9 octobre 2009

La grande récré

Un an après et toujours au Café de la danse, on peut mesurer le chemin parcouru par Coming Soon. Qu'on pourrait symboliser par l'invité emblématique de la soirée : Etienne Daho, qui fait plus chic quand même que Stanley Brinks ou Freschard. C'est que la bande de Kidderminster a désormais ses entrées dans le grand monde : cooptée par le bon Etienne, donc, homme de goût, mais aussi par Mathias Malzieu et Olivia Ruiz, et même Indochine, ce qui peut foutre un peu la trouille. Et commence à susciter quelques jalousies.

Coming Soon - School Trip Bus Crash - Café de la Danse, Paris - 08/10/2009 from Soul Kitchen on Vimeo.

Des considérations oubliées au bout d'environ trois secondes et demi. Car ce que l'on remarque avant tout, c'est que Coming Soon a gardé ses toutes ses qualités scéniques - fraîcheur, sentiment communicatif de s'amuser – tout en progressant. A l'image du songwriting varié et de très haute volée de Ghost Train Tragedy, le deuxième album, qui fournit l'ossature de ces 100 minutes qui passent très vite. Ou du jeu de guitare très incisif d'Alex Banjo.

Coming Soon - Walking (- Café de la danse - 08/10/09 from Soul Kitchen on Vimeo.

Chacun chante tour à tour, avec son caractère, et plein d'instants forts se gravent instantanément en mémoire : l'entrée sur scène avec Howard Hughes, le grand escogriffe au Stetson, bouquin en main, comme un prêcheur du Vieil Ouest avec sa bible ; l'aparté totalement unplugged, sans micro ni ampli, le temps que Leo - mue achevée - quitte son tabouret pour rejoindre, ukulélé en main, Alex en devant de scène pour un "Jack Nicholson Style" enlevé ; la reprise du "Shut Out The Light" de Springsteen a cappella, transformé en folksong imméroriale, tandis que Howard fait le tour de la salle ; le duo sans chichi entre Billy et Etienne sur "Private Tortures" ; ou encore le finale choral emprunté à Wave Pictures, "Sweetheart", pour se quitter en douceur. Mais on aime tout autant les instants de spontanéité rigolarde. Quand Mary Salomé (flûtes, clarinette, xylophone, marimba, claviers), mise en vedette sur le malicieux "Pillow Talk", se retourne vers ses copines choristes d'un jour, que Howard nique une intro en se lançant dans un petit speech, ou que l'éclairagiste oublie de s'exécuter à la fin de "Shut Out The Light"...

Coming Soon - Moonchild - Café de la Danse, Paris - 08/10/2009 from Soul Kitchen on Vimeo.


Si Coming Soon a assurément bossé ses classiques et l'assume crânement (voir la reprise du "No Chance" de Lou Reed, influence majeure), c'est pour se constituer son imaginaire propre. En petits surdoués. Et au Café de la danse, pas question de bachotage, c'est bien l'heure de la récré.

Set-list, Café de la Danse, 08-10-2009
Going Home
Back Seat
Don't Sell Me to the French
Steel Wire
Manners & Education
No Chance (Lou Reed,
Magic & Loss)
School Trip Bus Crash
Moonchild
Jack Nicholson Style
Shut Out The Light (Bruce Springsteen, B-Side du single "Born in the USA")
Walking
WU
Minor Keys
Wild Catch
Lower Lip
Private Tortures (avec Etienne Daho)
Howard's Mood
Pillow Talk

Rappel:
Nowadays
Time Bomb
Music From The Ceiling
Sweetheart


En prime, le clip de "Moonchild"...

8 octobre 2009

Amateur night

J'adore le rock, mais je hais les Musiciens. Je préfère les amateurs. Au sens étymologique. Ceux qui aiment. Et, en la matière, hier, le Trabendo était l'endroit parfait pour moi, quitte à devoir braver les éléments déchaînés.

