de ne pas profiter du départ de Bill Berry pour mettre la clé sous la porte en laissant leurs fans sur des regrets (et un bon souvenir).

12 mars 2008

Kills Thrills


Il y a des groupes qui ont tellement tout bon qu'ils devraient être des premiers de la classe qu'on déteste. Et puis, non, ils nous mettent dans leur poche. Des exemples ? Sonic Youth. Ou, pour ce qui nous occupe ici, The Kills.

Alison "VV" Mosshart ne se contente pas de chanter comme une PJ Harvey nymphomane, elle est également sexy comme l'incarnation décoiffée du fruit défendu. Et son compère Jamie "Hotel" Hince est un tel fan du Velvet Underground qu'il ressemble à la fois à Lou Reed ET John Cale. Et leur alchimie particulière génère tant de vibrations hautement sexuelles qu'on ne pouvait que les imaginer amants. Jusqu'à ce que la presse people nous informe, l'an passé, que Jamie avait supplanté Pete Doherty dans le cœur de Kate Moss (je n'ai jamais compris ce qu'elle pouvait trouver au Pierrot toxique).

Evidemment, on aurait préféré des nouvelles musicales, No Wow, leur deuxième album, commençant quand même à dater. Mais il fallait encore encore un peu de patience. Récompensée par ce Midnight Boom tout frais pondu.

Moins bluesy/garage que Keep On Your Mean Side, moins minimaliste/grinçant que No Wow, Midnight Boom se la joue volontiers glam et catchy, avec des beats plus dansants, des chansons quasi pop (à quelques abrasives exceptions près) et un refus bienvenu du superflu (12 morceaux en moins de 34 minutes). Même si le son n'a rien à voir, les Kills retrouvent ici quelque chose de la capacité d'excitation superficielle et immédiate du T. Rex de la grande époque, celle qui s'adresse au cerveau reptilien en court-circuitant le cortex. Mmmmm...

Le plus marquant, pourtant, restent les deux ballades qui encadrent la "deuxième face" (j'ai du mal à ne pas considérer Midnight Boom comme un 33 tours qui se serait égaré sur CD - j'attends l'édition vinyle de pied ferme). "Black Balloon" retrouve quelque chose de l'innocence de l'enfance, tout en enfilant magistralement les gimmicks (claquements de mains, percus discrètes, petit riff de guitare insidieux qui arrive sur le tard, note de piano tenue, pont en apesanteur), du grand art. Et "Goodnight Bad Morning" est la chanson que Lou Reed aurait dû écrire pour Nico si elle avait renoué avec le Velvet en 1969.

Un garçon, une fille et une boîte à rythmes, ça fait décidément un tas de possibilités.

Tout l'album en streaming, titre par titre
Leur site officiel
Leur Monespace
(Domino/Pias)

11 mars 2008

Le vieux fusible

C'est plus fort que moi, la simple évocation de l'idole disparue me replonge dans une rage aussi enfantine qu'irraisonnée.

Et là, avec la commémoration des 30 ans de sa "mort tragique", on en bouffe, du Cloclo. Qu'il ait été odieux dans sa vie privée ne regarde que ceux qui ont accepté de jouer au paillasson pour lui. Non, je lui en veux parce qu'il n'a pas cessé, pendant près de 25 ans (et ça n'a pas vraiment arrêté après 78), de me polluer les oreilles et de squatter les émissions de variétés avariées de mon enfance et mon adolescence.

Je sais que certains révisionnistes diront qu'il a popularisé le répertoire Motown en France, ou qu'il était un vrai perfectionniste sur scène. La belle affaire ! Tous les yéyés ont pillé sans vergogne le répertoire international, et le talent ne se mesure pas nécessairement à la précision (ou alors, être un virtuose sur Guitar Hero vaut mieux que de jouer vraiment de la guitare sans grande technique, mais avec un style personnel) et aux litres de sueur versés.

Ce qui m'énerve le plus, c'est encore qu'il se soit trouvé une vingtaine de chanteurs pour se prêter à l'opération CD hommage officiel Claude François, Autrement dit ourdie par Universal - en bonne major, la filiale de Vivendi nous avait déjà fait le coup avec d'autres vaches à lait, style Brel ou Brassens.

Et là, j'ai envie de rejoindre Sarkozy et autres prétendus réacs en hurlant contre la dérive du "tout se vaut". Désolé, mais, non, les œuvrettes du foutriquet hystérique, contrairement aux chansons de Brassens ou Brel, ne valent pas tripette. Mêmes revisitées, avec un sérieux désarmant, par – la délation est parfois un devoir – Jeanne Cherhal, Adanowsky, Jeremie Kisling, Vincent Baguian, Alexis HK, Aldebert, AS Dragon, Adrienne Pauly, Dominique Fidanza, Alain Chamfort, Elodie Frégé, Brisa Roché, Seb Martel, La Grande Sophie, Axelle Renoir, Clarika, Elisa Tovati et Elli Medeiros.

Beaucoup de ces chansons sont même franchement nauséabondes. De la pire eau de vaisselle, du Piaf au masculin, geignard, baignant dans l'apitoiement sur soi et la lâcheté des sentiments érigée en ligne de conduite (écoutez un peu "Dis-lui pour moi", pour voir).

Oui, bon d'accord, et "Comme d'habitude" dans tout ça ? Well, digne du reste avec un texte de Gilles Thibaut beaucoup moins drôle qu'à son habitude – on parle quand même là de l'inénarrable auteur, rien que pour Johnny (qui s'y prête bien, il est vrai), de "Que je t'aime", "Ma gueule", et last but not least, du fabuleux Hamlet Hallyday (avec l'insurpassable "Je lis") –. Et sans rapport textuel aucun avec "My Way", Paul Anka ayant tout simplement écrit des paroles sur mesure pour Frank Sinatra, sans heureusement se soucier du point de départ.

Détail qui tue, "Comme d'habitude" est ici récité d'une voix blanche pour en accentuer le côté mélodramatique par Elli Medeiros. L'ancienne chanteuse des Stinky Toys. Qui partageaient l'affiche, en septembre 1976, du légendaire premier festival punk du 100 Club, avec, notamment Siouxsie & The Banshees (mais pas le même soir, je sais). Des Banshees dont le batteur, pour ce tout premier concert-performance, était un certain Sid Vicious. Interprète de la meilleure version rock de "My Way" (son unique fait d'arme musical, quand on y réfléchit).

En fait, le seul vrai hommage qui pourrait être rendu à Cloclo, ce serait un match de water-polo entre les piliers des Enfoirés et la troupe du Soldat rose. Si un câble à haute tension tombait dans la piscine, je ne porterais pas le deuil...

Claude François. Autrement dit (Mercury/Universal)