29 octobre 2008

Party et partouze

Je n'irai pas chercher de point commun entre le Late Season Gathering initié par Coming Soon au Café de la Danse et le concert des Kills au Bataclan, qui se succédaient selon les hasards du calendrier. Je pourrais toujours jouer la paresseuse carte enfants du Velvet, qui marche au moins une fois sur deux pour tout ce que j'aime. Mais bon, là, c'est à peu près comme de comparer une sympathique soirée entre potes et un plan cul tout debout dans les chiottes. Pas le même genre de plaisir.

Si j'en juge d'après le toujours impeccable blog de Philippe Dumez (faut qu'on arrête de se renvoyer la balle, ça devient embarrassant), le second volet du rassemblement anneço-lugduno-parisiano-suédo-berlino-londonien (ouf !) s'est déroulé sur le mode "on prend les mêmes et on ne se répète pas". En ce lundi, c'est sur The Wave Pictures que sont braqués les projecteurs en première partie de soirée. Si je ne partage pas tout à fait l'enthousiasme de M. Dumez à leur égard (je vois plus en eux de solides artisans que le meilleur groupe du monde), le temps file vite alors que les copains vont et viennent sur scène : Freschard et Stanley Brinks (sourires, bière, saxo soprano et cigarettes), Lisa-Li Lund et les Coming Soon, par délégations ou au grand complet (ou presque, puisque Carolina Van Pelt avait un mot d'excuse). Ils sont ainsi jusqu'à 12 sur scène. Et lorsqu'Alex Banjo croise la guitare avec David Tattersall, c'est comme s'ils allaient chatouiller le fantôme de Television. La bonne humeur en prime.


Découvrez Coming Soon!


Quand, après une brève interruption, Coming Soon reprend le flambeau, c'est le changement dans la continuité. Les amis invités continuent à faire des apparitions, dans la plus parfaite décontraction, sans faire d'ombre aux initiateurs de la fête. Autour d'Howard Hugues, le grand escogriffe en Stetson à la gestuelle saccadée et à la voix de Gordon Gano baryton, qui fait office de chef de bande, chacun prend le micro (sans le monopoliser) pour ses compos : Billy le bassiste ("Private Tortures"), Alex (le délicieux "Broken Heart"), Ben ("New Territories"), sans oublier le "Big Boy" du petit Léo (batterie). Seule Mary Salomé n'a pas encore voix (autre que choriste) au chapitre, mais son rôle de coloriste, au marimba, glockenspiel, flûte ou clarinette, n'est pas celui d'une figurante. En quelques mois et beaucoup de concerts, la petite troupe n'a rien perdu de sa fraîcheur, tout en gagnant en assurance. Et les quelques nouvelles chansons interprétées donnent confiance pour le deuxième album. Coming Soon est bien parti pour être une jolie histoire qui dure. Comme le souvenir de ce rappel, une reprise du "I'm So Lonesome I Could Cry" de Hank Williams interprétée a cappella dans le public.


Le contraste ne pourrait être plus saisissant en découvrant, le lendemain, Naive New Beaters qui squatte déjà la scène du Bataclan. Un trio electro-rap branleur qui me fait me sentir très vieux, d'un coup. Et très con. Consterné devant cette mauvaise blague dissimulant sa vacuité musicale sous le second degré. Et confondu de voir une grosse majorité du public mordre à l'hameçon et avaler la ligne. Public il est vrai largement composé d'échappé(e)s des Rock'n'roll Fridays du Gibus et de minettes émoustillées par l'idylle de Jamie Hince et Kate Moss.

Mais peu importe. Il suffit que ledit Jamie et Alison Mosshart se retrouvent - de préférence sur les planches - pour que ça fasse des étincelles. Et qu'on oublie tout le reste. Peu importe que ces deux-là couchent ensemble ou pas, leur réunion met toujours le feu au bas-ventre. Ils ne sont plus collés l'un à l'autre pour oublier leur trac ? Tant mieux. Jamie, Perfecto et t-shirt marin, l'air crâne, semble oublier que l'électricité est censée s'arrêter dans sa vieille Höfner, comme électrocuté, à la manière de Wilko Johnson. Alison, lorsqu'elle ne tourne pas en rond comme une lionne en cage, feule comme une féline en chaleur, le visage caché sous sa crinière brune, le corps parcouru de frissons d'extase. C'est simple : s'il y a des musiques de baise, la musique des Kills est le sexe incarné. Dangereux. Vicieux. Moite. Ne comptez pas sur moi pour la set-list (puisant largement dans Midnight Boom, leur troisième et excellent album). Me restent surtout des flashes. Un "Kissy Kissy" qui sonne plus que jamais comme du Creedence déniaisé par Lou Reed dans une cabane du bayou. Un "Black Balloon" infiniment plus tendu et vibrant que sur disque. Un énergumène en costume de Bibioman (force rouge) sautant sur scène pour danser une minute avec le couple infernal mort de rire, du coup, et replongeant impeccablement dans le public pour surfer jusqu'au fond du Bataclan. Avec un timing parfait : le groupe jouait justement "Cheap And Cheerful", et son «I want you to be crazy 'coz you're boring baby when you're straight».