S'il fallait décerner le titre de plus grands enthousiastes et activistes de la planète en matière de rock'n'roll primitif, Miriam Linna et Billy Miller tiendraient la corde. Miriam, on la connaît depuis plus de trente ans, pour avoir été la première batteuse "sérieuse" des Cramps (Pam Balam, la sœur de Bryan Gregory, n'était là que pour donner un coup de main). Mais elle présidait aussi le fan-club des Flamin' Groovies. Et a lancé le fanzine Kicks avec Billy Miller, en 1978. Avant qu'ils ne fondent ensemble les Zantees, orientés rockab’, qui muteront en A-Bombs. Sans oublier l'excellent label Norton Records, qui a publié ou réédité Link Wray, Hasil Adkins, les Real Kids, Roy Loney, Charlie Feathers, les Flat Duo Jets, King Khan & The BBQ Show ou André Williams. Entre autres. Ce qui s'appelle un catalogue trié sur le volet. Si l'on a envie d'en savoir plus, rien n'interdit de jeter un coup sur Kicksville 66, le blog de Miriam plein de documents précieux sur les scènes de Cleveland et New York dans la seconde moitié des seventies, ou celui de Norton.

Pas virtuoses pour deux ronds, les A-Bones sont quelque chose comme le bar band idéal, dépoussiérant les classiques ("Bad Boy" de Larry Williams ou "Wooly Bully) avec un enthousiasme de débutants. D'ailleurs, Miriam n'a quasiment pris aucune ride. Frange blonde et voix d'éternelle chipie, elle drive la bande en souplesse et en gants noirs - toujours un signe de classe rock'nroll, ça, de Mimi des Dogs aux temps héroïques à Peg de Gories. Devant, Billy joue les bonimenteurs, comme un croisement entre un André le Géant taille 8/10 pour le physique et le regretté Lee Brilleaux pour le gosier, tandis que Lars Espensen éructe dans son sax ténor éructant et que Bruce Bennet se roule par terre, guitare au poing, alors que le bassiste Marcus The Carcass compte les coups. Sans autre prétention que de s'amuser, et c'est plutôt contagieux.

Cool Kleps, le duo garage orgue-percussion/guitare qui leur succède à la volée, sur la petite scène à côté de la table de mixage, c'est un peu la même histoire, côté Frenchy : Jean-Luc "Jostone" Jousse, le guitariste-chanteur, n'est autre que le coorganisateur de la soirée, et il fait tourner à longueur d'année les New Bomb Turks ou Nashville Pussy, tout en étant sonorisateur, tour manager, etc. Maximum respect, merci et à lui, et tout ce qu'il faut savoir ici, courtesy of Dig It, l'incontournable zine garage hexagonal.

Avec T-Model Ford, 89 ans (ou un peu moins, mais pas beaucoup, selon les sources), hanche disloquée, pacemaker, mais la tête près du bonnet, c'est un bout de légende du blues qui pointe le nez, sorti de l'anonymat par la bonne fée Fat Possum. Pas le blues épluche-carottes propre sur lui, non, celui des juke-joints du Sud, où il ne s'agissait que de faire danser toute la nuit, jusqu'à la transe, avant de reprendre le taf le lundi matin. Juste soutenu par un batteur tchac-poum, l'octogénaire enchaîne ses trois accords sans débander, avec d'infimes variations, comme un John Lee Hooker monomaniaque.

Et Heavy Trash, dans tout ça ? Well, par rapport à tous ceux qui les ont précédés, le groupe de Jon Spencer et Matt-Verta Ray ferait presque redoutablement pro. Ce qui ne manque pas d'ironie, si l'on se rappelle des débuts noisy-déconstructivistes de Jon dans Pussy Galore. Considéré initialement comme une récréation pour ses protagonistes, Heavy Trash, devenu leur groupe principal, est devenu bien plus que ça. Surtout pour cette tournée, accompagnant la sortie de son 3e album, Midnight Soul Serenade, durant laquelle le duo est complété par Sam Baker, batteur de Lambchop, et le semi-légendaire contrebassiste (et, dans d'autres circonstances, guitariste) Simon Chardiet. Plus Elvis 56 que jamais avec sa guitare acoustique, Jon Spencer laisse libre cours à ses accents de prêcheur roots, cravaché par la Gibson demi-caisse de Matt. Il y a beau y avoir des hoquets et de la reverb en pagaille, ce rockabilly-là n'a rien de puriste, tout électrocuté qu'il reste par la décharge punk, et n'hésitant pas à puiser dans des harmonies doo-wop, un twang country ou des mélodies câlines flottant entre les sucreries des teenage idols et les premiers hits innocents de ceux qui les balaieront, les Beatles. Soit une parfaite incarnation du rock'n'roll éternel.

28 septembre 2009

5 days later… still on a Fiery Furnaces high

Fiery Furnaces - Set list - 2009-09-23, Maroquinerie, Paris
In case anyone’s interested, here’s a pic of the set list at La Maroquinerie, Paris, september 23 2009. Plus the encore, as far as I can remember. That’s highly tentative, and any corrections are welcome.

Leaky Tunnel
Charmaine Champagne
Staring At The Steeple
Cut The Cake
Ray Bouvier
Chris Michaels
The End Is Near
Duplexes Of The Dead
Automatic Husband
Ex-Guru
Keep Me In The Dark
Drive To Dallas
Up In The North
Japanese Slippers
Evergreen
Worry Worry

I’m Waiting To Know You
I’m In No Mood To Comb My Hair
A Candymaker’s Knife In My Handbag
Here Comes The Summer

Photo : Marion Ruszniewski

25 septembre 2009

En retenue

Les Fiery Furnaces débordent tellement d'idées qu'ils peinent à trouver leur place dans le paysage musical des années 2000. Six albums studio en autant d'années, plus une compilation de singles, plus un double CD/triple live revisitant radicalement les chapitres précédents, sans oublier un double CD solo de Matt Friedberger, semblent avoir épuisé beaucoup de bonnes volontés. D'autant que, sur la plupart de leurs morceaux, les FF mettent davantage d'idées mélodiques et de trouvailles d'arrangements que nombre de leurs pairs sur toute leur discographie - et à peine moins de mots. Avec un luxe dans les détails - personnages, lieux - proprement vertigineux. Mais également ludique.

Sur scène, le groupe a toujours réarrangé ses morceaux jusque dans leur ADN, au point de les rendre parfois quasi méconnaissables. Une expérience virtuose et impressionnante, mais plus sans doute sur un plan cérébral que physique et émotionnel. Et parfois à la limite de la saturation sensorielle.

Mais il faut croire que Remember, le live/somme de l'an passé, a marqué la fin d'un cycle. I'm Going Away, le nouvel album, est le plus accessible du groupe depuis Gallowsbird’s Bark, leur tout premier, et l'EP compilatoire. Et, ce n'est sans doute pas une coïncidence, les paroles de chacun de ces disques sont écrites par Eleanor.

Connaissant l'art du contre-pied typique de la formation, on aurait pu s'attendre à ce que, sur la scène de la Maroquinerie, elle brouille les lignes de force pop d'I'm Going Away. Mais non, pour la première fois sans doute de leur carrière, les Fiery Furnaces ne jouent plus avec leurs chansons, comme le chat avec la souris. Ils les interprètent juste (dans tous les sens du terme) avec fougue, intensité et âme. Sans se départir de leur capacité à partir sur des tangentes et à en revenir (la rythmique Jason Loewenstein/Bob D'Amico est toujours irréprochable), mais avec une retenue et une sobriété qu'on ne leur connaissait pas. À l'image de Matt, dont le jeu de guitare semble transfiguré. Alors que, lors de la tournée Bitter Tea, il pouvait faire penser au rejeton épileptique de Robert Fripp et Frank Zappa, balançant un déluge de notes ininterrompu, ses interventions se font ici tranchantes et mesurées. Mais c'est encore Eleanor qui profite le plus de cette nouvelle approche. Si auparavant, elle semblait souvent devoir s'accrocher pour ne pas être éjectée d'un kayak dévalant des rapides ou d'un bronco au cours d'un rodéo (déjà un exploit), cette fois c'est elle qui mène la barque, habitée et dans une forme vocale éblouissante, y compris sur un "Chris Michaels" qui n'a jamais aussi bien sonné.

C'est comme si, pour une fois, le groupe s'était donné l'autorisation de s'amuser simplement (par rapport à ses propres critères), de faire confiance à ses chansons, de jouer le jeu du spectacle et du plaisir. Dissocier, pour une fois, pop songs et concepts se révèle un pari totalement payant. Alors même qu'ils redoublent d'idées, entre Pop Art et Fluxus, pour associer toujours plus leur public à leur démarche, la créativité devant se trouver des deux côtés de la relation. Ainsi, juste après le concert, ils ont donné une "Masterclass" où ils répondaient aux questions, et en ont profité pour se fendre de versions acoustiques de "Tropical Ice-Land" et "Single Again". Alors qu'avant la sortie d'I'm Going Away, ils avaient invité leurs fans à en faire une description imaginaire. Ils devraient aussi sortir un "album" sans aucun son, mais juste des partitions, des tablatures ou des descriptions - prétexte à concerts pour qui voudra s'en servir. Matt pense également composer un disque influencé par des bouts de papiers donnés par les amateurs du groupe - notes de supermarché comme petites histoires... Oh, et j'allais oublier, deux volumes de reprises d'I'm Going Away par les Friedberger sont aussi dans les tuyaux – chacun étant composé de six des morceaux avec de nouvelles musiques d'Eleanor, et des six autres en version Matt. Qui dit mieux ?