Cinquante minutes, et c'est déjà le rappel : une reprise, presque trop évidente, de "Pale Blue Eyes" du Velvet, interrompu le temps de vérifier qu'un évacué évanoui n'avait pas passé l'arme à gauche ; leur cover fétiche du "Dropout Boogie" de Captain Beefheart; et, en sandwich, "Cat Claw", l'une de leurs premières collaborations. «You want it, I got it.» Tout est dit.

Photos :
Keraoc (Coming Soon)
Paige K. Parsons (The Kills)



21 octobre 2008

L'invasion des profanateurs de sépulture



Je suis tombé dessus par hasard, hier, en écoutant Ruquier la radio. Déjà que j'étais pas fan de la Melua, mais là, j'ai vraiment envie qu'on la livre en pâture aux soudards russes dans sa Géorgie natale.

Pourquoi ? D'abord, c'est pas joli-joli de faire des duos virtuels avec des défuntes qui ne peuvent pas se défendre. Quoi qu'on pense d'Eva Cassidy, elle avait une bonne raison de reprendre "What A Wonderful World" en 1996, sur un tempo de marche funèbre. Elle se savait condamnée, et c'était son chant du cygne, un adieu à la vie qu'elle aimait. Et ce n'est pas de sa faute (enfin, pas entièrement) si miss Melua se revendique d'elle.

Mais le pire, c'est que l'insupportable frisottée se sent autorisée à en rajouter dans le registre doloriste par rapport à l'agonisante. Finissant de conforter haut la main son statut de chanteuse la plus maniérée du millénaire, registre "houlala, c'est que j'ai une sensibilité d'écorchée vive à fleur de peau, moi". Avec en fausse bonne excuse supplémentaire le fait que cette mascarade a été concoctée pour Noël 2007, au profit de la Croix-Rouge britannique.

Sauf que là, on est obligé de tirer sur l'ambulance. Ce qui a d'ailleurs été la réaction de Ruquier et ses chroniqueurs. Après avoir rappelé que Katie Melua, artiste Europe 1, se produisait le soir même au Zénith, ils ont arrêté le morceau en plein milieu, avec des commentaires genre «Aaaaargh, c'est trop insupportable, on dirait qu'elle va à un enterrement (sic), et c'est pas possible qu'elle ait autant l'air de s'emmerder». Fermez le ban ! Et autant pour la promo maison. Avec l'original par Louis Armstrong dans la foulée pour en remettre une couche.

La seule chose qui soulage, finalement, et même s'il n'y avait guère de risque, c'est que la pilleuse de tombe ne se soit pas attaquée à Joey Ramone...

16 octobre 2008

Pervers polymorphes

Of Montreal sur scène, c'est plus que jamais le grand magic circus et ses animaux gays. Au fil du show, rythmé par d'incessantes projections naïves, se succèdent de gros bouddhas dorés qui amènent Kevin Barnes, le Monsieur Loyal de la troupe, sur la piste, des mannequins vivants, un cochon, une girafe et un tigre, un roadie qui se fait couper les cheveux, ou le dieu Pan qui s'adonne à une orgie de fruits. Et encore n'est-ce que la version largement downsizée pour cette petite tournée européenne du grand Barnum américain, avec moult décors et largement plus d'acteurs/danseurs/performers et de costumes.

Un grand n'importe quoi rigolo et bricolo, passablement camp et dans la meilleure tradition arty déconnante d'Athens, Géorgie, patrie d'adoption d'of Montreal mais aussi, avant eux, des B-52's et du collectif Elephant 6.

Ce côté happening permanent n'est que la traduction visuelle de la voie empruntée par Kevin Barnes sur Skeletal Lamping, le tout nouvel album du groupe, joué dans sa quasi-intégralité, et conçu comme un kaléidoscope electro-disco-funko-psychédélique destiné à désorienter l'auditeur. On l'avait vu sortir de la dépression en adoptant un alter ego pervers polymorphe à la fin de Hissing Fauna, Are You The Destroyer, et c'est celui-ci - alias Georgie Fruit, quinquagénaire noir adepte des changements de sexe à répétition et musicien de funk - qui a pris le dessus. D'où une partouze de styles et de thèmes souvent éblouissante, parfois sans queue ni tête, et à l'occasion ennuyeuse, quand Kevin s'attarde dans des digressions bruitistes.

Pour mieux varier les plaisirs (et le son), pratiquement tout le groupe - enjoué et irréprochable, comme d'habitude - s'adonne plus que jamais à un échangisme forcené. Dottie Alexander, souriant petit pot à tabac en tutu, ne dédaigne pas de délaisser les claviers pour la Strat, Ahmed Gallab, afro et bandeau bleu, quitte parfois son kit pour une guitare ou une basse, Jamey Huggins virevolte entre deuxième kit, basse, synthé et guitare, et Kevin, toujours maquillé comme un camion volé, délaisse sa SG pour s'installer au piano le temps d'un touchant "Touched Something's Hallow", Bryan Poole à la guitare et Davey Pierce à la basse tenant la maison. Selon les besoins, il peut ainsi y avoir jusqu'à 4 guitares à la fois, ou deux basses, ou deux batteries.