18 septembre 2009

Too much, too soon ?

Ça pourrait être agaçant, à force. Tout a l'air presque trop facile pour Coming Soon. Un premier album salué par une presse ravie de jouer sur l'angle jeunesse et petite bande familiale. La reconnaissance de ses pairs (Dionysos et Olivia Ruiz qui leur fait signer deux compositions de son troisième album, Daho). Une apparition de Leo Bear Creek, le benjamin, sous pseudo Antsy Pants, sur la B.O. de Juno, n° 1 des charts outre-Atlantique. Des concerts salués pour leur énergie et leur enthousiasme hautement communicatifs. Et bons camarades avec ça, toujours prêts à rameuter leurs amis d'un peu partout, Stanley Brinks, Freschard, Wave Pictures et autre Lisa Li-Lund.

Ça pourrait être agaçant, oui. Sauf qu'il suffit d'une écoute de Ghost Train Tragedy pour balayer toute réticence. Moins roots et nature que New Grids, ce deuxième album est avant tout un grand disque de rock. Tout court. Torturé, sur lequel planent l'ombre de la mort et des amours impossibles. Et riche, ô combien ! Que Coming Soon compte dans ses rangs cinq songwriters et chanteurs, qui se complètent et se répondent sans jamais se marcher sur les pieds, y est bien sûr pour beaucoup. L'émulation est réelle, la sélection impitoyable. Et la seule fille du groupe pourrait bien être son arme secrète, par son apport décisif en couleurs, à la clarinette, la flûte, le xylophone ou au marimba. Un peu comme Brian Jones, oui.

D'un titre à l'autre, on passe d'un quasi-tango ("Don't Sell Me To The French") à des ballades qui semblent prolonger le Coney Island Baby de Lou Reed ("Minor Keys" et plus encore "Wild Catch"), d'un rock conjuguant les harmonies de "Under My Thumb" et basse disco ("Moonchild") à une ritournelle (pseudo ?) innocente, pour finir sur une reprise de Wave Pictures en chorale, façon hymne baptiste sorti du fond des âges.

Bref, on n'a pas le temps de s'ennuyer une seconde au fil de ces 55 courtes minutes. D'autant que le groupe ne chante pas pour ne rien dire ; il nous embarque à chaque fois dans de vraies petites histoires, dans un anglais peu conventionnel, mais bourré de formules qui font mouche et d'images saisissantes.

Non, Coming Soon n'a décidément rien d'une bande de premiers de la classe. Juste une classe folle. Et un univers qui ne cesse de s'affirmer.

8 septembre 2009

Itinéraire bis

Il n'y a pas que dans le rock que nombre de plaisirs délectables se situent davantage dans la marge que dans le mainstream. Le cinéma aussi, ce n'est pas un secret, a son histoire parallèle. Ses petits maîtres et ses grands malades, ses réjouissantes aberrations et ses affligeants navets... et toujours des budgets riquiquis. Ce que ses premiers fans esthètes et activistes, à travers moult fanzines, ont appelé le cinéma bis, à partir des années 60.

Déjà auteur de Cinéma bis : 50 ans de cinéma de quartier, qui abordait ce vaste territoire sous l'angle de ses protagonistes (réalisateurs, acteurs, producteurs...), Laurent Aknin remet l'ouvrage sur le métier, en compagnie cette fois de Lucas Balbo, éminent spécialiste et collectionneur, pour cosigner les Classiques du cinéma bis, chez Nouveau monde éditions.

Sous ce titre en forme d'oxymore (délibéré), 500 films sont analysés avec autant de passion que d'érudition, de Bride of the Monster d'Ed Wood au fabuleux Bubba Ho-Tep de Don Coscarelli, en passant par Danger : Diabolik de Mario Bava, l'Arrière-train sifflera trois fois ou Esta Noite Encarnarei no Teu Cadáver du Brésilien frappé José Mojica Marins, alias Zé do Caixão ou Coffin Joe.

Péplum, porno, spaghetti western, nudies, horreur, blaxploitation et autres se croisent et souvent s'entremêlent (rien n'est interdit dans ce cinéma impur par définition), et donnent au passage envie de voir tous les titres qu'on n'a pas encore eu l'occasion de se mettre sous la rétine. Et aussi d'un volume deux, pourquoi pas ? J'y verrais bien, par exemple, Calamari Wrestler, bizarrerie japonaise où un catcheur transformé en céphalopode reprend sa carrière sans que ça n'étonne vraiment personne de voir un calamar sur un ring...

En attendant, un site comme Medusa Fanzine (qui n'a pas oublié de rendre hommage à Lux Interior) vaut largement le détour. Stay sick, turn blue...

1 juillet 2009

Double jeu


Si je n’avais pas été aussi ensuqué depuis le mois de février, cela ferait bien longtemps que j’aurais parlé de l’album de Sylvia Hanschneckenbühl. Mais comme c’est un de mes disques de chevet depuis sa sortie, il y a trois mois, il n’y a pas de raison que je m’en prive.

Sylvia Hanschneckenbühl Doesn't Sing Christmas, donc, est une perle d’élégance altière où chaque note compte, un disque entièrement maîtrisé par son auteur, songwriteuse, chanteuse, guitariste, coproductrice et dessinatrice de la pochette (le glockenspiel, c'est elle aussi). A peine si une paire d’amis lui ont donné un coup de pouce, à la batterie ou pour quelques parties de guitare sur deux morceaux.

Pas que Sylvia soit particulièrement égomaniaque (elle aimerait bien se fondre à nouveau dans un groupe, un vrai). Et moins encore soucieuse d’étaler une quelconque virtuosité (ce qui ne veut pas dire qu’elle joue comme un manche, au contraire). Non, c’est juste qu’elle sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir. Qu’elle avait des chansons en stock. Et l’urgent besoin de les chanter. Des chansons superficiellement lumineuses et innocentes. Mais terriblement cruelles dès qu’on prend la peine de gratter un peu la surface. Ou cinglantes, comme ce “Nicely Stupid” qui épingle les pétasses “rock’n’roll”. Sylvia ne chante pas Noël, non, mais l’amour. Celui qui ne rime jamais avec toujours. Versant déceptions et trahisons. “Love Song” est bien sûr une chanson de meurtre. Et son “Orange Juice” plus acide que sucré.

Sylvia a le bon goût de ne pas étaler ses influences, quasi subliminales : un peu de Breeders diffus, un “Everything is fine” qui semble un clin d’œil au “In Heaven” lynchien des Pixies dans le texte de “Orange Juice”, une deuxième guitare discrètement Velvet (3e album) à la fin de “Untitled”, une touche de snake guitar façon early Eno pour injecter une dose de venin en queue de “The Old Drunk Song”. Et encore – mais ça, c’est peut-être moi – quelque chose qui évoque le post-punk efflanqué des débuts de Cure dans “17.30 Underground”, ou un peu de la fragilité de Young Marble Giants.

Mais c’est toujours du Sylvia Hanschneckenbühl, et ça ne ressemble vraiment à rien d’autre. Comme cette façon de toujours finir ces chansons en glissant une idée inédite. Voir la façon déchirante dont elle dédouble sa voix dans “Salt & Wine”.

On jurerait que cet album a été pensé pour le vinyle, avec une face A enlevée et une face B dominée par des ballades à faire fondre les pierres. Mais non, il n’est disponible qu’en téléchargement un peu partout (Pop Only Knows, iTunes, Fnac music, Amazon, Virgin et tutti quanti) – et souvent en désordre. Ou, mieux, en CD. Ne serait-ce que pour profiter de sa pochette. Écouter ces chansons dans leur vrai séquençage. Et acquérir un futur collector’s.

Pour acheter le CD : hanschneckenbuhl@yahoo.fr
ou Pop Only Knows

Page Myspace : www.myspace.com/hanschneckenbuhl

Photos : Schnuki Putzi (N&B) - Marion Ruszniewski (couleurs)

25 juin 2009

Canal moins

La meilleure émission de télé française est à l'antenne depuis quelques mois. Et personne ne s'en est aperçu. Bizarre, non ?

Faut dire qu'elle passe sur Jimmy. Et qu'il en va des chaînes comme des labels. Qui parfois naissent de l'initiative de passionnés, vous font découvrir des tas de trucs, et finissent comme des coquilles vides, sucées jusqu'au sang.