Si, pendant une heure, la jouissance est sans mélange, la dernière demi-heure se fait quelque peu étouffe-chrétien, la faute à une set-list mal équilibrée, et qui plus est allégée par rapport aux shows américains de deux friandises plus anciennes (“Eros Erotic Tundra” et l'aérien "Disconnect The Dots") qui auraient allégé le menu.

Quant à la reprise finale de "Smells Like Teen Spirit", je l'ai interprétée comme un appel à l'usage du déodorant dans le public, hautement pue la sueur - oui, c'était mieux quand ça sentait la cigarette.

Lâcher le mot de déception serait un peu fort, mais il y a de cela, quand on se souvient de l'état de grâce de la bande, au Point Ephémère ou à la Maroquinerie. Et il n'y a même pas de cabas, de lanterne, de badge ou un simple vinyle (Skeletal Lamping est marketé sous 7 formes différentes) en vente pour se consoler. La prochaine fois, sans doute...

Skeletal Lamping est en streaming intégral sur le MySpace du groupe

14 octobre 2008

Encore une défaite du marxisme

Il y a 22 ans, c'était Peter Gabriel et Kate Bush, pardon, l'ange Gabriel et la fée Bush, qui s'associaient pour "Don't Give Up".

Et maintenant, c'est la Castafiore Björk qui invite Thom "Calimero" Yorke à faire le choriste pour "Nattura", bonne cause - je vous laisse deviner laquelle - à la clé.

La filiation parle d'elle-même, à une génération d'écart. Et démentit le vieux Karl, qui prétendait que quand l'histoire repasse les plats, c'est « la première fois comme tragédie, la seconde comme farce ». Là, à chaque fois, c'est comme si mon pire cauchemar se réalisait.

J'espère juste que, s'ils font des petits, il y aura quelqu'un pour les noyer à la naissance...

9 octobre 2008

Pourvu qu'elle soit rousse



Entre les rousses et moi, c'est une vraie histoire d'amour, de mes premiers émois à ma chère et tendre. Donc vous pensez si entre Jenny Lewis et moi, c'était plié d'avance.

Et pourtant, ce fut une longue suite de rendez-vous ratés. Sans excuse de ma part. Grâce aux Chroniques de Californie sur Canal Jimmy, au tournant du millénaire, j'avais repéré que Rilo Kiley, alors à ses débuts, vaudrait que j'y jette une oreille. Sans suite.

Je ne me suis vraiment réveillé qu'en écoutant, Rabbit Fur Coat, le premier album de Jenny (avec les Watson Twins). Un coup de cœur. Mais j'ai trouvé le moyen de les rater quand elles sont passées au Nouveau Casino.

Quelque peu déçu par Under the Blacklight, le dernier Rilo Kiley (j'ai rattrapé mon retard discographique entre-temps), je me suis abstenu. Et n'aurais pas été à la Maroquinerie en cette soirée du 8 octobre si mon excellent camarade Philippe Dumez (qui vous offre sa propre perspective sur son I wanna be your blog) ne m'avait heureusement signalé ce concert. Et invité. Qu'il en soit deux fois remercié.

Pour le reste, c'est Jenny que je remercierai. Radieuse sous son chapeau, en salopette en jean et t-shirt tye-dye, Miss Lewis a la joie de jouer communicative. Flanquée d'un bar-bar band glorifié (ce n'est pas une critique) qui a la touche de Stillwater, le groupe imaginaire du film Almost Famous, la flamboyante petite transforme la Maroquinerie en honky-tonk, aidée par une importante présence américaine dans la salle. Toute Acid Tongue, son nouvel album, y passe, plus quelques rescapées du précédent. Avec toujours du chien, un charme fou - Jenny a une voix de dragée au gingembre, où la douceur est toujours relevée par du piquant, proprement irrésistible - et, parfois, la grâce.

“Acid Tongue”, qu'elle interprète seule à la guitare sèche, les cinq musiciens rassemblés autour d'un micro confondant leurs voix en harmonies lumineuses, est beau à pleurer - d'ailleurs, de grosses larmes me coulent le long des joues à ce moment, embarrassant...


Lorsque, en duo avec son guitariste (et compagnon) Johnathan Rice, elle reprend en rappel “Love Hurts” des Everly Brothers, je réalise que la dernière fois que j'ai entendu cette chanson, c'était par Linda Ronstadt, la connexion, évidente, se fait : Jenny est l'héritière (certainement involontaire) de toutes ces chanteuses des canyons du début des années 70. Mêmes influences, résultat similaire, mais pas identique - question d'époque. Elle a bien l'aisance country-pop de Linda (mais avec plus de feeling) ou les qualités de songwriter d'une Carole King (voir “Godspeed”). La fraîcheur. Mais pas la naïveté (et moins de coke dans le nez, aussi, sans doute).

En sortant, je suis pressé d'aller dormir. Pour passer la nuit avec Jenny de mes rêves.

Jenny sur myspace