Tel est le cas de Canal Jimmy, pionnière du câble et du satellite, née dans l'ellipse de Canal+. Ses initiateurs ? Michel Thoulouze et Pierre Lescure, fins téléphiles, qui ont vite fait de passer de l'orientation culto-nostalgique des origines (Jimmy, en hommage aux chers défunts Dean et Hendrix) à une optique culto-défricheuse. Outre des magazines sympathiques, l'antenne est vite peuplée de séries. En VO, au moins pour certaines diffusions. Et triées sur le volet. Des titres ? Dream On, Bottom, Father Ted, Ab Fab (que Canal+ avait tout salopé en VF), Seinfeld, NYPD Blue. Toute la galaxie Star Trek. Et puis Friends (avant qu'on en bouffe à toutes les sauces), les Sopranos, The Shield. Entre autres.

Avant l'essor du DVD, avant le Divx et l'Internet haut débit, Canal Jimmy a très largement créé ce que l'on peut appeler la culture séries en France (avec son magazine dédié, animé par Alain Carrazé). Ce qui causera sa perte. L'intérêt croissant du public pour les séries, devenus un enjeu stratégique, tire les prix vers le haut, et Canal+ va cannibaliser son enfant prodige. Jimmy tout court, à partir de 2003, n'est plus guère qu'un vulgaire robinet à séries usées jusqu'à la trame, sans même profiter de la VM la plupart du temps.

Ou presque. Car, je me répète, c'est bien sur Jimmy qu'est diffusée, depuis quelques mois, la meilleure émission de télé française actuelle.

Avant, Watcha, c'était ça.

Beurk.

Mais sur Jimmy, maintenant, Watcha, c'est ça.

Oui, mais encore ? Ben, heu, le magazine des privilège et des privilégiés, comme ils disent. Mais aussi des tendances (la preuve, le générique est signé Ariel Wizman). Du futile, donc. Avec des sujets, par exemple, sur les yachts, les dernières avancées du fitness, les services de conciergerie, les sneakers addicts, le street golf. L'indispensable Watcha/Pas Watcha, match entre deux pipoles arbitré par des journalistes spécialisés, genre BHL contre Barbara Cartland, écrivains lookés. .

Pas de quoi twitter à sa mère ? Si. Parce que ce mag est redoutablement peaufiné. Sujets montés au cordeau, nerveux, et surtout mis en perspective par une voix off omniprésente, pertinente et persiffleuse. Qui transforme ce prétendu hymne au superficiel et au bling en critique mordante de la société du paraître. En épargnant juste le talent des vrais artisans et esthètes. Parce qu'ils ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes.

Le plus étonnant est que la voix en question appartient à Juliette Arnaud, ex-compagne de Michaël Youn, co-scénariste de La Beuze (ouch) et ci-devant présentatrice d'Intervilles avec Nagui. Je sais, ça peut faire peur.
Lien
Pour se faire une idée, mieux vaut éviter de chercher la bande-annonce sur le Net (très ratée). Et s'infuser d'emblée une émission entière.

Conquis ? Pour les programmes, c'est par ici. Et ça a l'air parti pour continuer cet été. Les vacances avec les bataillons de congés payés, c'est définitivement pas Watcha.

23 juin 2009

La réponse au micro-blogging

Le maquereau blogging (désolé).

Le retour des morts-vivants

Eh non, ce blog n’est pas (encore ?) mort. Il bouge encore, la preuve. Le teint terreux, certes, les vêtements déchirés et l’œil vitreux.

Si j’étais malhonnête, je prétendrais qu’assommé par le départ de Lux Interior vers une autre dimension astrale, j’avais perdu le goût de la vie. Et que ce blog d’inspiration crampsienne – le nom est un gros clin d’œil à “Badass Bug” (Big Beat from Badsville) – en a accusé le contrecoup.

Ce qui n’est pas entièrement faux. Mais grandement exagéré. Non, j’ai surtout arrêté de blogger par désintérêt, flemme (je ne suis pas pour rien de la dernière génération pour qui le travail était quelque chose de facile à trouver, et qui se planquait derrière le droit à la paresse), éparpillement (et s’il y avait une réponse rigolotte à faire à un statut Facebook ?). Manque de coups de cœur musicaux, aussi. Et flemme encore quand, après deux phrases, j’ai renoncé à expliquer à la planète – qui l’a déjà compris, enfin, les concernés – pourquoi et comment les Black Lips étaient le seul vrai groupe garage actuel.

Là, je ressens à nouveau la démangeaison. Alors, je ne vais pas me gêner. Et hop, dans le désordre, façon Marvel Comics (en VO, pré bodybuilding des super-héros) de ma préadolescence…

# Item ! Isabelle Chelley et le Colonel Moutarde – l’irrésistible duo du Guide de survie des filles rock (Tournon) – récidivent avec le Guide de Paris ville rock (Tournon, toujours). Et la première d’entre elles vous le dédicacera, si vous le lui demandez gentiment (et éventuellement en lui payant un coup), demain soir (mercredi 24 juin) à l’UFO Bar, 49-51, rue Jean-Pierre Timbaud, dans le XIe, à partir de 21 heures.


# Item ! Fredo Viola m’a encore bluffé hier soir au café de la Danse. Qu’il s’autosample ou se loope, ou qu’il se la joue acoustique avec un (gros) coup de main des Mancuniens d’I Am Your Autopilot et du Lyonnais Scalde, les mélodies en apesanteur et entrelacs harmoniques de la bande caressent les tympans sans jamais tomber dans la préciosité. Et l’homme au chapeau, réalisateur de formation, réalise aussi d’étonnantes vidéos circulaires.

# Item ! Ghost Train Tragedy, le 2e album de Coming Soon, à sortir le 7 septembre, plaira aux fans de Coney Island Baby. “Love In The Afternoon” est déjà en écoute sur leur moneuspace.

# Item ! J’ai résisté à télécharger illégalement I'm Going Away des Fiery Furnaces, un mois avant sa sortie. Je n’ai pas envie de gâcher l’excitation du vinyle acheté chez un vrai marchand. Et puis, peut-être que j’ai un peu peur d’être déçu, parce que la version live téléchargée (avec la bénédiction du groupe) chez nyctaper n’est pas facile, à la première écoute. Faut dire que, puisque c’est un album plutôt claviers, ils le jouent en config’ guitare. Logique. Pour eux.

# Item ! Je ne sais même pas si l’arrivée autoproclamée (on va attendre la confirmation officielle) de Frédéric Mitterrand – la droite devrait apprendre à bien dire Mi-tè-ran, et plus Mitran – à la Kulture m’amuse. Surtout accompagnée d’une nouvelle crispation Hadopi. Ce n’est pas parce qu’il y a de vraies questions qu’une mauvaise réponse devient juste.

# Item ! En revanche, la Genèse par Crumb comme BD d’été dans Télérama, ça me provoque une franche hilarité. Comme le hors-série spécial AC/DC des Inrocks.

5 février 2009

Lux Interior R.I.P.

Pas le temps - ni l'envie, au moins pour l'instant - d'en faire une tartine, mais 2009 semble bien parti pour être une année de merde. Le titre de ce blog et la photo du bandeau suffisent à dire que Lux Interior, pour moi, a été plus que le chanteur d'un de mes groupes favoris : un passeur, celui qui m'a ouvert bien des portes. Fuck it. Et toutes mes pensées vont à Ivy.

7 janvier 2009

No fun

Putain, l’année ne pouvait pas commencer plus mal. Ron Asheton, merde. Mort, tout seul, à Ann Arbor, chez lui. Apparemment depuis le jour de l’an. L’air paisible. Et là, d’un coup, c’est comme si ma jeunesse était morte avec lui, pour de bon.

Ron, bien sûr, était mon Stooges favori. Pas Iggy ? Non, pas Iggy. Ron. Pourquoi ? Parce que – au moins – dans mon idée, c’était le plus cool. Un vrai slacker, qui ne s’est jamais perdu dans les drogues dures – régime fumette et vodka – et qui ne craignait pas de s’afficher en uniforme nazi, croix de fer autour du cou et brassard à swastika, en pleine ère hippie. Pas par idéologie, mais parce que ça a de la gueule, qu’il trouvait ça cool, et qu’il emmerdait ceux à qui ça déplaisait. Puéril ? Oui, un peu. Pas défendable pour deux ronds. Mais quand j’avais quinze ans, ça me fascinait.

Dieu sait que je l’ai maté sur les pochettes, Ron, avec ses Ray-Ban aviateur. Et plus encore écouté. Ma chère et tendre, c’est Iggy qui la met dans tous ses états et réveille la bête en elle. C’est juste sexuel, et bien naturel. Eh bien moi, c’était Ron. Quelque chose comme l’incarnation des ultimes plaisirs bruts qu’on puisse tirer d’une six-cordes électrique. Paraît que c’était pas un technicien. C’est probablement vrai. Mais franchement, qu’est-ce que le rock a à voir avec la technique, hein ? C’est plutôt un handicap. Ron, c’était juste du viscéral. De la fuzz utilisée sans nuance, façon arme de destruction massive, ou nuage d’agent orange dans la jungle. Et une wah-wah écrasée pour mieux la faire jouir. Tout ça l’air de rien. Le contraire de tous ces guitaristes qui se croient obligés de faire des solos à grimaces, un genre en soi. J’aimais bien me l’imaginer en tueur froid, sans états d’âme. Ce qui était sans doute très loin de la vérité, tous ceux qui l’ont approché ont souligné sa gentillesse et sa disponibilité.

Il fallait qu’il en ait, d’ailleurs, de l’abnégation, pour accepter d’être rétrogradé au poste de bassiste, après le premier split des Stooges, pour l’ère Williamson.

Si j’ai quelque peu négligé The New Order, par la suite, j’ai raccroché les wagons pour Destroy All Monsters, le groupe excellent qu’il avait fondé avec la piquante Niagara. Je pourrais délirer longtemps sur celle-ci, sa voix de petite fille lasse ah, “Bored”), ses micro-minijupes et ses talents de peintre, mais je m’égare. Le mieux est encore que vous alliez faire un tour sur son site , où vous pourrez notamment télécharger ce fameux “Bored”.

J’ai continué à suivre Ron de loin. Fantasmé sur le Stooges Project, avec son frère, Mike Watt et J. Mascis. Été quelque peu déçu par les trois titres des Stooges ressuscités (enfin, pas Dave Alexander, quand même) sur l’album d’Iggy. Et je me suis mis à rêver grave quand les Stooges se sont retrouvés sur la scène de Coachella. Sans Dave Alexander, toujours excusé pour cause de mort prématurée, mais avec un Mike Watt parfaitement à sa place. Et même ce bon Steven Mckay, le saxo free de Fun House. Autant dire que quand les Stooges ont enfin mis le pied sur le sol français, où Detroit est au fan local ce que la gare de Perpignan était à Salvador Dali, je ne me suis pas fait prier pour mettre le cap sur le Bol d’Or. Bien sûr, j’avais déjà vu Iggy des tas de fois, mais là c’était autre chose. Les fuckin’ Stooges. Avec Ron himself. En plein dans une sorte d’Altamont bien de chez nous, les morts en moins, mais avec les bikers faits aux pattes et l’ambiance glauque idoine. Soit les circonstances idéales pour voir ce rêve d’adolescence réalisé. Les fuckin’ Stooges sous mes yeux, accroché à la barrière, au premier rang. Bon, d’accord, à force d’avoir stage divé, l’Osterbeg claudique, mais dès qu’il met les pieds sur scène, pouf, c’est plus fort que lui, il redevient l’Iguane lubrique. Surtout avec Ron aux fesses. Bien épaissi (la vodka), en veste camouflage, avec une guitare à la con, mais toujours avec ses Ray-Ban Aviator. Et le son, bordel, le son. Comme en 69/70. Une heure de pure jouissance.

Bien sûr, après, je les ai revus. Au Zénith. C’était toujours aussi bien. Un tout petit peu moins magique que la première fois. Parce qu’une première fois, c’est une première fois. Surtout quand on l’attend depuis plus de 30 ans. Et puis j’ai laissé passer, laissé pisser. Il y aurait toujours une prochaine fois, n’est-ce pas. Surtout qu’entre-temps, il y avait eu The Weirdness. Dont je n’ai pas envie de parler. Et aujourd’hui, je me retrouve comme un con. A réécouter les Fun House Sessions sur Deezer (oui, j’ai le coffret à la maison). Et j’ai mal. Juste mal.


Découvrez The Stooges!


Mais comme je n’ai pas envie de finir sur une note aussi négative, je m’en vais de ce pas relire le rider des fuckin’ Stooges. Le document le plus drôle qu’on puisse trouver sur un groupe en tournée. So long, Ron. Rendez-vous là haut pour une jam avec Rob, “Sonic”, Dave et les autres…